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Reportage
Nettoyer, replanter, diversifier… Comment ressusciter les forêts après un incendie
Franceinfo s'est rendu dans l'Aude et l'Hérault, dans trois forêts frappées par les flammes pour comprendre comment la vie repart et quelles actions peuvent être menées pour l'aider à se reconstruire et la préserver.
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Première étape dans les Corbières : dans l'Aude, ravagée en août 2025 par le plus grand incendie en France depuis des décennies, 17 000 hectares ont été parcourus par les flammes. Il faudra des décennies pour effacer les traces du feu. La terre est toujours noircie à perte de vue, des arbres brûlés par milliers, des rangées de vignes calcinées et au milieu de ce paysage lunaire, la petite commune de Coustouge, où vit Maryline. Quand on lui demande comment elle va, elle lâche un long soupir. "Il n'y a pas de mots, dit-elle. J'en ai encore un peu les larmes aux yeux."
Car la forêt qu'elle a toujours connue a disparu. On aperçoit bien quelques petites touffes d'herbe verte, mais deux mois après l'incendie, le paysage n'a presque pas changé. "Je voyais la montagne derrière chez moi, toute sa pinède, cette végétation, ces fleurs, toutes ces choses-là , se souvient Maryline. Et maintenant, j'ouvre ma fenêtre le matin et qu'est-ce que je vois ? Une montagne complètement brûlée. Du noir tous les matins. C'est horrible. Vivement que tout ça parte et que ça redevienne vert comme avant".
Un long processus de régénération
Deuxième escale à Ribaute, à une quinzaine de kilomètres. À l'endroit exact où le feu s'est déclenché, au bord d'une route départementale, le maire de la commune, Alain Coste, explique que la priorité est désormais de nettoyer cette forêt. "L'urgence, souligne-t-il, c'est d'abattre tous ces arbres qui sont là et qui vont pourrir, sinon, sur pied. Ça mettra des décennies. C'est un travail énorme. Ça va être engagé assez rapidement. Il faudra créer des pistes pour pouvoir accéder justement à tous ces massifs et par la suite, peut-être des plantations, pas forcément partout, pour essayer de faire quelque chose le plus intelligemment possible." L'Office national des forêts (l'ONF) doit justement présenter dans les toutes prochaines semaines un plan pour commencer à régénérer le paysage.
Dernier exemple dans l'Hérault, avec l'ONF qui nous conduit sur les pistes du massif de la Gardiole, au sud de Montpellier, où plus de 300 hectares de pinèdes ont brûlé il y a un an.
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Ici, comme ce sera fait par endroits dans l'Aude, les arbres morts ont été abattus. Il reste une montagne quasiment nue, mais aussi un timide retour de la vie. Christophe Chantepy, spécialiste des incendies à l'Office national des forêts, fait la visite guidée : "Ça, c'est du pistachier térébinthe. On a un peu de chênes kermès qui commencent à repartir. Et puis on peut entrevoir au pied de ce qui reste comme végétation calcinée, du chêne vert qui commence à repartir également. Le temps forestier est du temps long, ça revient progressivement.
"Si on a une forêt de 70 ans qui a brûlé, dans le meilleur des cas, c'est dans 70 ans qu'on aura des arbres, de la qualité, de la stature de ceux qu'il y avait avant que ça brûle."
Christophe Chantepy, spécialiste des incendies à l'ONFà franceinfo
La forêt mosaïque, replanter en diversifiant
Mais on peut accélérer ce long processus en replantant. C'est ce qui a été fait un peu plus loin sur une autre parcelle incendiée, celle-là, il y a dix ans. Là, on commence à voir ce qui ressemblera plus tard à une forêt. Les jeunes arbres mesurent pour la plupart une cinquantaine de centimètres, certains atteignent 1,5 mètre, pas plus. Mais c'est déjà bien, selon Julien Carette de l'ONF, qui explique que planter "va peut-être hâter la forêt". "On va gagner des années. Si on ne fait rien, la nature finira par reprendre ses droits. Elle mettra cinq, dix, quinze ans."
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L'enjeu, c'est aussi de recréer une forêt plus résistante. L'ONF n'a donc pas replanté à l'identique. Ici les seuls pins d'Alep et leurs épines inflammables ont été remplacés par des cyprès, des frênes à fleur, des oliviers ou des micocouliers. C'est ce qu'on appelle une "forêt mosaïque". Et selon Julien Carrette, c'est ça le plus important : "diversifier les essences". "Dans le lot, au lieu de mettre une seule essence si on en met cinq, s'il y en a deux qui sont en difficulté, il en restera toujours trois dans la course. Alors que si on en met qu'une et qu'on fait le mauvais choix, il n'y aura plus rien dans la course."
Une forêt plus solide, en meilleure santé, qui affrontera mieux les futurs incendies, voilà aussi ce que réclament les élus dans l'Aude pour ne pas voir de nouveau des milliers d'hectares s'embraser en quelques heures seulement.
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