: Podcast

"La traque de Mohamed Amra" (3/8) : en cavale

Le 14 mai 2024, la France a été secouée par une attaque meurtrière et sans précédent au péage d'Incarville. Un fourgon pénitentiaire transportant le détenu Mohamed Amra, 30 ans, surnommé "La Mouche" et connu pour trafic de drogue, a été la cible d'un commando lourdement armé de Kalachnikovs. Cette agression brutale, qui n'a duré que trois minutes, a coûté la vie à deux agents de l'administration pénitentiaire, Arnaud Garcia (34 ans) et Fabrice Moello (52 ans), et en a blessé trois autres. Notre pays a été plongé dans le deuil face à la violence et la sidération, révélant la brutalité du narcobanditisme. Mohamed Amra, qui a participé activement à son évasion, est rapidement devenu l'homme le plus recherché de France. Initialement, l'hypothèse d'un enlèvement par un clan rival a été écartée par la police judiciaire, la jugeant "très fantasque" car Mohamed Amra a été vu courant derrière ses ravisseurs. 

Immédiatement après l'attaque, une traque "hors norme" a été lancée, mobilisant des centaines d'enquêteurs, qualifiée de "défi à l'autorité de l'État" par l'ex-patron de l'Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO), Yann Sourisseau. La stratégie était claire et concertée : ne pas arrêter les complices déjà identifiés afin de ne pas "dévoiler nécessairement un bout de l'enquête" et préserver le secret des investigations, l'objectif premier étant de capturer Mohamed Amra. Cette stratégie, qui a duré neuf mois, a été éprouvante pour les enquêteurs, d'autant plus que l'entourage familial d'Amra n'a pas fourni beaucoup d'informations et que "La Mouche" maîtrisait parfaitement les outils de communication moderne (VPN, applications cryptées, changements fréquents de téléphone). Les enquêteurs ont acquis la certitude que, durant sa cavale, Amra a continué ses activités criminelles, discutant de projets d'enlèvement ou de la reprise de points de deal via des réseaux cryptés. Il a passé une partie de sa cavale dans un appartement discret à Compiègne, puis à Rouen, avant de quitter la Normandie en convoi pour la Roumanie. Mohamed Amra a finalement été localisé et arrêté le 22 février 2025 en Roumanie, à Bucarest, par la police roumaine dont l'efficacité a été saluée. Interpellé devant un salon de coiffure, il était "très choqué", a reconnu son identité et a même tenté de soudoyer les policiers avec 2 millions d'euros. 

Cette attaque sans précédent a été perçue comme un double assassinat et des tentatives d'assassinat prémédités, marquant un "cap" franchi par les criminels par "sauvagerie" et "cruauté". Elle a eu un impact profond sur les familles des victimes, qui ont exprimé leur colère et leur chagrin, et sur l'ensemble du personnel pénitentiaire, réclamant plus de sécurité. Une cérémonie nationale a rendu hommage aux agents décédés, décorés à titre posthume. L'enquête, qualifiée de "marathon", se poursuit avec une quarantaine de suspects déjà mis en examen. Les familles attendent avec impatience le procès pour que "justice soit faite" et pour identifier le tireur, un processus qui pourrait durer des années. La question de savoir comment Amra a pu échapper aux mesures de localisation, notamment en restant proche de son lieu d'évasion, reste une priorité pour les enquêteurs. L'épisode suivant de ce podcast s'intéressera d'ailleurs aux complices qui ont permis à Mohamed Amra de tenir la police à distance si longtemps.  

Un podcast du service Police-Justice de franceinfo, avec en invités fils rouges : le commissaire Yann Sourisseau, ex-patron de l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO), et Eric Serfass, le procureur adjoint chargé de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO). 

Production : David Di Giacomo, Pierre de Cossette, Gaële Joly, Mathilde Lemaire, Yannick Falt | Réalisation : Vanessa Nadjar | Rédaction en chef : David Di Giacamo | Coordination : Pauline Pennanec’h | Mixage : Raphaël Rasson