Caisse des dépôts : "Il y a 400 milliards d'euros dans le fonds d'épargne, 200 milliards sont prêtés aux bailleurs sociaux et collectivités locales, donc il reste 200 milliards"
Numéro deux de la Caisse des dépôts pendant sept ans, Olivier Sichel a été nommé directeur général lorsqu'Éric Lombard, son prédécesseur, est devenu ministre de l'Economie et des Finances.
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On dit souvent que la Caisse des dépôts et consignations est le bras financier de l'État. Avec un bilan agrégé de près de 1 300 milliards d'euros, des filiales qui participent au financement des entreprises comme Bpifrance (la banque d'investissement publique) ou la Banque des territoires. La Caisse des dépôts est aussi actionnaire majoritaire du groupe La Poste, de la Compagnie des Alpes, du groupe Emeis - anciennement Orpea, et de bien d'autres entreprises, comme le promoteur immobilier Icade ou encore l'opérateur boursier Euronext.
Mais si le grand public connaît avant tout la Caisse des dépôts, c'est évidemment parce qu'elle gère l'épargne des Français, et notamment plus de la moitié du livret A.
Franceinfo : Le taux du livret A ne fait que baisser. Il est à 2,4% depuis le 1ᵉʳ février, il pourrait passer à 1,7% au 1ᵉʳ août. N'avez-vous pas peur que les Français s'en détournent pour aller vers l'assurance-vie, par exemple ?
Olivier Sichel : Non, on n'a pas peur parce que le taux du livret A est fixé en fonction de l'inflation. Et l'inflation est très basse en ce moment, donc le pouvoir d'achat des Français est préservé. En revanche, c'est vrai qu'il y a d'autres placements plus intéressants, comme par exemple l'assurance-vie ou les actions. Mais ces placements sont moins liquides, on ne peut pas récupérer son argent aussi facilement. Sur le livret A, le capital est garanti, alors qu'avec une action, ça peut monter, ça peut descendre. Et puis les intérêts du livret A sont défiscalisés, alors que pour les autres placements, il y a une fiscalité. Donc on ne craint pas une baisse de la collecte.
Pourtant la collecte de l'assurance-vie n'a cessé d'augmenter et a atteint un niveau record au mois d'avril.
Absolument. Mais pour nous, on pense que cette année, on va à nouveau collecter entre 7 et 10 milliards d'euros, sur un bilan total du fonds d'épargne - qui est considérable - de 400 milliards. Donc on n'a aucun problème pour assurer notre mission de prêter de l'argent au logement social pour construire des logements. On peut même en faire plus. On a beaucoup financé la transition écologique du pays, par exemple la rénovation des écoles ou la rénovation des réseaux d'eau. Et on n'a pas de problème pour assurer nos missions.
Justement le logement est une des préoccupations principales des Français, un des postes de dépenses principaux, ne pouvez-vous pas en faire plus ?
On en fait déjà plus. Il y a 10 ans, la Caisse des dépôts, à travers le livret, A, finançait un logement sur cinq. L'an dernier, c'était deux logements sur cinq. Donc quand dans la rue, vous voyez cinq grues, deux qui sont financées par la Caisse des dépôts pour construire du logement social. Et on va accroître nos financements auprès du logement social. Pas seulement social d'ailleurs, on a annoncé il y a quelques semaines un grand plan sur le logement étudiant, pour investir 5 milliards d'euros et créer 75 000 logements pour les étudiants. Aujourd'hui il y a 380 000 logements étudiants.
Tout cet argent sert aussi à financer d'autres choses que le logement social, comme la rénovation thermique. Mais cet argent doit-il participer à l'effort de défense aussi ?
Effectivement, le groupe Caisse des dépôts est déjà exposé sur la défense à hauteur de 50 milliards d'euros. Mais il le fait plutôt à travers Bpifrance, qui finance l'industrie de défense. L'épargne des Français à travers le livret A ne finance pas l'industrie de défense.
Cela peut-il changer ou pas ?
Non, ça ne va pas changer. On va peut-être financer quelques infrastructures comme, par exemple, le logement des gendarmes, ou alors des équipements comme des écoles ou des hôpitaux militaires. Mais ce n'est pas le livret A qui financera l'industrie de défense. L'industrie de défense, elle a besoin d'actionnaires, d'investisseurs privés. Et donc ça, c'est le rôle de Bpifrance ou de fonds privés que nous aiderons, mais pas à travers le livret A.
Est-ce aussi une question d'acceptabilité sociale ?
C'est surtout une question de risque. En fait, le Livret A sert avant tout à prêter aux collectivités locales et il n'y a pas de risque. Quand vous prêtez à une commune, elle ne fait pas faillite. Quand vous prêtez un bailleur social, il ne fait pas faillite. Quand vous investissez dans une entreprise, vous prenez un risque. Et comme je l'ai dit, le Livret A est un placement qui doit rester sans risque pour les Français.
Le secteur du nucléaire a aussi besoin d'énormément de financement aujourd'hui : il faut construire six EPR pour un coût qui pourrait grimper à 100 milliards d'euros. Faut-il ici mobiliser l'épargne des Français ?
Là, on est davantage dans le cadre des grandes infrastructures et du prêt à une entreprise publique - puisque EDF est à 100 % détenue par l'Etat. Mais ce n'est pas nous qui décidons. Il y a d'abord un choix sur la part du nucléaire dans le mix énergétique français. C'est un choix qui relève de l'Etat, partagé entre le gouvernement et le Parlement, qui doit s'exprimer à travers une programmation pluriannuelle de l'énergie. Et ensuite, c'est une autorisation que doit donner le ministre de l'Économie et des Finances, à savoir si le financement peut servir au nucléaire. En tout état de cause, ce qui est important, c'est qu'il y a la place. Je rappelle aujourd'hui qu'il y a 400 milliards dans le fonds d'épargne : 200 milliards sont prêtés aux bailleurs sociaux et collectivités locales et donc il reste 200 milliards. Donc on peut le faire sans évincer un seul euro au détriment du logement social. Donc même si nous finançons les EPR, on aura toujours assez d'argent pour financer le logement social ou pour financer les collectivités locales.
Pour la construction des EPR, le député Jean-René Cazeneuve a dit que la Caisse des dépôts pouvait participer à hauteur de 18 milliards d'euros. C'est une bonne fourchette ?
Le député Jean-René Cazeneuve a d'ailleurs un rôle particulier puisqu'il est député, mais aussi président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts. Donc c'est lui qui surveille les emplois de la Caisse des dépôts. Et donc effectivement, on a vérifié et on peut aller très facilement à 18 milliards, voire au-delà, si on était sollicité. Et quel est l'intérêt ? C'est qu'en fait on est sur des financements très longs. Quand je prête pour construire du logement social, je prête à 30 ans. Quand je prête pour faire, par exemple, une station d'épuration à Nice chez Christian Estrosi, la métropole de Nice, on a prêté à 40 ans. Et pour le nucléaire, on sait très bien que les centrales nucléaires vont durer longtemps. Donc ça a un sens d'avoir un prêt de très, très longue durée qu'on est les seuls à pouvoir faire.
La Caisse des dépôts pourrait-elle être mise à contribution dans l'effort collectif d'une autre façon ?
Oui, il y a une autre façon : produire de l'énergie, de l'électricité, c'est bien, l'acheminer et avoir du transport d'électricité, c'est intéressant aussi. Parce que ce qu'on finance aujourd'hui, ce sont les énergies renouvelables, les panneaux photovoltaïques, l'éolien offshore. Et il y a besoin de le raccorder avec une entreprise qui s'appelle RTE, dont nous sommes actionnaires. Et nous pouvons, là aussi, prêter pour moderniser notre réseau de transport d'électricité, les lignes à haute tension, les câbles sous-marins, pour que notre réseau électrique s'adapte à la production d'énergies nouvelles renouvelables.
Depuis que vous êtes arrivé aux commandes du groupe, trouvez-vous que la maison est bien rangée ?
Oui, d'autant plus que j'ai été directeur général délégué pendant sept ans. La Caisse des dépôts, elle, est toujours au service des Françaises et des Français. Il y a trois ans, on est allé au secours d'Orpea. Parce qu'il y avait des dizaines de milliers de résidents, des dizaines de milliers de soignants et que ce groupe partait à la dérive.
Aujourd'hui, ça va mieux.
Oui, ça se redresse. On est très vigilant. On fait en sorte que les seniors résidents soient bien traités. On a mis en place des standards avec beaucoup de recrutements, de contrats à durée indéterminée. On a beaucoup formé, on a un taux d'encadrement de 80% et on est très vigilant. Quant aux autres mobilisations possibles, on est à la disposition des Françaises et des Français, dans un objectif de cohésion sociale, territoriale, de transformation écologique et de défense de notre souveraineté.
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