Les emprunts de défense nationale, une histoire de paix : l'info de l'histoire du 22 mars

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Article rédigé par Fabrice d'Almeida
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le président Raymond Poincaré (en noir) sur le front près de Verdun (Meuse), le 1er septembre 1914 (AFP)
Le président Raymond Poincaré (en noir) sur le front près de Verdun (Meuse), le 1er septembre 1914 (AFP)

Le projet d’emprunt de défense imaginé par les Européens rappelle le long parcours qu’il a fallu pour qu’une telle idée paraisse aller de soi.

Quand on parle d’emprunt de défense nationale, en France, dans de nombreuses familles on se souvient des emprunts de la guerre de 14-18. Derrière le président Poincaré et le ministre des Finances Alexandre Ribot, la France a levé pas moins de six grands emprunts, des obligations à 5% puis 4%. Au moins pour la durée du conflit. Les Français se sont précipités sur les premières tranches lancées, avec leur liquide. Mais à mesure que le conflit s’est prolongé, il a fallu chercher aussi sur le marché international. Comme le pourcentage ne prenait pas en compte l’inflation, les sommes remboursées après-guerre étaient plus faibles que celles investies. Cela a fragilisé les petits rentiers qui ont soutenu le pays mais n’ont pas gagné d’argent dessus, au contraire.

En réalité, la situation actuelle est différente de celle d’un État en guerre. Elle rappelle plutôt la période qui l’a précédée. Une époque souvent qualifiée de "paix armée". C’est la période entre la guerre de 1870 et celle de 1914. Les États étaient lancés dans une course à l’armement et ne s’affrontaient pas directement (ce qui ressemble à la situation actuelle). Durant cette paix armée, les États comme la France ont émis des obligations pour assurer le développement de leur défense. Ce sont ces méthodes imaginées par la banque centrale et le ministère des Finances qui ont permis de drainer l’épargne pour construire une industrie capable de fournir vite les équipements nécessaires aux soldats, en 1914.

En fait, tout cela est le résultat d’un siècle de recherches de techniques financières au service de l’État. Tout a commencé en 1789, par Joseph Duruey, le chargé de finances de Louis XVI qui a émis le premier grand emprunt public. Puis Napoléon a créé la Banque de France et réformé le système bancaire. Et ces méthodes ont continué de s’améliorer après.

Cela devait servir la défense, mais pas seulement

Pour bien comprendre la fonction de ce système d’emprunts de défense, il faut écouter un homme politique totalement oublié, qui évoquait cela en 1944 : Aimé Lepercq, ministre des Finances du gouvernement provisoire du général de Gaulle. On était en novembre 1944, peu avant son décès accidentel. Lepercq affirmait que les emprunts de guerre et de défense servent la guerre. Mais pas seulement. Ce sont des leviers pour penser la suite, l’après-guerre, le temps de paix, l’innovation et la solidarité sociale. C’est pour cela que les obligations de défense ont continué après la Grande Guerre et après la Seconde Guerre mondiale.

C’est pour cela qu’elles reviennent aujourd’hui et sont si importantes. Car derrière l’investissement de défense se trouve poser la question de la cohésion sociétale et des solutions durables. Naguère, on pensait cela à l’échelle nationale ; aujourd’hui l’échelle européenne s’impose. Car comme le disait Aimé Lepercq, ces emprunts servent à défendre notre liberté et nos valeurs. Il est normal que les mieux lotis y participent de leur plein gré.

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