En Inde, l'avenir des artisans de Varanasi ne tient plus qu'à un fil
Cette ville mythique pour ses temples est aussi réputée fabriquer les plus beaux saris, le vêtement phare du pays. Mais en raison de la pandémie de Covid-19 et de la concurrence étrangère, ce savoir-faire indien est en danger.
En tendant l’oreille près de certaines fenêtres dans les ruelles étroites de Varanasi, en Inde, on entend d’abord un cliquetis caractéristique. C’est le son des impressionnantes machines à tisser Jacquard, du nom du français Joseph-Marie Jacquard, qui les imagina au début du XIXe siècle, avant qu’elles ne fassent le tour du monde. En 2022, elles résonnent toujours, sous les mains des tisseurs de saris de la cité millénaire.
Tout fonctionne absolument sans électricité grâce à un système de cartes perforées qui guident les chaînes de fils et permettent de tisser des motifs complexes. Pas d’usine centrale, les ouvriers travaillent à domicile sur ces immenses machines qui font penser à des bateaux. Il faut compter parfois deux semaines pour fabriquer un vêtement. Maqbool Hasan est un maître tisseur de 77 ans. Il fait vivre 50 artisans. Il présente l’histoire de la pièce dont il est le plus fier : “Le motif de ce châle à huit couleurs a vu le jour sur les métiers à tisser écossais de la ville de Paisley, au XVIe siècle. Au XVIIIe siecle, la région indienne du Cachemire le réinvente à l'aiguille. En 1966, j’ai trouvé ce châle à Bombay et je l’ai reproduit sur nos métiers à tisser. Je l’ai appelé "du Cachemire à Kashi", qui est l’autre nom de Varanasi."
Le choc du Covid et la concurrence de la Chine
Maqbool Hasan a été distingué en Inde et dans le monde pour son savoir-faire, fruit des héritages bouddhistes, hindous, moghols et britanniques. Mais il alerte aujourd’hui sur les dangers auxquels la guilde millénaire dont il est le représentant est menacée. La pandémie de Covid-19 a eu des conséquences importantes comme pour beaucoup de secteurs dans le pays. D’autant qu’en Inde ces petits artisans n'ont bénéficié d’aucun soutien des pouvoirs publics durant les divers confinements.
On tombe dans les maisons sur des métiers à tisser sans plus personne pour les faire fonctionner. Mais la menace qui pèse sur cette communauté musulmane de Varanasi est en fait plus profonde, selon Maqbool Hasan : "Nous sommes dans une compétition de plus en plus serrée avec la Chine, qui inonde le marché indien de saris industriels. Nous devons importer de la soie de Chine et les droits de douanes augmentent."
"Nous n’arrivons plus à vendre qu’aux riches familles, surtout hindoues. Mais dans le climat politique d’aujourd’hui, certains appellent à boycotter nos tissus car nous sommes musulmans."
Maqbool Hasan
Maqbool Hasan a créé plusieurs écoles pour les enfants de la communauté défavorisée des tisseurs, qui seraient plusieurs milliers à Varanasi. Une communauté qui a attiré l’attention d’Isabelle Moulin, muséographe française qui parcourt le monde pour former un réseau des villes de la soie et qui milite elle aussi pour la reconnaissance de ces savoir-faire. "En France, il ne reste qu’une poignée d’artisans qui savent se servir des métiers Jacquard, explique-t-elle. À l’heure du changement climatique, il est très important de préserver ces savoir-faire locaux et écologiques. Avec leurs cartes perforées fonctionnant selon un modèle binaire, ces métiers à tisser sont par ailleurs des ancêtres de l’informatique." Comme quoi en remontant les fils de la soie à Varanasi, on remonte aussi les fils de l’histoire.
À regarder
-
Avion low cost : payer pour incliner son siège
-
Cédric Jubillar : ses défenseurs passent à l'attaque
-
Salomé Zourabichvili : "La Russie utilise la Géorgie comme test"
-
Se faire recruter dans l’armée par tirage au sort ?
-
La détresse de Cécile Kohler et Jacques Paris, otages en Iran
-
Le fléau des courses-poursuites à Los Angeles
-
Se soigner risque-t-il de coûter plus cher ?
-
Bac sans calculette : les conseils de Lucas Maths
-
Menace des drones : la France déploie ses armes
-
Un couple sauvé des eaux au Mexique
-
Ces méthodes spectaculaires contre les courses-poursuites
-
Opération anti-drogue : 400 policiers mobilisés à Grenoble
-
En Turquie, une femme sauvée in extremis devant un tramway
-
14 milliards d'impôts en plus, qui va payer ?
-
Gaza : comment désarmer le Hamas ?
-
Menace sur les réseaux : 100 000 euros pour t*er un juge
-
Cédric Jubillar : 30 ans requis contre l'accusé
-
Impôts, retraites, que prévoit le budget 2026 ?
-
Rihanna, reine des streams sans rien faire
-
Que changera la suspension de la réforme des retraites si elle est votée ?
-
Salaire : êtes-vous prêts à jouer la transparence ?
-
Ici, des collégiens dorment à la rue
-
Nouvelle éruption d'un volcan dans l'est de l'Indonésie
-
Cœur artificiel : l'angoisse des greffés Carmat
-
Pourquoi le vote du budget peut te concerner
-
Le nouveau ministre du Travail rouvre les débats sur les retraites
-
Laurent Nuñez, nouveau ministère de l'Intérieur, se confie sur les attentats de 2015
-
Adèle Exarchopoulos : "Quand le monde se résigne à banaliser la violence... Ce qui reste, c'est le collectif"
-
Un mois après sa mort, le message de Charlie Kirk résonne encore
-
Le rappeur SCH déclare sa flamme à Marcel Pagnol dans un film d'animation consacré au célèbre cinéaste
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter