Discours de Sébastien Lecornu et suspension de la réforme des retraites : une victoire pour le PS mais aussi pour la CFDT

La CFDT est la seule à avoir été citée par Sébastien Lecornu dans son discours. Alors qu’il y a encore quelques mois, lors du "conclave retraite", elle était prête à accepter un âge légal à 64 ans en échange d’aménagements, elle voit une possibilité d'inversion de rapport de force face au Medef.

Article rédigé par Fanny Guinochet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, lors d'une journée nationale de protestation intersyndicale, à Paris, le 2 octobre 2025. (YOAN VALAT / EPA/ MAXPPP)
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, lors d'une journée nationale de protestation intersyndicale, à Paris, le 2 octobre 2025. (YOAN VALAT / EPA/ MAXPPP)

Le Premier ministre a évité la censure des socialistes, mardi 14 octobre, en suspendant la réforme des retraites. Mais il a prévenu toutefois que cela aura un coût pour les finances publiques : 400 millions d'euros l'an prochain et 1,8 milliards en 2027. Sébastien Lecornu a donc ajouté qu'il faudra compenser avec des mesures d'économies : charge aux partenaires sociaux de trouver lesquelles.

Dans ces grandes manœuvres, chez les partenaires sociaux, il y a clairement des gagnants et des perdants. Pour la CFDT, c'est une victoire, car la suspension immédiate de la réforme des retraites Borne porte "tant sur la mesure d'âge que sur la durée de cotisation". Il y a quelques semaines, la CFDT n'en attendait pas tant : elle ne demandait pas la suspension de la durée de cotisations. C'est le parti socialiste qui est monté au front sur ce point.

Un geste envers la maternité, un sujet porté par Marylise Léon

Concernant les aménagements de la réforme des retraites, l'âge de départ sera donc bloqué à 62 ans et 9 mois jusqu'à 2028, et des gestes en faveur des femmes ont été évoqués. Sébastien Lecornu n'a pas précisé lesquels, mais il a assuré qu'il était "inutile d'attendre" concernant les avantages que les femmes ont perdus au titre de la maternité lors de la réforme Borne. Là aussi, c'est un geste à l'égard de la CFDT, Marylise Léon ayant été fer de lance pour défendre ce sujet.

Le Premier ministre prendra probablement les mesures sur lesquelles patronat et syndicats sont tombés d'accord au printemps, dans le conclave : la prise en compte, pour le calcul des pensions du privé, des 24 meilleures années de carrière pour les femmes qui ont eu un enfant - au lieu de 25 - et des 23 meilleures pour celles qui en ont eu deux ou plus. Ces dispositions peuvent donner lieu à un amendement gouvernemental dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale.

La retraite universelle par points, un vieux combat

Quant à la retraite par points, le sujet revient donc dans le débat. Ce dispositif ne prendrait plus en compte l'âge mais définirait votre pension en fonction de la valeur du point. Or, c'est le combat de la CFDT depuis des années. Emmanuel Macron avait d'ailleurs défendu ce système en arrivant à l'Élysée en 2017 mais avait échoué à le mettre en œuvre. Il faut dire que la bascule vers ce type de régime unique est particulièrement complexe : entre les indépendants, les agriculteurs, les salariés, les fonctionnaires, la France compte plus de 40 systèmes de retraite. On se souvient qu'en 2018, Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire pour mener ce chantier, avait dû démissionner.

En revanche, le patronat sort perdant. Le Medef a toujours été plus favorable au report de l'âge, mesure paramétrique qui rapporte le plus au système des retraites. Par ailleurs, le patronat se retrouve de nouveau confronté à la perspective d'une conférence sur le travail et la retraite. Il va falloir tout remettre sur la table, y compris l'usure et la pénibilité, un sujet que combat depuis des années le Medef, mais que la CFDT porte. Rappelons que c'est sur ce sujet que le conclave a échoué au printemps. En attendant, le déficit des retraites promet, lui, de se creuser encore un peu plus.

En ce sens, Sébastien Lecornu lance une conférence sur les retraites et le travail dans les prochaines semaines, avec des premières conclusions attendues au printemps prochain. Les syndicats espèrent y aborder des thèmes plus larges, comme la pénibilité et les carrières longues. La CFDT et la CFTC plaideront également pour le régime universel par points, quand le patronat en profitera sûrement pour relancer le débat sur la capitalisation.

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