"Peu d'entreprises aujourd'hui prévoient une hausse de leur activité", alerte le spécialiste Denis Le Bossé
Le nombre de défaillances d'entreprises, toutes ces sociétés qui se mettent sous la protection du tribunal de commerce parce qu'elles rencontrent des difficultés financières importantes. Est-ce un bon thermomètre de l'économie française ?
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Pas plus tard qu'aujourd'hui, deux sujets dans l'actualité ont été traités. D'un côté, l'enseigne de vêtements Jennifer qui sera fixée sur son sort le 12 juin, un millier d'emplois sont en jeu. De l'autre, Aldébaran Robotics, 120 emplois liquidés probablement dès lundi. Denis Le Bossé est le président du cabinet ARC, spécialiste des entreprises en difficulté de trésorerie.
franceinfo : Est-ce que nous, journalistes, nous avons un miroir déformant, un miroir grossissant ou est-ce qu'il y a vraiment une augmentation des défaillances d'entreprises ces derniers temps ?
Denis Le Bossé : Mais tout à fait. Vous n'avez pas de miroir défaillant. Peu d'entreprises aujourd'hui prévoient une hausse de leur activité : 88 % d'entre elles prévoient une dégradation de la situation économique. Ce sont les chiffres de notre dernier baromètre, cabinet Arc Ifop et au quotidien des entreprises déposent le bilan, ce qui génère bien sûr des pertes d'emplois très importantes.
Comment est-ce que vous l'expliquez ?
Alors, on l'explique assez facilement. Les entreprises ont été largement aidées pendant la période Covid. Ensuite, elles ont dû supporter des contraintes importantes, avec une hausse bien sûr des matières premières, une hausse du coût d'énergie, un contexte inflationniste et par la suite une perte de confiance qui est liée notamment à une dissolution un peu hasardeuse, une motion de censure, et puis maintenant, on a l'effet Trump. Face à cela, vous avez une large modification du contexte et de la façon de consommer des Français.
Qui consomment moins.
Qui consomment moins et qui consomment totalement différemment et notamment depuis la période Covid. Et certaines entreprises ne se sont pas adaptées à ce nouveau mode de consommation. Il faut absolument s'adapter à ce nouveau mode de consommation.
On a vu les défaillances d'entreprises augmenter considérablement en 2023 et en 2024, plus de 60 000 défaillances d'entreprises de mémoire l'an dernier. Est-ce que vous pensez qu'on a atteint un plateau haut justement des défaillances post-Covid ou est-ce que ça va continuer à augmenter ?
Alors, nous sommes certainement sur un plateau, mais nous avons eu une période de rattrapage.
Parce qu'on dit qu'en gros, le quoi qu'il en coûte, toutes ces entreprises qui ont été maintenues sous perfusion pendant le Covid, les défaillances ont eu lieu plus tard.
Oui, il y a une baisse, une large baisse de défaillances pendant cette période. On a une période de rattrapage. Aujourd'hui, clairement, cette période de rattrapage et passée.
"Nous sommes aujourd'hui dans une phase de dépôts de bilans qui est liée à des difficultés économiques puisque les entreprises ont accumulé différentes dettes, notamment la dette fiscale, des dettes sociales, le PGE qui reste à rembourser."
Denis Le Bossé, président du cabinet ARC et spécialiste des entreprises en difficulté de trésorerieà franceinfo
Et elles ont accumulé ces dettes. Et aujourd'hui, elles se trouvent face à un mini-tsunami. Une entreprise a créé son tsunami. Elles doivent payer les charges accumulées et les charges courantes avec un contexte économique qui n'est absolument pas favorable et des pans entiers de l'économie aujourd'hui sont amenés à des sociétés amenées à déposer le bilan.
Alors justement, quels sont les secteurs d'activité qui sont le plus concernés par les défaillances d'entreprises ?
Nous avons beaucoup de secteurs qui sont concernés. Comme vous le disiez tout à l'heure, il y a une baisse de la consommation, on a le retail, on a le transport. L'habillement.
Le commerce de détail.
Le commerce de détail, le transport, la restauration et beaucoup, beaucoup de secteurs d'activité sont largement concernés. Bien sûr, le secteur du bâtiment est concerné aussi. Donc aujourd'hui, nous rencontrons un grand nombre d'entreprises qui manquent cruellement de fonds propres. Parce que le fond est là, on a en France un tissu de petites entreprises, des PME, qui rencontrent aujourd'hui de grandes difficultés à obtenir des financements auprès de leurs établissements bancaires lorsqu'elles n'ont pas remboursé leur PGE.
Alors, justement, selon l'ancien ministre de l'économie, Arnaud Montebourg, les prix garantis par l'Etat, les PGE que vous venez de mentionner, sont une machine à tuer les entreprises. Est-ce que vous êtes d'accord, sachant qu'il reste à rembourser 40 milliards d'euros, selon Bpifrance, qui s'attend à 3 % de défaut de paiement.
Alors, le PGE, ça a été une véritable aubaine. Ça a permis de sauver des centaines de milliers d'entreprises en 2020-2021.
On ne va pas refaire l'histoire. C'était une bonne idée.
On ne va pas refaire l'histoire. Ça a été très utile. Nous avons eu le PGE de confort et le PGE de nécessité.
"Le PGE de confort a été demandé par des entreprises qui ont pu rembourser très rapidement. Le PGE de nécessité, beaucoup d'entreprises doivent encore le rembourser aujourd'hui."
Denis Le Bossé, président du cabinet ARC, spécialiste des entreprises en difficulté de trésorerieà franceinfo
Et sachant qu'on a cinq ans pour le rembourser, ce que demande Arnaud Montebourg, c'est qu'il y ait des délais et que ce soit plutôt dix.
Exactement et ce serait bienvenu. Néanmoins, cette demande, si on rentre dans le système bancaire, entraîne systématiquement la dégradation de la cotation Banque de France de l'entreprise, ce qui fait qu'elle ne peut plus avoir accès à d'autres financements et surtout au système d'assurance crédit.
Donc, c’est-à-dire que ce n'est pas non plus une solution que vous préconisez. C'est ce que je comprends. Denis Le Bossé, qu'est-ce qu'il faut faire du coup ?
Ce qu'il faut, c'est permettre à ces entreprises qu'elles puissent se renforcer en fonds propres, que des délais de paiement soient respectés.
Ce que vous dites, c'est qu'elles rencontrent des difficultés à accéder au crédit aujourd'hui, que les banques ne leur prêtent pas ?
Les banques ne leur prêtent pas, mais parce qu'elles n'ont pas remboursé leur PGE.
Ce que l'on peut comprendre.
Ce que l'on peut comprendre.
Alors qu'est-ce qu'il faut faire ?
"Il faut renforcer les fonds propres et surtout faire en sorte que les délais de paiement soient respectés. On mesure d'année après année un allongement des délais de paiement."
Denis Le Bossé, président du cabinet ARC, spécialiste des entreprises en difficulté de trésorerieà franceinfo
Un allongement des délais de paiement qui est consécutif à un rapport de force qui est créé entre les entreprises. Pas seulement un rapport de force entre les petites et les grandes entreprises...
Raccourcir les délais de paiement, c’est-à-dire qu'une entreprise qui a un fournisseur va mettre un temps fou à se faire payer et elle-même ne pourra pas payer ses créanciers, c'est cela ?
Exactement. Que ce soit un fournisseur privé ou public, parce que le secteur public n'est pas non plus exemplaire.
Donc ça, ça peut faire partie des solutions.
Beaucoup de solutions ont été mises en place, beaucoup de dispositifs ont été mis en place. On a depuis 2008 beaucoup de dispositifs qui ont été créés. Néanmoins, aujourd'hui, plusieurs rapports sont sortis, des propositions ont été faites par Madame Gregoire lorsqu'elle était ministre des Entreprises : c'est de proportionnaliser les sanctions infligées par la DGCCRF en fonction du résultat de l'entreprise.
La direction de la concurrence.
Aujourd'hui, vous avez des très grands groupes qui réalisent des milliards de chiffres d'affaires qui sont sanctionnés d'une amende maximum de 2 millions d'euros en cas de non-respect des délais de paiement. Vous conviendrez avec moi que c'est simplement l'épaisseur du trait pour 2 millions d'euros pour une multinationale. Et ce qui a été proposé par plusieurs rapports et dont celui de la ministre, c'était de proportionnaliser les amendes administratives au chiffre d'affaires ou aux résultats.
Et donc si on raccourcissait les délais de paiement, et si les amendes étaient plus importantes, notamment vis-à-vis des grands groupes qui ne payent pas à temps leurs petits fournisseurs, on pourrait éviter un certain nombre d'entreprises qui se retrouvent aujourd'hui face à des difficultés de trésorerie.
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