Reportage
"Je ne sais pas du tout combien ça va coûter" : pourquoi le prix d'une recharge d'une voiture électrique passe parfois du simple au double sur la même borne ?

Si la plupart des recharges de véhicules électriques se font au domicile ou au travail, les stations de recharge publiques sont essentielles sur la route des vacances.

Article rédigé par Anne-Lyvia Tollinchi
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
D'une station publique de recharge électrique à une autre, les prix fluctuent. (ALEX MARTIN / AFP)
D'une station publique de recharge électrique à une autre, les prix fluctuent. (ALEX MARTIN / AFP)

Comment s'y retrouver ? Alors que de nombreux Français vont prendre la route des vacances, et pour certains en voiture électrique, Franceinfo se penche sur le fonctionnement des 168 000 stations de recharge électriques publiques qui proposent des prix très différents. Des usagers dénoncent les tarifs illisibles des stations publiques de recharge électrique.

Les bornes de recharge publiques à proximité s'affichent sur le GPS de la voiture de Pascal Hureau, président de la Fédération française des associations d'utilisateurs de béhicules électriques (FFAUVE). "Là, nous arrivons à une station avec deux types de bornes, rapides ou un peu plus lentes, ce sont celles qui sont en bas", indique celui qui, à chaque vacances, fait le trajet Paris-Suisse-Italie en voiture électrique. Cette borne, de la marque Electra, est située dans une zone de bureaux, en région parisienne. Contrairement aux stations essence, les prix ne sont pas visibles de loin dans la majorité des stations électriques. Il est donc impossible de les connaître sans s'arrêter.

Cinq tarifs différents sur une même borne

Une fois devant la borne, il faut choisir son moyen de paiement. Les conducteurs peuvent payer par carte bleue ou utiliser une application sur le téléphone. "C'est plus cher en général par carte de crédit", affirme Pascal Hureau. Un moyen pour la station d'inciter les consommateurs à télécharger son application mobile. Pour réduire les coûts, il est aussi possible de prendre un abonnement, qui réduit le coût de la recharge rapide. "Il y a une alternative encore moins chère, ajoute Pascal Hureau. Celle de la recharge lente. Des supermarchés par exemple proposent une recharge gratuite pendant une heure, c'est-à-dire que votre voiture se recharge le temps que vous fassiez vos courses. Ou alors des collectivités proposent de la recharge lente sur des places de stationnement. Dans ces cas-là, elles peuvent ajouter des frais de stationnement supplémentaires à la fin de la recharge pour éviter qu'une voiture monopolise la borne". Conséquence : cinq tarifs différents sont affichés à la même borne.

Pascal Hureau, président d'une fédération d'usagers de voitures électriques. (ANNE-LYVIA TOLLINCHI / RADIO FRANCE)
Pascal Hureau, président d'une fédération d'usagers de voitures électriques. (ANNE-LYVIA TOLLINCHI / RADIO FRANCE)

Parmi les 168 000 points de recharge publics, une large partie appartient à la marque de véhicules électriques Tesla , qui possède l'un des plus gros réseaux de stations en France. "Vous avez une communication de quelques secondes entre la borne et la voiture. Mon compte bancaire est directement reconnu par Tesla", explique Pascal Hureau. Le système paraît donc plus simple mais ici, les tarifs fluctuent en fonction des heures de la journée."Si vous venez à minuit par exemple, ils descendent les prix pour inciter les gens à venir en dehors des heures de pointe", expose le président de la fédération d'usager. Les prix varient entre 14 et 33 euros pour recharger la moitié du véhicule, c'est-à-dire 50% de la batterie.

"Dérapages tarifaires"

Certaines bornes n'acceptent pas les cartes bancaires, ce qui peut s'avérer compliqué lors des longs trajets. Il faut être muni de cartes de mobilité, des pass fournis par le constructeur de la voiture, des collectivités territoriales ou encore une marque de station-service. Ces cartes coûtent quelques euros et sont parfois même gratuites. Il en existe plus d'une vingtaine qui fonctionnent à toutes les bornes mais qui ne débloquent pas le même tarif.  

"Là, la borne n'affiche rien... Je ne connaîtrai le prix qu'après-coup, il n'y a pas moyen d'estimer", regrette une automobiliste dans une station Engie sur l'autoroute. "Je ne sais pas du tout combien ça va coûter", abonde un conducteur qui vient de "badger" avec son pass."Ce serait quand même un avantage si le tarif était le même partout", souligne également un usager.

Il existe 168 000 points de recharge publics en France. (ANNE-LYVIA TOLLINCHI / RADIO FRANCE)
Il existe 168 000 points de recharge publics en France. (ANNE-LYVIA TOLLINCHI / RADIO FRANCE)

Aucun d'entre eux n'a payé sa recharge le même prix, car ils ont des cartes différentes. "La rentabilité de ces opérateurs de cartes repose sur la marge qu'ils réalisent lorsque vous rechargez", explique Lucile Buisson, chargée de mission énergie à l'UFC-Que Choisir.

"Ce sont les marges des opérateurs de cartes de recharge qui amènent à ces dérapages tarifaires."

Lucile Buisson, UFC-Que Choisir

à franceinfo

Certains utilisateurs ont donc plusieurs cartes sur eux. "Ils vont utiliser la carte qui, sur cette borne en question et à cette heure en question, va leur donner le meilleur tarif", poursuit Lucile Buisson. L'UFC-Que Choisir demande que la carte bancaire soit acceptée dans toutes les stations pour simplifier les choses et surtout pour les conducteurs qui louent une voiture électrique pendant les vacances et découvrent ce système.

Un budget carburant "divisé par trois"

Cette opacité tarifaire est aussi pointée du doigt par l'Autorité de la concurrence, qui préconise d'installer de grands panneaux pour afficher le prix de la recharge, comme le font les stations essence. La question d'appliquer un tarif unique à chaque borne de recharge se pose également. Mais cette fluctuation de prix est pourtant un "avantage pour les utilisateurs", estime le délégué général de l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere). Cette fédération regroupe tous les acteurs de la mobilité électrique, notamment les constructeurs et les équipementiers. "Aujourd'hui, on a beaucoup de réseaux et d'acteurs, donc il y a une concurrence qui permet à l'utilisateur de choisir", poursuit Clément Molizon.

"Soit je choisis la simplicité, soit je choisis le service le moins cher. Et dans ce cas-là effectivement, il faut passer un peu plus de temps à regarder." 

Clément Molizon, délégué général de l'Avere

à franceinfo

La recharge publique représente "peu de recharges dans l'année", souligne également le délégué général de l'Avere. "On se recharge beaucoup chez soi et au travail donc on a quand même un budget carburant qui est divisé par trois". En moyenne, un conducteur de voiture électrique paie 37  euros par mois pour se recharger, selon l'Avere, loin des 105 ou 110  euros mensuels des propriétaires d'un moteur essence ou diesel.

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