Édito
Au sein d'un gouvernement divisé, François Bayrou lance un débat risqué sur l'immigration

Le Premier ministre appelle à un débat sur l'immigration, mais sans aborder uniquement le sujet du droit du sol. Pas sûr que l'initiative de François Bayrou permette de mettre un terme à la cacophonie ambiante au sein de sa majorité, tant le sujet cristallise les tensions depuis 40 ans.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
François Bayrou assiste à une session parlementaire  sur le projet de loi de finances 2025 et le budget de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale, à Paris le 3 février 2025. (BERTRAND GUAY / AFP)
François Bayrou assiste à une session parlementaire sur le projet de loi de finances 2025 et le budget de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale, à Paris le 3 février 2025. (BERTRAND GUAY / AFP)

François Bayrou veut ouvrir un large débat sur l’immigration. C'est sans aucun doute un pari risqué pour le Premier ministre. D’abord parce que sur l’immigration, il y a au sein du gouvernement à peu près autant de positions que de ministres, et ils sont 35 ! Rien que dimanche 9 février, le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a fait savoir qu’il ne voyait "pas de raison" de durcir les règles du droit du sol, sa collègue en charge de l’Éducation, Élisabeth Borne a exprimé, elle aussi, son hostilité à toute révision constitutionnelle, une réforme que souhaite au contraire le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, tout comme son collègue de l’Intérieur, Bruno Retailleau. François Bayrou prétend éteindre cette cacophonie en lançant un débat beaucoup plus vaste que le seul droit du sol, sur l’immigration en général considérée dans toutes ses dimensions. 

Voilà qui nous rappelle le débat sur "l’identité nationale" lancé à l’automne 2009 sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy par Éric Besson, alors ministre de l’Immigration et de l’identité nationale. Trois mois d’échanges qui avaient viré au grand défouloir anti-immigré, une violence verbale ponctuée, quelques mois plus tard, le 30 juillet 2010, par le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, qui établissait un lien direct entre délinquance et immigration. À l’époque, François Bayrou s’indignait de "l’utilisation partisane" du thème de "l’identité nationale", ajoutant : "Rien n’est pire que d’en faire un sujet d’affrontement politique". Quinze ans plus tard, il prend le risque de rallumer la mèche.

Le risque de surenchère

Marine Le Pen veut faire de la surenchère. Elle réclame un référendum sur l’immigration, ce qui serait anticonstitutionnel. Le réferendum ne peut porter que sur des sujets économiques, sociaux et environnementaux, lroganisation des pouvoirs publics ou la ratification des traités. Marine Le Pen prétend y recourir pour instaurer la "préférence nationale" qui vise à réserver aux seuls Français emplois, logements et aides sociales, et pour supprimer le droit du sol. De son côté, Gérald Darmanin a répété dimanche qu’"être Français ne doit pas être automatique", ce qui, d’ailleurs pas le cas. En fait, lié au corpus de valeurs de notre République, le droit du sol n’a jamais été remis en cause depuis une loi de 1889. Il ne concerne qu’environ 30 000 personnes par an, sur 68 millions d’habitants, moins que les 40 000 naturalisations annuelles. Et le paradoxe, c’est que la suppression du droit du sol, ce principe, cette machine à fabriquer des Français, aurait pour première conséquence… d’augmenter le nombre d’étrangers présents sur le territoire national.

Seulement voilà, depuis 40 ans, conduire un débat précis et apaisé sur l’immigration, sans fantasme ni surenchère, est un défi que nul n’a réussi à relever. Pas sûr que le climat politique actuel aide François Bayrou à y parvenir.

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