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Reportage
"Elles ont compris qu'elles ne risquaient pas grand-chose" : dans les secrets des centrales d'achat européennes qui négocient les prix des rayons de supermarché
À moins d’un mois de la fin des négociations commerciales annuelles censées fixer les prix de l’alimentation en France pour l'année à venir, la tension règne. Et toutes les critiques se concentrent sur ces pourparlers qui réunissent les grandes surfaces de toute l’Europe pour négocier les prix avec les géants mondiaux de l’agroalimentaire.
Le prix, c'est ici. Les centrales d'achat de la grande distribution situées à l'étranger sont le lieu où les grandes surfaces de toute l’Europe se regroupent pour négocier les prix avec les géants de l’agroalimentaire, comme Nestlé, Unilever ou Coca-Cola. Problème : elles sont accusées de permettre un contournement des lois françaises et, in fine, de pénaliser les agriculteurs.
À moins d’un mois de la fin des négociations commerciales annuelles censées fixer les prix de l’alimentation en France pour l'année à venir, franceinfo s'est plongée dans le fonctionnement de ces centrales qui attirent tous les regards du secteur. Et pour cause : une partie des produits vendus en France est en effet aujourd'hui négociée en dehors de l'Hexagone.
Négociations à l'étranger
Il y a un peu plus de quatre mois, coup de tonnerre dans le ciel de la distribution française avec une annonce inédite : trois enseignes - Intermarché, Auchan et Casino- font alliance. Le trio pèse plus de 30% du marché de la grande distribution et dans la foulée, il adhère à Everest, une centrale d'achats européenne basée aux Pays-Bas, qui réunit déjà des grandes surfaces hollandaises et allemandes. Un seul objectif pour le vice-président d'Intermarché : se regrouper pour peser face aux industriels. Ce sont eux qui fabriquent les grandes marques les plus connues, mais leurs produits se monnayent au prix fort pour les hypermarchés français.
"Si vous comparez les produits des soixante multinationales, on a du mal à comprendre comment il peut y avoir de tels écarts de prix entre la France et l'Allemagne, en défaveur de la France, explique Jean-François Soudais, vice-président d'Intermarché. Pour Coca-Cola, il y a 27% d'écart sur la bouteille d'1,25 litre de Coca-Cola zéro. Si on ne fait rien, la tablette de chocolat que vous avez l'habitude d'acheter, une Côte d'or à 2,60 euros, vu les hausses que l'on nous demande, la tablette passe à 10 euros...", avance-t-il pour exemple.
Et Intermarché le jure : chaque pourcentage gagné le sera au bénéfice du consommateur, avec des prix plus bas. "Le fait d'être beaucoup plus lourds permet de peser un peu plus dans une négociation face à un industriel hégémonique", justifie Jean-François Soudais.
Les agriculteurs français lésés ?
Reste une question : les agriculteurs risquent-ils de faire les frais de ces négociations à la baisse sur leurs revenus ? Dominique Schelcher balaie l'idée. Il est président des magasins U, seule enseigne en France qui ne fait plus partie d'une centrale d'achats européenne depuis cet été après de gros désaccords. Selon lui, certes, les centrales recherchent les meilleurs tarifs, mais cela se fait face à des multinationales qui sont une soixantaine de géants. "Bien de ces grandes entreprises produisent à l'étranger avec des matières premières étrangères, dans des usines étrangères. Ce ne sont pas elles les plus exposées aux matières premières françaises. Quand on parle de produit à base de café, de cacao, ça ne concerne pas les agriculteurs français, c'est faux, c'est de la caricature", soutient-il.
Nicolas Facon, président de l'Ilec, le lobby des grandes marques de consommation en France, estime pour sa part que le respect des lois Egalim, qui protègent les revenus des agriculteurs français, n'est pas vraiment un sujet qui préoccupe ces centrales d'achats basées à l'étranger. "Les centrales posent un souci parce que les négociations ne se font plus en France pour une partie des industriels, elles se font à Bruxelles, Amsterdam ou Madrid", estime-t-il.
"L'objectif est de faire de l'évasion juridique, c'est-à-dire, d'échapper aux lois françaises. C'est donc là que la protection du prix de la matière première agricole est le moins bien respecté."
Nicolas Faconà franceinfo
"Il n'y a pas de respect de la date butoir, alors que les négociations doivent se terminer le 1er mars elles ont tendance à durer toute l'année, donc une pression permanente sur l'industrie. C'est quelque chose qui est en train d'impacter l'industrie et donc par ricochet l'agriculture et c'est cela qui devient extrêmement problématique", poursuit-il.
Difficile contrôle des centrales
Les parlementaires français ont appelé le gouvernement et l'administration, à renforcer les sanctions visant ces centrales européennes, mais celles-ci sont souvent annulées par les autorités européennes qui jugent les tribunaux français incompétents. Pas de quoi, donc, inquiéter les centrales d'achats, selon Boris Ruy, expert en droit de la concurrence pour le cabinet Fidal. "Je dirais que ces centrales internationales se sentent un peu pousser des ailes. Elles ont compris qu'elles ne risquaient pas grand-chose parce qu'elles sont ailleurs. Il n'est pas facile pour des enquêteurs français de la DGCCRF d'aller enquêter dans des pays étrangers. En théorie, les règles françaises s'appliquent pour tous les produits destinés à la France, mais en pratique, c'est un peu compliqué à faire respecter", analyse-t-il.
L'an dernier, la France a intensifié ses contrôles et condamné Carrefour et sa centrale d'achat espagnole à une amende de 10 millions d'euros, celle de Leclerc à 38 millions.
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