"85% de notre chiffre d'affaires est réalisé l'hiver et 15% l'été, et on ne pourra pas inverser", déclare le président de la Coopérative Sherpa
"Économiquement, c'est compliqué de trouver une activité qui remplace le ski", dit vendredi sur franceinfo Olivier Carrié, le président de la Coopérative Sherpa. Il confie être "inquiet" par la perspective d'hivers moins enneigés à la montagne.
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"La proportion, c'est 85% de notre chiffre d'affaires est réalisé l'hiver et 15% l'été donc. L'ensemble de nos magasins ouvre en moyenne six mois et demi par an", détaille, vendredi 14 février, Olivier Carrié, président de la Coopérative Sherpa. La coopérative Sherpa, ce sont 120 supérettes de montagne.
Olivier Carrié est lui-même gérant d'un supermarché à Val Thorens. La neige qui se fait plus rare et plus tardive en montagne, "oui, ça nous inquiète, confie-t-il. Économiquement, c'est compliqué de trouver une activité qui remplace le ski. On ne pourra pas inverser les saisons économiquement."
franceinfo : La fermeture, l'espace de quelques jours, de la nationale 90 vers les stations de Tarentaise, est-ce une catastrophe pour les professionnels comme vous ?
Une catastrophe, effectivement. Mais bon, ça a été très bien géré et la route a été rouverte en moins de sept jours je crois, et ça a eu lieu le 1er février et pour le premier samedi des vacances scolaires, donc une semaine après on était rouvert.
Que proposez-vous, les mêmes produits que dans la vallée ou pas tout à fait ?
Oui, toute la base est la même puisque nous avons un partenaire privilégié qui est Casino. Environ 60% de nos achats sont commandés chez Casino et pour le reste, c'est beaucoup de produits régionaux, beaucoup de fournisseurs directs, avec lesquels on travaille, beaucoup de producteurs locaux. Les livraisons, c'est trois fois par semaine en produits frais pour la plupart de nos magasins et entre deux et trois fois en produits secs.
Vous avez une marque propre que vous avez créée entre Sherpas ?
Terre de l'Alpe, créée en 2008, qui représente une petite partie de notre chiffre d'affaires, mais qui est une marque appréciée de nos clients.
On ne peut pas évidemment ne pas évoquer vos prix qui sont fortement majorés. J'ai comparé les étiquettes de quelques-uns de vos produits alimentaires avec ceux d'une enseigne de la grande distribution. Exemple, vos biscottes Heudebert coûtent 60% de plus. Vos pâtes Barilla 75%, 126% pour la purée de tomates Tomacouli et ça va même jusqu'à 130% supplémentaire pour une boîte de maïs Géant Vert. Ça n'effraie pas vos clients, qui sont captifs ?
Non, parce qu'il y a plusieurs explications à ça. Je ne vais pas vous justifier nos prix, mais d'une part, nos produits nous sont vendus par ce partenaire principal à un prix plus élevé, ce qu'on appelle nos prix de cession. Et d'autre part, il faudrait comparer nos prix aux prix de la proximité des supérettes, par exemple dans Paris, dans certains quartiers. C'est ce que j'ai fait moi, à plusieurs reprises. Et c'est vrai que dans le 16e ou dans le 8e, il y a des grandes enseignes qui pratiquent des prix qui sont en moyenne les mêmes que les nôtres.
Ce sont des prix qui autorisent votre pérennité, mais sans plus.
Depuis 2009-2010, la concurrence s'est fortement accrue en montagne et depuis l'arrivée des grandes enseignes, des grands autres faiseurs sur le marché, effectivement, nos prix sont vraiment concurrentiels. La preuve en est, c'est que les gens montent avec beaucoup moins de courses dans leur coffre.
Quand les prix sont trop élevés, c'est le risque ?
C'est le risque. Mais ça n'arrive plus tellement depuis 2009-2010. Ensuite, les prix préconisés par notre coopérative Sherpa, sont pratiqués en fonction de leur zone de chalandise, de leur concurrence, du pouvoir d'achat de leurs clients. On n'aura pas les mêmes prix dans une station d'altitude, qu'on appelle grand domaine, renommée, entre Val d'Isère et La Féclaz, on n'a pas les mêmes prix.
Une supérette en altitude, évidemment, c'est petit, le mètre carré est précieux, mais ça doit servir à tout, ça doit rendre toutes sortes de services. Est-ce ce que vous faites ?
C'est ce qu'on essaye de faire. Ça a toujours été la vocation de Sherpa. Depuis le début, on s'est appuyé sur un grand nombre de services rendus à nos clients. Le prêt d'appareils à raclette, c'est une invention Sherpa, qui date de 1988-1990. Et même si maintenant ce service est assez commun à la montagne, franchement, c'est un des services que l'on a innové à l'époque.
J'ai vu que vous avez aussi de temps en temps quelques pelles à neige de côté...
Oui, et on a aussi des reprises des inconsommés. Pour éviter que nos clients passent trop de temps à choisir les produits dans nos magasins, on leur dit 'achetez et puis si vous ne consommez pas, ramenez-nous ce que vous n'avez pas consommé', hors produits frais, donc les pâtes, les boîtes de conserve, etc.
Vous avez aussi de l'antigaspi à proposer.
On a de l'antigaspi. On pratique ça aussi depuis relativement longtemps. On a des promotions à -30%, -50%. C'est quelque chose que l'on pratique quotidiennement, dans tous nos magasins.
Les Sherpas ont été approvisionnés à l'origine par Carrefour, et puis vous êtes passés par Casino, c'est toujours le cas. Ce partenariat continue malgré les gros soucis de cette enseigne, pourquoi ?
Parce que Casino a des atouts que les autres n'ont pas. C'est vrai qu'on travaille très bien depuis 2009 avec Casino. Humainement déjà. Et puis ils sont très réactifs, ils savent dépanner. Quand on rate une commande dans un de nos magasins, il y a possibilité de rattraper cette commande avec Casino, ce qui n'est pas forcément possible avec toutes les autres enseignes.
Et ces livraisons spécifiques, ils savent faire, quand il faut grimper ?
Ces livraisons spécifiques, ils savent très bien faire, maintenant en tout cas, puisque le maillage de Casino est très bon en montagne.
Dans vos magasins, il y a des saisonniers, surtout en ce moment. Sont-ils logés ? Est-ce un vrai problème à la montagne ?
Effectivement, c'est un vrai problème. On les loge en grande partie. Les logements sont de plus en plus chers en montagne. C'est quelque chose dans nos comptes d'exploitation qui pèse et on tient compte dans la rémunération globale de nos saisonniers du prix du logement.
Trouvez-vous cette main-d'œuvre relativement facilement ?
Oui, on la trouve beaucoup mieux qu'après le Covid. Après la période Covid, effectivement, c'était très difficile. Et là, vraiment, il y a un regain de jeunes saisonniers, motivés, dynamiques. Bien sûr, ils ne viennent que s'ils sont logés pour la plupart.
L'hiver, évidemment, pèse lourd dans votre chiffre d'affaires annuel par rapport à l'été qui se développe, comment ça s'équilibre ?
La proportion, c'est 85% de notre chiffre d'affaires est réalisé l'hiver et 15% l'été donc. L'ensemble de nos magasins ouvre en moyenne six mois et demi par an.
Que représente le chiffre d'affaires de ces Sherpas ?
Ce sont 130 millions environ, sur une année.
Donc c'est rentable pour chacun des patrons et des propriétaires de ces magasins ? Ils en vivent, y compris quand ils ouvrent six mois par an ou huit mois par an ?
Oui, effectivement. Je suis assez admiratif de mes collègues Sherpas. La plupart se lèvent très tôt, se couchent très tard. C'est une activité très intense pendant quatre, cinq, six mois l'hiver. Ce sont des horaires impressionnants par jour. Ils se lèvent à 4 heures du matin, se couchent à 22 heures et ont des amplitudes horaires sur la journée impressionnantes.
La neige est là en ce moment, mais elle se fait plus rare. Est-ce que ça compromet votre avenir ? Est-ce qu'il y a des inquiétudes ? Commencez-vous à penser à la suite éventuelle ?
On y pense effectivement. On s'aperçoit que la neige arrive un peu plus tard qu'auparavant. Ça, c'est un fait. Par contre, elle tombe toujours en abondance, mais de manière un peu plus exceptionnelle.
Sans neige, que pourriez-vous faire ?
Certains magasins, qui sont installés dans des stations de basse altitude, sont en train d'étendre un peu les activités autres que le ski, et elles le peuvent parce que leur altitude le permet. Elles proposent du vélo. Elles proposent aussi du ski de fond, bien sûr, d'autres types d'activités. Et puis on sait que les stations de haute altitude seront touchées en dernier. Par contre, pour elles, ce sera un problème si effectivement la neige vient à manquer. Pour l'instant, ce qu'on appelle les enneigeurs artificiels pallient à ces manques de neige ponctuels, quelles que soient les stations.
Parce que s'il fallait travailler l'été et inverser vos proportions de chiffre d'affaires, il faudrait changer radicalement de pied. Que faudrait-il faire ?
Économiquement, c'est compliqué de trouver une activité qui remplace le ski. Même pendant la période Covid, on est arrivés jusqu'à 30% de chiffre, globalement, l'été, parce qu'on avait eu des hivers faibles et des étés beaucoup plus forts. On ne pourra pas inverser les saisons économiquement.
Et ça vous inquiète ?
Oui, ça nous inquiète pour les Sherpas en général. On a deux stations de ski, vraiment de typologie complètement différentes, qui se projettent dans l'avenir pour savoir que faire si un jour il y a moins ou pas de neige.
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