"Ils n’ont aucune foi en l’avenir" : en Suède, des enfants sont engagés comme tueurs à gages par des gangs

Avec quasiment une fusillade par jour ces dernières années, la Suède est l’État européen le plus touché par les règlements de comptes. En un an, le nombre de jeunes de moins de 15 ans soupçonnés de meurtre a quasiment triplé.

Article rédigé par franceinfo - Ottila Férey
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des policiers suédois sur les lieux d'une fusillade, où un homme a été abattu en affrontant un gang de jeunes, le 11 avril 2024. (OSCAR OLSSON / TT NEWS AGENCY / AFP)
Des policiers suédois sur les lieux d'une fusillade, où un homme a été abattu en affrontant un gang de jeunes, le 11 avril 2024. (OSCAR OLSSON / TT NEWS AGENCY / AFP)

En Suède, ils sont tristement appelés "enfants soldats". Ils n’ont parfois que 10 ou 11 ans et ils sont engagés comme tueurs à gages. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas atteint l’âge de la responsabilité pénale, fixé à 15 ans. Une aubaine donc pour les gangs qui vivent du narcotrafic. Viktor, 25 ans, a côtoyé certains d’entre eux à l’époque où il était lui-même membre d’un gang à Stockholm. "La plupart de ces jeunes n’ont aucune idée des conséquences, ils n’ont aucune foi en l’avenir, ils ne pensent pas survivre longtemps et, quelque part, se fichent complètement des répercussions que ça peut avoir, raconte-t-il. La raison principale pour s’engager dans les gangs, c’est l’argent, bien sûr, et une forme de statut."

En Suède, les services sociaux, la police et les associations collaborent étroitement pour identifier et empêcher les enfants d’entrer dans la criminalité. Ce travail commence parfois dès l’âge de 6 ans. La cheffe de police, Josefine Ristmägi, explique qu’il est primordial de faire de la prévention le plus tôt possible.

"Aujourd’hui, on voit des enfants qui veulent ressembler et jouer aux criminels."

Josefine Ristmägi, cheffe de police

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"On a vu des enfants jouer avec des sachets qui ressemblent à ceux dans lesquels on met de la drogue et ils jouent à les vendre, rapporte la policière. Quand on demande aux enfants aujourd’hui ce qu’ils veulent devenir quand ils seront grands, avant, ils répondaient souvent un métier. Maintenant, ils répondent juste qu’ils veulent gagner de l’argent. Et on voit que les filles aussi s’y mettent."

Abaisser l'âge de la responsabilité pénale, amender les parents

Face à l’explosion de la criminalité chez les très jeunes, le gouvernement planche sur de nouvelles lois et mesures. Les recrutements se font principalement sur les réseaux sociaux. Ces dernières années, la Suède a même vu apparaître ce qu’elle appelle des influenceurs du crime. Le gouvernement de droite, soutenu par l’extrême droite, propose que la police puisse, par exemple, surveiller secrètement les appels téléphoniques et les communications des jeunes de moins de 15 ans.

Il est aussi question d’imposer, à titre préventif, le port du bracelet électronique à certains dès l’âge de 15 ans. Le gouvernement planche aussi sur une loi qui pourrait faire passer l’âge de la responsabilité pénale de 15 à 14 ans pour les délits les plus graves. Autre proposition faite récemment : punir d’une amende les parents refusant de suivre les directives des services sociaux – comme s’assurer que leur enfant va à l’école, fait ses devoirs ou respecte le couvre-feu, par exemple.

Des mesures controversées, qui questionnent les Suédois

Des mesures répressives jugées inefficaces par Pernilla, la mère d’Alfred, qui purge actuellement une peine de prison de quasiment 13 ans. Son fils a été surnommé par les médias suédois "le fabricant de bombe de Foxtrot". Foxtrot étant l’un des plus gros gangs actifs en Suède. "Cette amende résonne comme une double sentence pour les parents, s'indigne cette mère. La plupart font tout ce qu’ils peuvent pour leurs enfants. C’est une proposition très bizarre. Nous, on a fait tout ce qu’on a pu et on a demandé de l’aide extérieure, mais ça n’a pas suffi. Ça peut arriver dans une famille tout à fait normale comme nous, où l’enfant a tout ce dont il a besoin et beaucoup d’amour".

Certaines de ces mesures ou propositions de loi pourraient entrer en vigueur en juillet 2026. On voit donc que les autorités passent clairement à l’offensive et tentent de conjuguer répression, surveillance et prévention, au risque d’empiéter sur les libertés individuelles.

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