Novak Djokovic embarrasse le pouvoir serbe en soutenant la contestation étudiante

Le plus grand champion de l'histoire de la Serbie a vu son statut écorné en raison de son soutien appuyé au mouvement de révolte de la jeunesse depuis la fin 2024. Héros national choyé par le pouvoir, l'idole est désormais critiquée dans la presse proche du régime, et boudée par le président Vucic.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Novak Djokovic sur le court Philippe-Chatrier du complexe Roland-Garros, à Paris, le 4 juin 2025. (THIBAUD MORITZ / AFP)
Novak Djokovic sur le court Philippe-Chatrier du complexe Roland-Garros, à Paris, le 4 juin 2025. (THIBAUD MORITZ / AFP)

Le héros du peuple est devenu une épine dans le pied d'un pouvoir contesté. Plus beau palmarès de l'histoire du tennis, et idole absolue en Serbie, Novak Djokovic n'est plus en odeur de sainteté dans l'entourage du pouvoir à Belgrade, comme le raconte Courrier International, mercredi 4 juin, qui se fait l'écho d'un changement de ton brutal de la presse serbe au sujet de son champion. Nole, son surnom, est pratiquement présenté en ennemi d'État dans certains médias proches du président Vucic, lui qui a toujours bénéficié des faveurs du régime.

À l’origine de ce désamour, le soutien affiché par Novak Djokovic au mouvement de contestation porté par la jeunesse serbe, parti de l'effondrement de la gare de Novi Sad en novembre dernier. L'accident a fait 16 morts, mais il a surtout été le déclencheur d'une vague de protestation massive contre la corruption, et la classe politique. Des cortèges composés essentiellement d'étudiants, à qui "Djoko" a d'abord apporté son soutien sur ses réseaux sociaux, avant d'envoyer des signaux réguliers de son appui, notamment lors de l'Open d'Australie, en janvier. Après avoir rendu hommage à une manifestante blessée en inscrivant son prénom sur la caméra du tournoi, la star dénonce en conférence de presse "une grande défaite pour la société serbe", et poursuit ses critiques en expliquant vouloir que ses "enfants grandissent en Serbie, et que les jeunes partis à l'étranger rentrent vivre" au pays.  

L'agacement du clan présidentiel

Si ces premières déclarations laissent le pouvoir relativement indifférent, le mouvement de la jeunesse prend de l'ampleur dans le pays, et quand Novak Djokovic parle d'une manifestation "historique et magnifique" à Belgrade au mois de mars, l'inquiétude et l'agacement apparaissent dans le camp du président, confronté à une opposition inédite. L’homme aux 24 titres du Grand Chelem, un record, devient gênant, et le ton change à son propos.

Un quotidien proche du pouvoir ose l'attaquer frontalement ("Novak, la honte ?") et l'associe à une manipulation de l'opinion orchestrée depuis l'étranger, reprenant un argumentaire du pouvoir pour décrédibiliser le mouvement. Le nom du champion est même effacé au dernier moment de la lettre d'un enfant, lue par le président lors d'une cérémonie, et remplacé par celui de Nikola Jokic, star serbe de la NBA.

Quelque 25 millions d'abonnés sur les réseaux

L'épisode pourrait paraître anecdotique, mais il ne faut pas négliger le poids de Novak Djokovic, idole absolue dans son pays où il est acclamé par la foule à Belgrade après chaque succès, et source de fierté. Relativement à distance des débats politiques, le champion est tout de même apprécié pour ses positions nationalistes, exprimé notamment à propos du Kosovo, et il a été largement soutenu par le pouvoir et la population quand il a été au centre des polémiques pour son opposition à la vaccination, au moment du Covid. Et puis Novak Djokovic, c'est aussi plus de 25 millions d'abonnés sur les réseaux sociaux, soit plus de quatre fois la population de son pays... 

Si ce soutien marqué à la jeunesse, qui continue de manifester et de réclamer des élections anticipées, marque une rupture avec le pouvoir, il dessine peut-être aussi le début d'une autre carrière, à quelques coups de raquette de la retraite... 

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