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"On apprend à ne pas s'agiter quand le patient est en crise" : immersion dans le quartier d'isolement d'un hôpital psychiatrique à Marseille
Le secteur des soins intensifs de l'hôpital psychiatrique Édouard-Toulouse, à Marseille, tente le plus possible d'éviter le recours à la contention dans le traitement des patients considérés comme dangereux. Pour ne pas attacher les malades, il a fallu former le personnel.
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C'est une visite exceptionnelle. franceinfo a pu pénétrer dans le secteur des soins intensifs de l'hôpital psychiatrique Édouard-Toulouse, à Marseille, alors que la Journée mondiale de la santé mentale se déroule vendredi 10 octobre. Le secteur est fermé à clé. Des malades dangereux y sont enfermés. Les équipes doivent parfois emmener certains patients à l'isolement. Là, ils doivent faire retomber la pression, et cela sans recourir à la contention, sans attacher les gens à leur lit, comme cela peut être le cas dans les hôpitaux en cas de crise violente.
Dans l'espace commun, des patients dessinent autour d'une table et la pression monte parce que la télévision est éteinte. Naïm, un jeune schizophrène, tente de gribouiller le visage de son voisin. Aussitôt, il est pris en charge par une infirmière qui l'accompagne dans le "salon d'apaisement" : une pièce vide avec deux fauteuils et un écran géant qui diffuse des vidéos de plage.
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Au bout de quelques minutes, le dispositif fait son effet, Naïm s'est apaisé. "On est plus calme, dit-il, il n'y a pas de personne agressive autour". Un résultat atteint sans contention, car être attaché sur son lit est encore le quotidien de nombreux patients dans les hôpitaux psychiatriques, ce que dénoncent des associations de familles de malades comme l'Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques) et des jeunes psychiatres.
La contention seulement en ultime recours
C'est ce qui est arrivé à Karma, un jeune schizophrène qui fréquente les hôpitaux psychiatriques depuis qu'il est adolescent. Il a connu la camisole de force. "J'étais sous camisole parce que j'étais quelqu'un qui pouvait devenir très violent, à cause de mon vécu, explique-t-il. Qu'est ce que ça fait ? Vous vous sentez comme un animal, en fait. On vous descend de la phase d'humain à objet. Au lieu venir parler, bim, on te camisole. Ah ça suffit pas ? Allez bim piqûre... J'ai connu ça, et je peux vous dire qu'ici, ils font un très bon travail."
Dans cette unité, les soignants aussi sont ravis de ne pas avoir à attacher leurs patients. "Attacher des gens au lit, c'est vraiment une méthode d'ultime recours, indique un soignant. Ça nous est arrivé, mais c'est très rare. Ce n'est pas anodin, d'attacher quelqu'un au lit pendant x heures. C'est très compliqué". Une collègue abonde : "surtout quand on le fait à contrecœur, parce qu'on n'est pas 'friands' de ces méthodes. Mais malheureusement, on n'avait pas le choix."
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Pour éviter de recourir à la contention, il a fallu former le personnel : "On apprend à communiquer, à ne pas s'agiter quand le patient est en crise, reprend cette soignante. Il faut être nombreux, ne pas hésiter à faire appel au médecin immédiatement et ne pas laisser la situation s'envenimer. Face à une situation de crise, je n'hésiterai pas à appeler d'autres soignants pour venir en renfort, parce que le nombre peut contenir aussi le psychisme."
Faire retomber la pression
Mais lorsque le salon d'apaisement et les autres techniques ne suffisent pas, les équipes sont forcées d'amener le patient en chambre d'isolement. Des locaux qui là ressemblent un peu à une prison. Il n'y a plus de patients qui déambulent. Les cellules sont fermées à clé. À l'intérieur, il n'y a qu'un lit et un WC. C'est ici que Yanis a été enfermé. Ce jeune schizophrène a menacé l'équipe soignante avec une fourchette et il a tenté d'agresser sexuellement d'autres malades.
La psychiatre Sophie Sirère vient lui parler avec son équipe, composée de deux infirmiers. "J'ai souvent envie de pleurer à cause de l'isolement", raconte-t-il. "Mais vous savez, répond la psychiatre, que quand vous êtes avec tout le monde, que vous vous sentez 'connecté', après, vous voulez faire l'amour avec tout le monde et vous n'arrivez plus à vous contrôler. Ce n'est pas un reproche, je pense que ce n'est pas une histoire d'effort, et que vous ne pouvez pas faire autrement en ce moment (...) C'est pour ça qu'on reste avec vous et qu'on vous met un peu à l'écart des autres".
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L'infirmière reste avec Yanis. Elle lui prête même son téléphone pour qu'il écoute de la musique. Derrière la porte, dans les couloirs de l'unité, on entend des éclats de voix. Là encore, pour faire retomber la pression, les équipes interviennent tout de suite. Même la femme de ménage s'y met : "Si vous voulez, je viens avec vous... Allez, je terminerai mon travail après. Après, on montera dans la chambre, on essayera de trouver ce que vous avez perdu."
La clé de cette approche tout en douceur, pour éviter d'attacher les malades, c'est le nombre de personnes disponibles et prêtes à intervenir à la moindre alerte. Dans cet hôpital psychiatrique des quartiers Nord de Marseille, il y a un soignant pour six malades. Ailleurs, dans d'autres établissements, ils ne sont parfois qu'un pour 15 patients.
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