"Il faut une certaine technicité et une certaine expérience" pour être salarié agricole, explique le président de l'Association pour la formation agricole
Alors que le secteur de l'agriculture peine parfois à recruter, l'Anefa propose d'accompagner les salariés agricoles, permanents ou saisonniers.
Pour travailler dans les champs et dans les fermes, il faut du monde. Il y a en France 1 300 000 salariés agricoles qui travaillent sur les 400 000 exploitations et chaque année, ce chiffre baisse. À l'heure de la souveraineté alimentaire, certains le déplorent mais proposent des solutions. C'est le cas de l'Association pour la formation agricole, présente au Salon de l'agriculture. Dominique Boucherel est le président de l'Anefa.
Franceinfo : Chaque année, plus de 30 000 postes ne trouvent pas preneurs. Comment font les agriculteurs employeurs ?
Dominique Boucherel : A l'Anefa, on a un outil qui s'appelle "L'agriculture recrute", qui permet de mettre en relation justement des salariés ou demandeurs d'emploi avec les agriculteurs. On a 30 000 postes actuellement qui sont à pourvoir, mais en 2024, d'après nos chiffres, nous avons effectué environ 44 000 mises en relation.
Quels secteurs sont concernés par ces mises en relations : arboriculture, viticulture ?
Principalement arboriculture et viticulture, parce qu'il y a une forte demande de main-d’œuvre, surtout saisonnière, mais aussi permanente. D'ailleurs, la viticulture, c'est en gros 40% du salariat agricole actuellement, même si ça décline un petit peu. Car la viticulture traverse une crise et il y a de l'arrachage, entre autres dans la région bordelaise. Donc ça a un impact sur la main-d’œuvre automatiquement.
Ça, ce sont surtout des emplois saisonniers. Mais comment font les agriculteurs qui ont besoin de cette main-d’œuvre s'ils ne trouvent personne ?
Ils trouvent du monde, puisqu'il y a 30 000 postes à pourvoir et sur une année, emplois saisonniers compris, on est à 1,3 million de salariés selon le chiffre de la Mutualité sociale agricole pour 2023. Et il faut savoir qu'on a plus de 400 000 CDI, donc des emplois plutôt pérennes et permanents. On arrive quand même à recruter, y compris dans le secteur de l'élevage, des grandes cultures, et aussi sur les secteurs plus côtiers, comme l'ostréiculture, la conchyliculture, et les secteurs équins, qui sont couverts aussi par la production agricole.
Et il y a un recours évidemment, à la main-d’œuvre étrangère…
Automatiquement, surtout sur de la main-d’œuvre de saisonniers. C'est sûr que suivant les régions, il est fait appel à de la main-d’œuvre étrangère, ça c'est évident. Mais je suis président de l'Anefa, mais représentant salariés puisque c'est une structure paritaire, et on reste vigilant par rapport aux travailleurs détachés parce que c'est aussi un phénomène qui existe en agriculture. Mais au fond, on sait très bien qu'il y a aussi un appel de la main-d’œuvre étrangère parce que ça permet de pallier le manque de main-d’œuvre sur les territoires français.
L'agriculture fait partie des métiers en tension, c'est aussi pour ça qu'on peut embaucher plus facilement des personnes étrangères. Le débat sur l'immigration est toujours très vif en France. Pourrait-il remettre en cause les dispositifs qui facilitent l'embauche de la main-d’œuvre étrangère dans l'agriculture, notamment ces permis de séjour spécifiques de six mois ?
Peut-être mais ils servent à pallier le manque de main-d’œuvre et à récolter les différentes cultures en temps et en heure. Dans la région nantaise, d'où je viens, d'ici deux mois, il y aura la récolte du muguet. Les dernières années, tout n'a pas été récolté du fait du manque de main-d’œuvre. Donc parfois, justement, cette main-d’œuvre étrangère peut permettre de récolter les différentes cultures, voire de les implanter. Bientôt, il va y avoir la mise en place de l'échalote en Bretagne par exemple. Préférentiellement, bien souvent, on fait appel à de la main-d’œuvre locale. Mais la main-d’œuvre locale aussi, ça peut être des immigrés parce qu'il y a un phénomène d'immigration générale. Et si ça peut les accompagner ou leur permettre de rester en France, pourquoi pas. En tous les cas, on est plutôt sur une main-d’œuvre à temps plein, dans la mesure du possible, et qui au moins cotise en France. Si on veut que la Mutualité sociale agricole perdure, il faut que les salariés cotisent à notre caisse d'assurance maladie.
Un mot de la rémunération de ces salariés agricoles. Subissent-ils la crise du revenu qui frappe le secteur ?
Pour la main-d’œuvre saisonnière, le premier emploi est souvent rémunéré au Smic. Mais ça peut évoluer parce qu'on est quand même dans des dans un secteur d'activité où il faut une certaine technicité et une certaine expérience. C'est sûr que pour faire les vendanges, ramasser des pommes ou autres, les premiers métiers vont être rémunérés au Smic parce que ça demande peu de connaissances. Mais après, il y a des rémunérations qui sont aussi valorisantes. On a aussi besoin de personnel encadrant, même saisonnier, parce qu'il y a des équipes à diriger.
Selon un rapport du gouvernement, la France a perdu 45 000 emplois agricoles depuis 2008 et ça risque de continuer. Comment stopper l'hémorragie ?
Ces chiffres concernent plutôt les agriculteurs que les salariés agricoles. Parce que justement, depuis plusieurs années, on a un problème de renouvellement des générations et aussi un problème de renouvellement, de transmission, d'exploitations. Donc on a une perte d'actifs, mais plutôt au niveau des exploitants qu'au niveau des salariés agricoles. Comme je vous l'ai dit, on a besoin de toute façon de beaucoup de main-d’œuvre, surtout sur tous les travaux de récolte. Mais on a aussi besoin de main-d’œuvre permanente justement pour pallier ce renouvellement de générations.
Et comment faire pour attirer justement ?
Justement, l'Anefa est un des outils, parce qu'on est là pour promouvoir l'attractivité des métiers. Mais le "F" dans Anefa, c'est la formation, donc l'accompagnement des salariés pour mieux se former et justement pouvoir garder leur emploi. Et puis aussi apporter toute leur expérience au sein d'une exploitation. Parce que, comme je l'ai dit, les métiers des premiers métiers saisonniers sont plus des métiers pour les récoltes, mais les salariés permanents doivent être très polyvalents, réactifs, avoir une certaine autonomie. Donc automatiquement, il y a une valorisation au niveau de la formation, mais aussi au niveau salarial. Et puis, à travers ces spécificités, le salarié agricole est partie prenante dans la souveraineté alimentaire. Si on a des aliments dans notre assiette, c'est parce qu'on a de la main-d’œuvre derrière.
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