"On est la seule banque à publier l'intégralité des contrats de crédit qu'on fait", assure le président du directoire de la Nef

Bernard Horenbeek, le président du directoire sortant de la Nef, une banque qui se dit "éthique", était l'invité éco de franceinfo mardi 6 mai.

Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Bernard Horenbeek, président du directoire de la Nef, le 6 mai 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Bernard Horenbeek, président du directoire de la Nef, le 6 mai 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Coup de projecteur, mardi 6 mai, sur une banque pas comme les autres, la Nef, qui se targue d'être éthique. Une banque que Bernard Horenbeek a présidée pendant huit ans et qui s'apprête désormais à passer la main.

franceinfo : Une banque éthique, qu'est-ce que ça signifie concrètement ?

Éthique, ça fait d'abord appel à la responsabilité. Et la responsabilité quand on est une banque, c'est de savoir d'où vient l'argent, à quoi il sert, quel est son sens, quelle est son activité. Et donc, pour nous, ça se traduit par un premier grand principe qu'est la transparence. Donc, on est la seule banque à publier l'intégralité des contrats de crédit qu'on fait. Tous nos clients, on en publie la liste.

Faites-vous des investissements que ne font pas les autres banques ?

C’est-à-dire que nous, on ne fait que des investissements s'ils ont du sens pour la société, s'ils apportent quelque chose à la vie en société. Donc ça veut dire qu'on est essentiellement dans tout ce qui est environnemental, social et culturel, même si du coup, ça peut toucher tous les pans de l'activité économique.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

Je pourrais prendre un menuisier qui intègre des logiques de formations professionnelles et d'insertions socioprofessionnelles dans son travail. Il a une activité classique et en même temps, il y met des intentions qui sont réellement d'améliorer la vie en société telle qu'on la connaît.

Quel est votre cahier des charges ?

On est finalement une banque, un peu tout ce qui est de plus simple et de plus évidente. C’est-à-dire qu'on récolte de l'épargne et on l'utilise pour faire des prêts à des entreprises. 

"La particularité, c'est que l'épargne est surtout citoyenne, des individus qui y sont sociétaires souvent, puisqu'on est une coopérative, mais pas toujours, et qui épargnent chez nous parce qu'ils savent à quoi va servir leur argent et qu'on leur dit chaque année la liste des prêts qu'on a faits, et donc ils peuvent vérifier comment est utilisé leur argent."

Bernard Horenbeek

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Faites-vous des prêts auprès des particuliers ou seulement des entreprises ?

Pour le moment, ce sont essentiellement des entreprises. On va de plus en plus développer l'activité avec les particuliers aussi, mais pour le moment, ce sont essentiellement des entreprises. On est d'ailleurs beaucoup dans la création d'entreprise. Mais toujours des entreprises qui se donnent des objectifs au-delà du profit, qui sont des objectifs de bien commun et d'améliorer la société dans laquelle on vit.

Donc il y a des investissements que vous ne faites pas, quelles sont vos lignes rouges ?

Quand on étudie un crédit, on va l'étudier sur deux volets. Le volet économique, parce que c'est l'argent de nos sociétaires, de nos clients, donc il faut quand même qu'on soit en capacité de rembourser et que le projet tienne la route économiquement. Mais aussi social ou sociétal. C’est-à-dire quel est l'impact que ça a si on fait le financement ? Et donc c'est là où, évidemment, les dimensions de la responsabilité éthique se trouvent, c’est-à-dire qu'on essaye d'étudier tous les impacts possibles d'une activité économique, de façon à voir là où elle a de l'intérêt pour le développement durable.

Quel est le profil type de vos clients ?

Le profil type, ça devient compliqué parce qu'on est vraiment sur beaucoup de créneaux. Pour les particuliers, ce sont des particuliers qui ont un sens de la responsabilité, qui ont envie que leur argent serve à quelque chose d'autre que du financement fossile, par exemple. Ils sont garantis chez nous qu'il n'y a rien qui va vers de l'énergie fossile. 

"On va être évidemment très présents dans tous les secteurs bio, des secteurs des énergies renouvelables et dans toute une série d'activités économiques nouvelles ou en tout cas qui sont nouvelles à un certain moment et qu'on accompagne dans cette nouveauté."

Bernard Horenbeek

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On pourrait prendre des ressourceries, par exemple, comme ça a commencé à se faire, tout ce qui est le recyclage, le vrac, tout ce qui sont des activités économiques nouvelles. Donc on est beaucoup dans de l'innovation et qui permettent d'être en phase avec une activité économique et des objectifs sociaux, environnementaux.

L'investissement responsable est-il aussi rentable ?

Oui, il peut l'être. Disons que ce n'est pas l'objectif premier. C’est-à-dire qu'en fait, il y a évidemment des intérêts sur les livrets d'épargne, comme partout...

Je prends un risque, comme dans n'importe quel investissement...

Ni plus ni moins en termes d'épargnants. On a une garantie de toute façon jusqu'à 100 000 euros sur tous les comptes, de la même façon que dans toutes les autres banques. Mais en plus de ça, nous avons cette année-ci quand même des résultats assez extraordinaires historiquement et où on va pouvoir distribuer du dividende, avec une particularité, c'est que nous, on a demandé l'année passée à nos sociétaires de travailler sur qu'est-ce qu'on allait faire avec les bénéfices.

Qu'allez-vous faire avec vos bénéfices ?

Il y a eu tout un processus qui s'est mis en place et les sociétaires on dit, ce qu'il faut d'abord, c'est élargir l'activité. Il faut limiter les dividendes, c'est eux-mêmes qui le disent. Il faut limiter les dividendes, mais se donner les moyens d'augmenter les fonds propres et donc la capacité d'agir sur la société et d'être plus forts encore dans notre action.

Vous avez été dans le giron du Crédit Coopératif pendant 35 ans, et donc du groupe BPCE. Vous avez obtenu votre agrément bancaire l'an dernier. Qu'est-ce que ça a changé ?

Le Crédit Coopératif, il nous a adossés il y a 35 ans, quand la coopérative s'est créée et qu'elle était une petite activité et que le régulateur avait dit il faut que ce soit adossé à une banque de plein exercice. Mais en attendant, on a grandi et on a particulièrement grandi ces dernières années. Et donc, à partir du moment où on atteint 1 milliard d'euros, être l'adosseur, c’est-à-dire celui qui garantit, ça commence à devenir un peu compliqué parce qu'on commence à être un peu trop grand. Et donc il a fallu travailler pour obtenir cette autonomie, ce qui ne va pas de soi, parce qu'aujourd'hui la tendance est plutôt à rassembler les banques.

Pensez-vous que c'est bien pour une banque éthique comme la vôtre d'être toute seule ?

C'est une nécessité. À la FEBEA, la Fédération européenne des banques éthiques et alternatives, nous avons une charte sur ce que c'est la finance éthique. Et un des volets, c'est l'autonomie de gestion. 

"Il faut à tout prix être autonome dans sa gestion pour pouvoir être une banque éthique."

Bernard Horenbeek

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Vous êtes belge, vous n'avez pas le bac et vous avez été vendeur de disques. C'est un parcours complètement atypique pour un banquier ?

Oui, mais moi, je ne me considère pas comme un banquier et je considère que la banque ne doit pas rester au banquier. La banque, c'est un outil et c'est un outil qui doit servir la société et en particulier une banque éthique. Et donc oui, effectivement, j'ai commencé comme disquaire à la grande époque du vinyle. J'ai quand même repris des études de psychologie et je suis arrivé en 2008 dans la finance éthique, au moment où toutes les banques explosaient partout et implosaient dans la crise financière. Je me suis dit peut-être que c'est le bon moment pour voir un psychologue dans le monde bancaire.

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