Reportage
"C’est une atteinte à notre Seigneur" : en trois ans, les vols dans les églises ont bondi de 30%

Il y a quelques jours, trois hommes ont été arrêtés après une trentaine de vols commis dans des paroisses du nord de la France. Ciboires, calices, coffrets... Les objets liturgiques d'or et d'argent, retrouvés par les gendarmes, étaient destinés à être fondus ou revendus. D’autres ont disparu. Un choc et une souffrance pour les paroissiens.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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L'église de Cousolre, dans l'Avesnois, a été victime de voleurs à la mi-octobre 2025. (GOOGLE STREET VIEW)
L'église de Cousolre, dans l'Avesnois, a été victime de voleurs à la mi-octobre 2025. (GOOGLE STREET VIEW)

Pour apaiser le cœur des fidèles, la petite église de Cousolre, dans l'Avesnois, célèbre "une messe de réparation". Elle a lieu, selon le droit canonique, quand une "action gravement injurieuse" est commise dans un lieu sacré. Ici mi-octobre, le ciboire qui sert à conserver les hosties, et l’ostensoir, pièce d’orfèvrerie qui contient l’hostie consacrée, ont été volés. "C’est une atteinte à notre Seigneur", s'attriste Patrick, un paroissien qui se sent blessé. Cette messe lui apporte un peu de sérénité après ce qu’il a vécu comme une profanation."Ça nous permet un peu de retrouver notre église et de la remettre sous le signe de notre seigneur, qu'il puisse réhabiter cette église et le cœur de chacun également".

Après le vol, l’église est restée fermée une dizaine de jours, et de mémoire des anciens du village, ce n’était jamais arrivé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. "Fermer une église n'est jamais bon, commente l'abbé Pascal Romefort qui préside la célébration. Pour moi, une église c'est un peu comme un cœur qui bat dans un village". Derrière l’autel, il nous montre le tabernacle. "C’est le lieu le plus sacré de l’église, c'est là où on dépose le corps du Christ".

Les voleurs ont agi en pleine journée, pendant que l’église était ouverte. "Ils ont forcé la serrure" du tabernacle pour dérober les objets de culte, explique l'abbé. "On espère les récupérer parce que c'est aussi historique. Il y a des gens qui les ont offerts ou qui se sont sacrifiés pour qu'on puisse les avoir".

"Toucher à des objets comme ceux-là c'est aussi toucher à la mémoire de la paroisse."

L'abbé Pascal Romefort

à franceinfo

À la suite à ce vol, des caméras de vidéoprotection vont être installées à l’extérieur de l’église. Les autres objets liturgiques sont maintenant à l’abri, indique le maire de la commune, sans donner plus de détails sur leur localisation. Et Cousolre, n'est pas le seul village victime dans cette région des Hauts-de-France. En tout, neuf églises situées dans l’Avesnois ont été victimes de vols depuis le mois de juin.

Des profanations en série

À 30 km de là, l’église Saint-Martin de Hon-Hergies surplombe le bourg du même nom. Fin septembre, elle aussi a été profanée. La porte de la sacristie a été forcée, le tabernacle ouvert et plusieurs vases liturgiques dérobés. Ce jour-là,  Danielle une habitante était à la salle des fêtes. "C'était un jour où il y avait la gymnastique adaptée, se souvient-elle. Tout à coup, quelqu'un est arrivé en hurlant : 'On a cambriolé l'église !'. La dame qui s'occupe de l'entretien de l'église est allée à la sacristie et quand elle est allée dans le chœur, elle a remarqué que la porte avait été bousculée. Ils ont cassé la porte !"

"Pour nous, c'est un peu insensé. Qu'est-ce qu'ils vont en faire ? Ils vont le revendre, ça va être perdu. Mais pour nous, ce sont des objets qui ont toujours été là, qui sont de valeur. Ça fait partie de notre patrimoine."

Danielle, une habitante de Hon-Hergies

à franceinfo

"Ça fait 50 ans que je suis là, poursuit Danielle. Jamais on n'a été confrontés à ce genre de situation. En plus, la dame qui s'occupe de la sacristie et de tout ce qui est entretien aurait très bien pu arriver au moment où ils étaient là. Qu'est-ce qui se serait passé ?, s'inquiète la villageoise. On se pose plein e questions. C'est quand même dramatique de vivre dans une société où il n'y a plus de respect. Et cette violence au quotidien ! On a bien volé au Louvre. Alors l'église Hon-Hergies à côté, ce n'est rien du tout".

S'ils sont retrouvés, ces vases liturgiques seront identifiés car ils sont inventoriés, ce qui n’est pas le cas dans toutes les églises. "Quand on n’a pas les objets, c'est très difficile de pouvoir prouver sa propriété, explique Caroline Biencourt, conservatrice du patrimoine pour le diocèse de Cambrai. Surtout que deux calices se ressemblent énormément", poursuit-elle. Depuis ces vols, elle alerte donc les paroisses sur l’importance de faire des inventaires. Et pour sécuriser les édifices, le diocèse a mis en place des mesures "en rechangeant les barillets de porte, en rebarrant les portes des sacrities et aussi en installant des dispositifs pour cacher les clés et les sécuriser. On a aussi des mairies qui ont pris tout de suite en charge la sécurisation des portes de sacristies et des tabernacles, en faisant intervenir des serruriers". Il va aussi maintenant falloir rapidement rééquiper toutes les paroisses volées, ajoute la conservatrice. Au préjudice moral s’ajoute un dommage financier car un ciboire ou un calice coûte, en moyenne, entre 2 500 et 3 000 euros.

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