Guillaume Pley, le confesseur du web

Superstar de YouTube, ultra-écouté sur Spotify, l'animateur de la chaîne française Legend raconte la défiance d'une génération envers les médias.

Article rédigé par Constance Vilanova
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le Youtubeur Guillaume Pley, le 8 juillet 2025. (MATTHIEU MIRVILLE / RADIOFRANCE)
Le Youtubeur Guillaume Pley, le 8 juillet 2025. (MATTHIEU MIRVILLE / RADIOFRANCE)

Fond gris, deux fauteuils, lumière tamisée. Bienvenue dans Legend, une chaîne YouTube devenue un phénomène mondial, pensée comme une plateforme d’entretiens longs, sans effets ni décor, où l’on s’assoit, on parle, on écoute. Aux manettes : Guillaume Pley, tutoiement facile, voix douce, hochements de tête empathiques. Son credo : "donner la parole à tous".

Trois millions d’abonnés sur YouTube, cinquante millions d’heures d’écoute sur Spotify et des affiches géantes sur Times Square. En deux ans, Legend s’est imposée comme l’un des podcasts les plus écoutés au monde. Le format est simple : un face-à-face d’une heure, sans montage ni contradiction. Guillaume Pley y invite aussi bien des politiques que des anonymes, tous filmés dans le même cadre intimiste.

Au micro, des figures du pouvoir comme Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin ou Édouard Philippe. À côté, des témoignages d’inconnus, souvent tragiques : "Voyante pendant dix ans, elle arnaque ses clients" ou "sa femme tue leur fils de 354 coups de ciseaux". Le ton est toujours le même, qu’il s’agisse d’un ancien Premier ministre ou d’une victime. Guillaume Pley interroge tout le monde avec la même distance, le même calme, la même neutralité affichée.

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La neutralité comme choix 

Ce refus du contradictoire alimente les critiques. Lorsque le polémiste Dieudonné, condamné à de multiples reprises pour injures racistes et négationnisme, vient s’exprimer sur Legend, Guillaume Pley lui consacre une heure présentée comme un "droit de réponse".



Derrière le discours de neutralité, il y a un véritable choix éditorial : ne pas interroger, c’est déjà prendre parti. En donnant à chacun la même tribune, Legend brouille la frontière entre interview et storytelling.

Du canular au confessionnal

Guillaume Pley, 40 ans, visage lisse, regard compatissant, n’a pas toujours cultivé cette image apaisée. Il débute en radio locale avant de devenir, dans les années 2010, la star de la libre antenne sur NRJ. Ses canulars, souvent de très mauvais goût, le rendent célèbre, comme celui où il appelle un père pour se faire passer pour le petit ami de sa fille enceinte.

À l'époque, le CSA, devenu l'Arcom aujourd'hui, l'épingle à deux reprises pour propos sexuels explicites et banalisation de la drogue. En 2023, plusieurs anciens collaborateurs dénoncent des pratiques managériales "toxiques". L’animateur réfute ces accusations, parlant de "propos diffamatoires". De la provocation radiophonique à la confession numérique, le virage est total : Guillaume Pley s’est réinventé en figure bienveillante du grand entretien.

Le symptôme d’une époque

Le succès de Legend raconte aussi une mutation plus large : la défiance d’une génération envers les journalistes. Les jeunes délaissent les plateaux télé jugés froids, orientés, autoritaires. Ils recherchent l’émotion, le vécu, la sincérité apparente. Pley leur offre exactement cela, un espace sans tension, sans contradiction, où chacun déroule son récit.

Mais à force d’effacer le cadre journalistique, Legend confond parole et vérité. Comme chez Cyril Hanouna, tout se mélange : le témoignage, la politique, l’émotion, l’audience. Sous son vernis bienveillant, Guillaume Pley incarne cette nouvelle ère du média spectacle, où l’absence de contradiction ouvre la voie à tous les récits  pourvu qu’ils fassent de l’audience.

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