"On ne peut pas imaginer que les enfants ne puissent plus apprendre à nager" : comment éviter la fermeture des piscines municipales ?

Construites majoritairement dans les années 1970, près de la moitié de ces infrastructures présentent des dégradations significatives, malheureusement, le budget des communes concernées n'est pas suffisant pour permettre leur remise en état. À Lille, la métropole a lancé ce qu'elle appelle un "plan marshall" pour construire de nouveaux bassins.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Pierre Béharelle, maire de Haubourdin présent au Centre Aquatique Neptunia (Marc Bertrand / RADIO FRANCE)
Pierre Béharelle, maire de Haubourdin présent au Centre Aquatique Neptunia (Marc Bertrand / RADIO FRANCE)

La plupart de piscines publiques en France datent des années 1970 et beaucoup de communes n’ont plus les moyens pour les rénover. Les professeurs d'EPS s'inquiètent pour l'apprentissage de la natation, pourtant érigée en "priorité nationale". Sur les 4000 piscines que compte le pays, 40% sont aujourd'hui vétustes, selon la fédération française de natation. 

Dans la métropole lilloise, cinq piscines ont fermé en quelques années, la dernière étant celle d'Haubourdin, à la rentrée. Devant les grilles de l'école primaire de cette commune de 20 000 habitants au sud de Lille, Anne-Lise et ses enfants viennent d’apprendre la nouvelle de la maîtresse."Est-ce que tu es triste que la piscine ait fermé ? Bah, tu te baigneras dans ta baignoire", plaisante la mère de famille. "Moi personnellement, je suis une frileuse, je ne vais pas dans l'eau donc pour leur apprendre à nager ça va être compliqué."

Un "plan marshall" pour construire de nouvelles piscines

Le centre aquatique, "Neptunia", c'était la fierté de Pierre Béharelle, maire d'Haubourdin. Quelque 200 000 entrées par an, un toboggan, une salle de sport. "C'est une piscine magnifique, rénovée complètement en 2008, donc on ne s'attendait absolument pas à un constat aussi cruel du cabinet d'expertise", révèle le maire de la commune. Le bassin est encore rempli d'eau, mais en sous-sol, le béton qui date des années 70, s'effrite. "Moi, j'étais incrédule, je me suis dit : ce n’est pas possible. Les bétons sont dans un tel état, il pourrait y avoir un effondrement d'un coup du bassin. C'est une catastrophe pour la ville", note l'élu.

"Si on devait la reconstruire entièrement, ça coûterait 18, voire 20 millions d'euros. C'est l'équivalent du budget annuel de la ville."

Pierre Béharelle, maire de Haubourdin

à franceinfo

La piscine accueillait 26 classes des écoles du secteur. Les autres centres aquatiques, n'ont plus aucun créneau disponible, parce que la métropole a connu une véritable série de fermetures ces dernières années. Ronchin, Saint-André, Fives, en tout cinq piscines sont fermées ou en travaux dans la métropole. Le représentant du SNEP-FSU dans le Nord, le syndicat des professeurs d'EPS, Vincent Bouché est en colère, "Sur une enquête rapide de rentrée réalisée cette semaine dans tout le département du Nord, sur 20 collèges sondés, seuls quatre accèdent aux bassins, reprend Vincent Bouché. C'est une catastrophe parce que la natation, ce n'est pas pour quelques-uns, c'est pour tous, comme les mathématiques ou le français."

Selon la Fédération française de natation, il manquerait 400 bassins en France aujourd'hui, dont une soixantaine dans les Hauts-de-France. Face à ce constat, la métropole de Lille a lancé ce qu'elle appelle un "plan marshall" pour construire de nouvelles piscines. Dans son bureau, Éric Skyronka, vice-président aux sports, parle même d'un effort unique en France. "On a déjà délibéré pour huit piscines, ça va coûter 200 millions d'euros, c'est un vrai choix politique." Un budget important, mais nécessaire, "On ne peut pas imaginer que demain les petits métropolitains ne puissent plus apprendre à nager, parce qu'on regarde fermer les piscines et on attend que ça passe."

Une gestion privée qui inquiète les professeurs

La première de ces nouvelles piscines financées à 70% par la métropole doit ouvrir dans deux ans, à l'été 2027. Mais le projet inquiète les enseignants, car leur gestion au quotidien sera confiée au privé, en délégation de service public.

Ce modèle existe déjà ailleurs dans le département, à Denain, dans le Valenciennois. L'ancien bassin municipal vétuste a laissé place à un magnifique centre aquatique, avec espace balnéo et restaurant, juste en face d’un des collèges de la ville. La piscine accueille les écoliers de la ville, mais deux des trois collèges publics de la ville n'y vont pas. Les tarifs sont trop chers, selon Suéva Galliez, professeure d'EPS au collège Turgot, et syndiquée au SNEP-FSU. "Dans l'ancienne piscine, pour emmener les 10 classes, le collège payait 2100 euros par an. Aujourd'hui, ça coûterait 14 000 euros. On ne peut pas se permettre d'emmener tous nos élèves d'un niveau à la piscine, compte tenu de la dotation qu'on reçoit du département pour la pratique sportive au collège."

À 50€ de l’heure pour une ligne d’eau, deux des trois collèges de la ville ont renoncé à la piscine. Alors que les élèves doivent passer un test du savoir nager, en fin de sixième."Chez nous, sur 107 élèves, l'an dernier, il n'y en a que 12 qui ont validé le savoir nager d'après le test officiel, qui suit les recommandations ministérielles", explique la professeure d'EPS.

Le sujet est sensible à Denain, où un enfant de 4 ans s’est noyé cet été à la piscine. La mairie répond que c'est un choix de ces établissements, d’autres collèges des communes voisines comme c'est le cas à Lourches, d'accepter de payer pour venir, tout comme l'établissement privé catholique de la ville. La mairie rappelle qu'elle finance la natation pour les écoles primaires, avec des leçons au centre aquatique de la ville et qu'elle fournit une aide financière aux familles pour financer des cours d'apprentissage de la natation, mais en dehors du temps scolaire. De son côté, le conseil départemental du Nord indique qu'il a alloué 3,4 millions d'euros en 2024 pour financer la pratique sportive dans les collèges.

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