"Ce n'est pas une histoire de gauche ou de droite, mais de bien ou de mal" : le discours fleuve du sénateur démocrate Cory Booker, un héritage de la lutte pour les droits civiques

Le sénateur de New Jersey, Cory Booker, a monopolisé la tribune du Sénat à Washington pour manifester symboliquement le moment de "crise" traversé selon lui par les États-Unis. Il détient désormais le record du plus long discours, en s'inscrivant dans les pas de la lutte pour les droits civiques des années 1960.

Article rédigé par franceinfo
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Le sénateur démocrate Cory Booker a délivré un discours d'une durée record, du 1 au 2 avril 2025 à Washington. (WIN MCNAMEE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / GETTY IMAGES via AFP)
Le sénateur démocrate Cory Booker a délivré un discours d'une durée record, du 1 au 2 avril 2025 à Washington. (WIN MCNAMEE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / GETTY IMAGES via AFP)

Le marathon a pris fin autour de 2h du matin, mercredi 2 avril en France, et alors que l'horloge affichait un peu plus de 20h à Washington. Après plus de 25h de discours, debout et sans discontinuer, Cory Booker a quitté la tribune épuisé, la voix tremblante de fatigue, sous l'ovation de ses collègues démocrates. Un record d'endurance et un propos symbolique que le sénateur du New Jersey, état situé en bordure de New York, avait justifié en prenant le micro, lundi soir. "Ce soir, je me lève avec l'idée de créer un trouble positif, car je crois sincèrement que notre pays est en crise... Je veux donc perturber le travail habituel du Sénat, aussi longtemps que j'en serais physiquement capable".

Le sénateur Booker a utilisé une règle qui donne la possibilité à un élu du Congrès de s'exprimer aussi longtemps qu'il le souhaite à la tribune, à la condition de ne pas s'asseoir, et de ne pas quitter la pièce. Une technique habituellement utilisée pour faire obstruction à un texte (comme dans le film de Franck Capra, Monsieur Smith au Sénat), et qui vaut à son auteur le surnom de "filibuster". Dans le cas de Cory Booker, il n'y avait pas de vote prévu, le sénateur voulait simplement marquer les esprits, et susciter ce qu'il appelle, en anglais dans le texte, "a good trouble". Une expression difficile à traduire légèrement en français ("bon problème" ou "trouble positif") mais ce qui est intéressant, c'est qu'elle renvoie à une formule utilisée par un personnage emblématique de la lutte pour les droits civiques.

Un discours massivement partagé sur les réseaux sociaux

Surnommé "la conscience du Congrès", John Lewis est devenu, à sa mort en 2020, le premier élu africain américain enterré sous la coupole du Congrès. La consécration d'une vie de combat pour celui qui dirigeait un mouvement étudiant non-violent dans les années 1960. Il avait alors joué un rôle actif dans "la marche vers Washington", qui a donné lieu au fameux discours de Martin Luther King sur les marches du Lincoln Memorial, et aux nombreuses actions du mouvement pour les droits civiques. John Lewis était devenu plus tard un élu de Géorgie, état ségrégationniste, en 1986. Or, en occupant la tribune aussi longtemps, le sénateur Booker a effacé des tablettes un record datant de 1957, avec un discours prononcé par un élu favorable à la ségrégation, pour s'opposer à une loi sur les droits civiques...

Si son discours fleuve n'a guère ému les élus républicains, partagés entre ricanements et critiques, l'initiative de Cory Booker a été largement saluée dans le camp démocrate, dans un moment où le parti peine à trouver une manière de s'opposer à la politique du président Trump. Son expression, "ce n'est pas une histoire de gauche ou de droite, mais de bien ou de mal", formulée en conclusion de son discours, pour illustrer l'enjeu du moment, selon lui, est depuis largement partagée sur les réseaux sociaux.

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