Édito
Le sens de l'engagement de Robert Badinter paraît bien loin du climat politique actuel

Robert Badinter a fait son entrée au Panthéon, salué comme une grande figure morale et républicaine pour avoir aboli la peine de mort malgré l’opposition de son temps. Son héritage, fondé sur la défense de l’État de droit contraste avec le climat politique actuel.

Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
La Garde républicaine française porte un cercueil cérémoniel drapé du drapeau au Panthéon lors d'une cérémonie d'intronisation de Robert Badinter, à Paris, le 9 octobre 2025. (STEPHANIE LECOCQ / POOL)
La Garde républicaine française porte un cercueil cérémoniel drapé du drapeau au Panthéon lors d'une cérémonie d'intronisation de Robert Badinter, à Paris, le 9 octobre 2025. (STEPHANIE LECOCQ / POOL)

Robert Badinter est entré, jeudi 9 octobre, au Panthéon, le temple de l'universalisme républicain, lors d'une cérémonie solennelle qui a une résonance particulière dans le climat politique actuel. Si la République tout entière a honoré l’une de ses grandes figures, une référence politique et morale, il faut rappeler que Robert Badinter eut le courage de porter une grande réforme, l’abolition de la peine de mort, contre des sondages d’opinion à l’époque défavorables et une extrême droite déchaînée. Ce n’est plus si courant quand on observe aujourd’hui la versatilité de politiques qui se prononcent souvent au gré des sondages, et parfois sous l’influence des humeurs du RN.
Hauteur de vue, sens de l’intérêt général et souci de la paix civile : la pratique politique de Robert Badinter jure un peu avec la crise actuelle. 

Quant aux combats menés par Robert Badinter, là aussi, il y a un certain contraste. Comme l’a rappelé Emmanuel Macron, il fut l’inlassable défenseur "des principes de l’État de droit". Cet État de droit, aujourd’hui malmené dans les diatribes de certains élus. Comme Bruno Retailleau, qui lançait, il y a tout juste un an, que "l’État de droit n’est ni intangible, ni sacré". Et que dire d’un ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, ou de celle qui aspire à le devenir, Marine Le Pen, qui renchérissent d’attaques contre un prétendu "gouvernement des juges" depuis qu’ils ont été condamnés ? Ou des flèches venues de la droite et du RN contre le Conseil constitutionnel, que Robert Badinter présida. Celui-ci fut aussi un infatigable militant de la laïcité,souvent décriée par la gauche radicale, et lutta sans relâche contre l’antisémitisme, qui ressurgit avec force depuis le 7 octobre 2023.

L'abolition de la peine de mort encore remise en cause

Robert Badinter a pourtant reçu jeudi un hommage presque unanime du monde politique.  Les républicains de tous bords ont communié, comme il est de coutume lors de ces liturgies laïques que sont les panthéonisations. Et le RN s’est montré discret. En 2024, Marine Le Pen avait même tenté, en vain, de s’inviter à l’hommage rendu lors du décès de Robert Badinter. Elle ne prône plus, depuis 2017 seulement, soit 36 ans après son abolition, le rétablissement de la peine de mort, mais c’est toujours mieux que son père, Jean-Marie Le Pen, qui défilait sous les fenêtres du garde des Sceaux en 1983 aux cris de "Badinter assassin !".

Plus de 40 ans après, Éric Zemmour a, lui, dégainé jeudi une salve d’attaques du même ordre. Il a accablé la "fausse générosité" et "l’humanisme abâtardi" d’un ministre dont la politique aurait suscité d’innombrables "vols, viols et meurtres". En écho, Marion Maréchal l’a accusé d’avoir "désarmé la société face aux criminels". Bref, quand on les écoute parler de Robert Badinter, on comprend que ces deux promoteurs d’une "union des droites" soi-disant nouvelle ne font que perpétuer une extrême droite qui ne change décidément jamais.

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