Menaces de droits de douane par D. Trump : "Il faut qu'on ait une politique européenne beaucoup moins naïve", estime Patrick Bénézit
C'est le 6e jour du salon de l'agriculture, l'occasion de s'intéresser à la viande française. Entre les éleveurs et la transformation, cette filière fait vivre 500 000 personnes en France. Patrick Bénézit, éleveur de charolaises dans le Cantal, président de la Fédération nationale bovine, s'inquiète de ce qu'il va se passer si "l'Europe ne protège pas son modèle".
Donald Trump veut mettre sa menace à exécution. Le président américain a annoncé mercredi 26 février 2025, que les produits européens feraient l'objet de 25% de droits de douane. "Nous avons pris la décision, et nous l'annoncerons prochainement", a-t-il assuré à l'occasion de la première réunion de son cabinet à la Maison Blanche.
franceinfo : Plus 25 % de tarifs douaniers en plus sur les produits agricoles. Est-ce que cela vous inquiète ?
Patrick Bénézit : Oui, ça nous inquiète, pas forcément au niveau de la viande que nous pourrions vendre aux États-Unis parce qu'on n'en expédie pas beaucoup, mais les conséquences qu'il pourrait y avoir notamment par rapport au Canada avec lequel l'Europe a eu une très mauvaise idée de signer un accord de libre-échange vers notre marché et qui pourrait se retourner sur le marché européen si effectivement Trump taxait à 25 % la viande canadienne qui rentre aujourd'hui aux USA. C'est la même chose pour d'autres continents. Donc ce qui se passe aujourd'hui en matière de repli sur soi peut avoir des incidences et c'est pour ça qu'il faut qu'on ait une Europe, une politique européenne, qui soit beaucoup moins naïve sur ces sujets-là.
Vous êtes fermement opposé au projet de traité de libre-échange. Si la porte américaine se ferme, est-ce que vous pourriez changer de position ?
Par rapport au Mercosur, la vraie problématique et d'ailleurs sur de nombreux pays, c'est que nous avons un modèle européen qui est basé sur l'élevage à l'herbe et avec un niveau normatif très élevé. C'est-à-dire que nous sommes une exception au niveau mondial et les Brésiliens aujourd'hui produisent de manière complètement différente de chez nous. Tout ce qui est interdit chez nous est autorisé chez eux : ils utilisent des hormones, ils utilisent de l'œstradiol, quelque chose qui est strictement interdit chez nous, ils utilisent des activateurs de croissance, c'est-à-dire des antibiotiques en permanence dans les rations. Ils n'ont aucune norme de bien-être animal. Les feed-lots, des centres d'engraissement sur des dizaines de kilomètres, sont autorisés, mais cela ne l'est pas chez nous.
Nous avons un modèle familial à protéger qui est respectueux de la nature. Les 13 millions d'hectares d'herbes, c'est deux modèles complètement différents. Et si effectivement le niveau européen ne fait pas attention, on sera remplacé demain par ces modèles que notre société ne veut pas et qu'on a su préserver jusqu'ici.
Les menaces de Donald Trump vont donner du poids à ceux qui sont favorables à ce traité de libre-échange avec le Mercosur. Craignez-vous que l'agriculture française soit sacrifiée pour ces filières, notamment l'automobile ?
Il ne le faut pas. On doute aussi des intérêts offensifs qu'ont certaines industries. Ce traité n'est pas signé et nous comptons sur les politiques pour arrêter tout ça. On a besoin de lisibilité. Les éleveurs et les agriculteurs, de manière générale, ne comprennent plus qu'on leur impose des normes aujourd'hui et qu'on aille chercher n'importe quoi à l'autre bout de la planète. On est en pleine incohérence politique. Il en va également de la compréhension des agriculteurs vis-à-vis du niveau européen. On a besoin de cette Europe, mais pas mais pas d'une Europe qui fonctionne comme ça.
Les Français mangent un peu moins de viande qu'avant. Moins 1,5 % en 2024, selon les chiffres du ministère. La raison est surtout économique. La viande est-elle trop chère en France ?
Il n’y a pas que ça, elle n’est pas trop chère. Certains margent peut-être un petit peu trop aussi dessus. On a quand même du mal des fois à entendre certains distributeurs expliquer qu'ils sont là pour défendre les consommateurs. On connaît les marges. On sait que certaines marges, notamment sur la viande bovine, sont très élevées. La viande, elle est à son prix. Aujourd'hui, la difficulté qu'il y a, c'est que nous n'atteignons pas les coûts de production au niveau des catégories que nous vendons à la grande distribution et malgré un discours sympathique vis-à-vis de l'opinion publique qu'à la grande distribution, aujourd'hui, ils sont extrêmement féroces vis-à-vis des négociations commerciales et ils ne tiennent absolument pas leurs engagements pour qu'on puisse tenir nos coûts de production.
"La viande est à son prix. On a un consommateur qui reste fidèle à la viande"
Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovinefranceinfo
Les négociations commerciales ont lieu jusqu'à samedi. Comment cela se passe sur la viande ? Est-ce que vous avez des retours ?
On a des retours, ça ne se passe pas bien. Ils ont tort. Il y a eu une décapitalisation énorme. Le cheptel français a perdu 1 million de vaches depuis 2016. C'est énorme. Le fait qu'il soit dur aux achats, d'abord prouve leur irresponsabilité vis-à-vis des éleveurs d'une part et, d'autre part, ils mettent en risque la souveraineté alimentaire de demain et peut-être même l'approvisionnement de leur rayon.
Vous défendez le manger mieux. "Naturellement flexitarien", c'est le slogan qu'on voit à plusieurs à plusieurs endroits sur le stand. Est-ce que ça marche ?
Ca marche parce qu’on a un consommateur qui reste fidèle à la viande. Nous avons espoir de continuer à l'approvisionner avec de la nourriture, de la bonne viande issue de nos cheptels, de nos races à viande, celles qui font les territoires français, qui font qu'il y a 13 millions d'hectares de prairie, qui font que ce modèle avec les autres opérateurs de la filière donne dans ce pays une viande d'exception. Donc on croit que ce soit possible et que c'est par le prix que se relancera cette activité. Il le faut. L'élevage est nécessaire à l'agriculture.
Comment convaincre des jeunes éleveurs ? Depuis 30 ans, le nombre d'élevage a été divisé par trois. Comment attirer des jeunes ?
D'une part en garantissant des prix d'achat. Les jeunes ne pourront s'installer demain que s'ils ont une garantie de prix par rapport à des contrats sur un long terme et qui leur permettront de rembourser des prêts. Il faut des politiques publiques qui soient extrêmement favorables à l'élevage. On a eu des politiques publiques qui ont été défavorables à l'élevage et qui ont fait que ce pays est devenu un pays céréalier. Toutes les terres ne sont pas appropriées pour se passer de l'élevage et on voit que ça devient une catastrophe dans certains secteurs. L'agriculture a besoin d'élevage, a besoin de la matière organique de l'élevage. C'est comme ça que ça fonctionne dans la plupart des sols. Rares sont les sols qui peuvent se passer de l'élevage. Donc l'élevage est bénéfique sur un plan environnemental, sur un plan d'équilibre agronomique, sur un plan territorial et puis également culturel parce qu’on a des habitudes alimentaires qu'il ne faut pas changer.
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