Les mauvaises pratiques des compagnies d'assurances pour éviter de payer les indemnisations
De nombreuses personnes ont dû faire face à un refus d'indemnisation ou à des sommes, moins importantes que prévu, versées par l'assurance lors d'un sinistre.
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Un dégât des eaux, un cambriolage, une toiture qui s'envole : les dégâts couverts par les assurances habitations sont nombreux. À condition toutefois d'avoir choisi le bon contrat avec son assurance. Les récentes inondations dans l'ouest de la France le rappellent aux sinistrés. Lionel Maugain, de l'UNAF, l'Union nationale des associations familiales, décortique dans une enquête les pratiques des assureurs pour éviter d'avoir à payer la note.
franceinfo : Les compagnies d'assurances ne sont pas philanthropes, il y a même parfois beaucoup de cynisme.
Lionel Maugain : Il y a beaucoup de cynisme, surtout quand le pépin est important. Pour les sinistres de moindre ampleur, en réalité, tout se passe bien. Ça se passe par téléphone, sur devis, en dessous de 1 500 euros environ, il n'y a pas beaucoup de problèmes. C'est quand le sinistre atteint 5 000, 10 000, 30 000 euros que là, on se rend compte que les assureurs vont rechigner à indemniser correctement les sinistres.
Dans cette enquête, vous parlez de la règle proportionnelle. De quoi s'agit-il ?
Est-ce que vous saviez que lorsque vous avez une pièce de plus de 40 mètres carrés dans votre logement, en réalité, il faut en déclarer deux ? Quand le sinistre survient, l'assureur pourra ressortir votre déclaration et considérer que vous n'avez pas fait une bonne déclaration. Puisque, au-delà de 40 mètres carrés, il aurait fallu en déclarer deux, et même trois, si vous avez une pièce de plus de 80 mètres carrés. Il va alors réduire en proportion l'indemnisation.
Il y a le problème des délais aussi. Il faut aller vite pour déclarer un sinistre, mais on s'aperçoit que la rapidité n'est pas franchement la qualité première de certains assureurs.
Oui, d'autant moins que rien n'est encadré en réalité. Vous avez cinq jours pour déclarer le sinistre, et puis après, c'est un peu l'inconnu puisque c'est l'assureur qui va décider de traiter votre dossier dans des délais que lui seul utilise. Ensuite, il va décider ou non d'envoyer un expert, il va décider ou non de suivre le rapport d'expert et in fine, c'est lui qui décide ou non de vous indemniser. Et donc il y a un vrai déséquilibre entre la relation du sinistré qui est déjà dans une période de désarroi et celui de l'assureur qui va faire traîner en longueur.
Les expertises sont-elles toujours fiables ? Est-ce que les experts sont réellement indépendants économiquement ?
"Les experts ne sont pas indépendants, ils sont missionnés par les assureurs. En réalité, c'est un marché où il y a trois ou quatre grandes sociétés d'expertise en français et elles ont toutes les assureurs sous contrat."
Lionel Maugain, de l'UNAF, l'Union nationale des associations familialesà franceinfo
Dans le contrat, on s'aperçoit qu'il y a des objectifs commerciaux, notamment sur le montant des indemnisations. L'expert ne peut pas faire ce qu'il veut, il est limité. Et ça, évidemment, on ne le sait pas.
C'est quand même assez opaque tout ça. Avec l'UNAF, vous avez formulé un certain nombre de recommandations. Quelle est la priorité selon vous ? Qu'est-ce qui doit changer ?
Ce qui doit changer, c'est la visibilité et l'équilibre. Il nous faut des délais inscrits dans la loi pour l'intervention de l'assureur, pour l'intervention de l'expert. Il faut que l'expert puisse rendre son rapport dans un délai qui serait par exemple de 15 jours et que cela aille beaucoup plus vite qu'aujourd'hui. Et qu'on ait droit, en effet, à une contre-expertise qui soit financée par l'assureur si on n'est pas satisfait de la première expertise.
Dans l'Ouest, beaucoup de foyers qui sont en plein désarroi avec les inondations. Est-ce que vous auriez un conseil à donner lorsqu'on est confronté à un sinistre ?
D'abord, demander au maire de rapidement demander un état de catastrophe naturelle, ce qui permet de bénéficier justement de délais encadrés d'intervention des assureurs. Ensuite, des conseils qu'on peut donner, c'est de conserver toutes les preuves de l'achat de ces biens, des factures, des photos, tout ce qui pourra démontrer que vous avez bien perdu ce type de biens.
Avec la multiplication des dégâts climatiques, est-ce qu'il faut s'attendre à une augmentation des primes d'assurance dans les années à venir ?
On l'a déjà en 2025. On a subi une augmentation de 12 à 20% des multirisques habitations. Le risque à venir est plutôt celui de l'accès à l'assurance, parce qu'au bout d'un moment, on ne pourra plus payer ces sommes-là. Et les assureurs voudront, comme c'est le cas dans certaines collectivités locales, se désengager de certains territoires particulièrement exposés aux sinistres. Et là, ce sera assez catastrophique pour les habitants puisqu'on ne pourra plus assurer sa maison et donc elle ne vaudra plus grand-chose.
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