Cold case génétique : non, ce ne sont pas les Européens qui ont apporté la lèpre en Amérique

Comme dans les histoires criminelles, en biologie aussi les progrès de la génétique permettent parfois de rouvrir de vieux dossiers et rétablir certaines vérités. C’est ce qui vient de se passer avec la bactérie responsable de la lèpre.

Article rédigé par Anne Le Gall
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
"Entrée de Cortez au Mexique", lithographie (1892) représentant la première rencontre du conquistador Hernan Cortes et de l'empereur aztèque Montezuma, le 8 novembre 1519. Photo d'illustration. (BETTMANN / BETTMANN/ GETTY)
"Entrée de Cortez au Mexique", lithographie (1892) représentant la première rencontre du conquistador Hernan Cortes et de l'empereur aztèque Montezuma, le 8 novembre 1519. Photo d'illustration. (BETTMANN / BETTMANN/ GETTY)

L'affaire est suffisamment sérieuse pour faire l'objet d'une publication dans la revue Science. Elle concerne la lèpre, cette maladie qui se manifeste par des lésions sur la peau et sur les nerfs, avec une perte de sensibilité, voire une paralysie des extrémités, doigts, mains, pieds. Cette maladie se retrouve souvent dans les livres d'histoire car elle était épidémique au Moyen Âge en Europe. Et il a longtemps été dit que la lèpre (qui est provoquée par une bactérie), avait été importée en Amérique par des colons européens.

Or la réalité n'est pas tout à fait celle-là. Des scientifiques de l'institut Pasteur et de l'université du Colorado ont en effet découvert, grâce à des analyses génétiques, qu'au-delà de la bactérie Mycobacterium leprae, venue d'Europe, une autre bactérie cousine, la Mycobacterium lepromatosis, avait déjà propagé la maladie sur tout le territoire américain, bien avant l'arrivée des premiers colons.

Fouilles archéologiques et analyse ADN

Les techniques scientifiques actuelles ont permis de réaliser l'analyse ADN de près de 800 échantillons issus de fouilles archéologiques menées sur le continent américain, au Canada et en Argentine notamment. Certains échantillons incluaient des restes humains anciens. Ces chercheurs ont aussi étudié le profil génétique des bactéries ayant infecté plus récemment des patients présentant des symptômes de la lèpre.

C'est en comparant les différentes données génétiques que ces chercheurs ont pu établir le profil génétique et l'évolution de cette deuxième espèce bactérienne responsable de la lèpre. Et ils sont formels : cette lèpre infecte les humains en Amérique depuis au moins 1 000 ans, c’est-à-dire plusieurs siècles avant l'arrivée des Européens.

De possibles réservoirs animaux de la bactérie encore inconnus

Aujourd'hui, ces recherches permettent de mieux comprendre cette maladie qui existe toujours. La lèpre est actuellement présente dans plus de 120 pays. Il y a 200 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année, essentiellement en Amérique latine mais aussi en Asie ou Afrique.

Actuellement, un cocktail de trois antibiotiques permet d'en guérir. Mais les auteurs de ces travaux expliquent : "Nous ne faisons que commencer à découvrir la diversité et les mouvements globaux des bactéries pathogènes qui la déclenchent." Et leur étude laisse aussi supposer qu'il pourrait exister, pour cette bactérie de la lèpre, des réservoirs animaux qui sont encore inconnus à ce jour.

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