"C'est mon devoir de rester" : malgré la guerre en Ukraine, de nombreux Français sont toujours en Russie
Depuis le déclenchement de l'invasion en Ukraine, des Français expatriés ont vu leur avenir s'assombrir dans le pays. S'ils subissent la crise économique, beaucoup veulent continuer à rester vivre en Russie.
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Ils étaient environ 5 000 inscrits sur les registres de l'ambassade française en Russie, avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Combien sont-ils de Français aujourd'hui, à rester dans ce pays ? Difficile à dire. Beaucoup sont partis, rappelés par leurs entreprises ou par choix personnel. Ou encore expulsés, dans le cas des diplomates.
Certains sont encore là, malgré les difficultés. C'est le cas de Benoît Lardy, patron d'une agence de voyages, Tsar Voyage, qui a compté jusqu'à 80 salariés avant le Covid-19. Aujourd'hui, ils ne sont plus qu'une dizaine. "Nous sommes en sommeil, en activité réduite", explique l'entrepreneur. L'inflation s'est envolée au-dessus des 20%, "nous ne gagnons pas d'argent, nous en perdons même". Même sa famille a préféré rentrer. Mais lui tient la boutique.
"Fermer, ce serait détruire ce que l'on a créé. Il nous faut maintenir une marque et une position de marché."
Benoît Lardy, patron de Tsar Voyageà franceinfo
Ce sont souvent des raisons économiques qui font que les Français de Russie restent sur place. Françoise Rigard est arrivée dans le pays en 1998. Agent commerciale, elle a monté une société de traiteur. Près de 25 ans après son départ, plus personne ne l'attend vraiment en France. "Tout mon argent est ici, dans cette société et dans la maison que je possède, explique Françoise Rigard. En tant que citoyenne d'un pays inamical, si je vends ma propriété, je ne pourrais même pas récupérer l'argent... Et puis, je ne peux pas gérer l'activité de mon entreprise en distanciel. Je ferais quoi en France ? Toucher le RSA ? Ce n'est pas très excitant."
D'autres pensent franchement avoir un avenir en Russie. À cause, ou plutôt grâce à la crise : comme ceux qui se reconvertissent du secteur de l'énergie vers les services informatiques. Ceux-là sont plus discrets et ne souhaitent pas tous s'exprimer. Sans chercher forcément à se reconvertir, beaucoup ne veulent simplement pas rater l'opportunité de développer leur entreprise. Comme Axel Nagy, un Bordelais qui a créé une société qui commercialise des pâtés en croûte. "Nous avons de réelles opportunités de développement, avance-t-il. Partir maintenant ce serait vraiment dommage. Je suis convaincu qu'il y a quelque chose à faire". Lui y voit une forme de responsabilité : "J'ai une dizaine d'employés, c'est moi qui paye les salaires. C'est mon devoir de rester."
Période schizophrénique
Difficile pour ces Français restés en Russie d' expliquer à leur famille, à leurs amis en France qu'ils restent dans un pays qui devient petit à petit un État paria. Une question est dans tous les esprits : comment concilier son amour d'un pays et le dégoût que vous inspire la période ? Surtout quand on y vit depuis parfois presque 30 ans comme Muriel Rousseau-Ovtchinikov. Pour cette artiste-créatrice, mariée à un Russe, la situation est compliquée : "On vit une vie de plus en plus schizophrénique. Beaucoup trouvent ça très choquant. Moi, dans ma tête, même si je vis des moments de dépression totale et de grand désespoir, j'essaye de me concentrer sur ma bulle, et pas sur ce qu'il se passe autour de nous."
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Ce qui est compliqué pour elle l'est moins pour d'autres, comme Axel Nagy, qui lui regarde ce conflit avec un regard assez russe : "J'ai pas mal d'amis qui me disent que je suis une espèce d'espion de Poutine, parce que je suis contre cette guerre mais que je la comprends. Des amis qui ne regardent que les médias français et qui pensent que les Russes sont méchants. C'est dur d'expliquer que tout n'est pas noir ou blanc."
"Pour moi, il n'y a pas d'agresseur et d'agressé... Ce conflit était latent et à un moment il fallait bien que ça pète."
Axel, Français resté en Russieà franceinfo
Beaucoup de Français préfèrent néanmoins garder leurs distances avec la situation politique et ne parlent pas de l'Ukraine. En cela ils sont très russes. Comme l'explique un chef d'entreprise bien connu ici, au fond ils ont été "nombreux à espérer qu'ils soient en trois jours à Kiev, pour pouvoir passer à autre chose". Cela fait plus de 100 jours, et personne n'y voit clair. Mais en Russie plus qu'ailleurs, l'avenir est imprévisible. "C'est un pays plein de paradoxes, de surprises, de rebondissements et de révolutions, explique Benoit Lardy. Donc pour l'avenir je n'en ai absolument aucune idée." Ils sont quelques-uns à avoir fait leur cette maxime russe qu'on entend à tout bout de champ : "Всё будет хорошо" – "Tout va bien se passer".
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