Accusations de violences à Bétharram : François Bayrou "savait ce que tout le monde savait en lisant la presse quotidienne régionale", estime l'avocat d'une victime
Le Premier ministre et maire de Pau est accusé par Mediapart d'avoir été informé de faits de violences physiques et sexuelles au collège-lycée Notre-Dame de Bétharram sans les dénoncer, ce qu'il conteste fermement. Pour Thierry Sagardoytho, avocat d'une victime, "François Bayrou n'apparaît à aucun moment dans le dossier criminel".
Depuis un an, le parquet de Pau a ouvert une enquête sur des faits présumés d'agressions et de viols mettant en cause plus de vingt adultes au collège-lycée Notre-Dame de Bétharram, dans les Pyrénées-Atlantiques, entre les années 1970 et 2000. Les enfants de François Bayrou y étaient scolarisés dans les années 1990. Le site Mediapart affirme que François Bayrou avait connaissance de certains faits, ce qu'il a nié par deux fois à l'Assemblée nationale. Pour Thierry Sagardoytho, avocat en charge du premier dossier de plainte pour viol contre l'établissement Bétharram en 1998, François Bayrou "savait ce que tout le monde savait en lisant la presse quotidienne régionale".
franceinfo : François Bayrou pouvait-il à cette époque ne pas avoir connaissance d'une affaire d'aggressions et de viols ?
Maître Thierry Sagardoytho : Il faut savoir que les affaires commencent en 1996, avec une première plainte d'un parent d'élève dont le gamin a essuyé une gifle violente qui lui a crevé le tympan. Cette affaire a été jugée en correctionnelle un an plus tard. En 1998, alors que François Bayrou n'est plus ministre de l'Éducation nationale [il est toutefois président du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, jusqu'en mars 2001], le parquet de Bordeaux transmet au parquet de Pau une deuxième plainte. Cette fois, il s'agit d'une plainte pour viol concernant un enseignant-curé de l'établissement, déposée par un mineur qui à l'époque avait 15 ans, pour des faits commis environ une décennie plus tôt. L'affaire de 1998, qui est celle qui échauffe actuellement les esprits, est une affaire qui a donné lieu à une réaction immédiate de la justice. Le père Pierre Silviet-Carricart fut mis en examen, incarcéré, remis en liberté et l'instruction s'est poursuivie pendant près de trois ans. Elle a dû malheureusement tourner court parce que lorsqu'une seconde plainte a été officialisée, le père Carricart s'est suicidé à Rome [en février 2000]. François Bayrou savait-il ? Il faut voir ce que veulent dire les mots exactement. Il savait, à mon sens, ce que tout le monde savait en lisant La République des Pyrénées ou Sud-Ouest, c'est-à-dire la presse quotidienne régionale. Ces organes de presse se sont fait l'écho des enquêtes judiciaires en cours. En revanche – et là, je peux en témoigner parce que j'étais l'avocat de la première victime dans l'affaire de viol –, François Bayrou n'apparaît à aucun moment dans le dossier criminel. Il n'est plus ministre de l'Éducation nationale, il n'est pas victime, il n'est pas partie civile. Il n'a strictement rien à voir.
"À aucun moment le dossier judiciaire de l'époque ne comporte la patte ou l'ombre de François Bayrou."
Thierry Sagardoythoà franceinfo
Le Premier ministre a néanmoins dit, devant l'Assemblée, qu'il n'était au courant d'aucun fait.
Tout ce qu'on révèle aujourd'hui sur des châtiments corporels à Bétharram, c'était connu. C'était même, j'allais dire, la charte éducative de l'établissement. Tout le monde savait que les élèves incorrigibles allaient finir là-bas et subir l'épreuve du perron : en caleçon, sur le bord du gave, de nuit. Tout ça se savait. C'était relaté dans la presse. Donc, que François Bayrou l'ait su, c'est tout à fait normal. S'il s'agit de dire qu'il avait connaissance du dossier judiciaire, je comprends qu'il n'en connaissait rien puisqu'il n'avait rien à en connaître. Sinon, on aurait évidemment dénoncé une pression du politique sur le judiciaire. J'ai connu de façon très proche le juge d'instruction qui avait ce dossier à l'époque en main. Jamais il n'aurait toléré que François Bayrou ou quiconque vienne marcher sur ses plates-bandes et fasse pression sur le dossier judiciaire dont il avait la charge [Le juge d'instruction en charge du premier dossier de viol, Christian Mirande, assure avoir vu François Bayrou à sa demande en 1998, sans entrer dans le secret de l'instruction].
A-t-il, selon vous, à un moment, manqué à ses obligations d'élu concernant cette affaire, comme le dénoncent l'opposition et certaines victimes ?
En 1998, François Bayrou n'est plus ministre de l'Éducation nationale, c'est Claude Allègre, c'est un socialiste. Alors, entendre aujourd'hui la gauche vitupérer sur le silence ou l'inaction du ministère de l'Éducation nationale, c'est franchement hypocrite. Ça pue la récupération politique parce qu'à l'époque, c'est Claude Allègre. De mémoire, je me souviens qu'aucune inspection disciplinaire ou aucune enquête de l'Inspection générale de l'Éducation nationale n'a été déclenchée.
"La justice paloise, dès que la plainte pour viol a été signalée, a immédiatement réagi."
Maître Thierry Sagardoythoà franceinfo
Il n'y a pas eu de temps mort, il n'y a pas eu de silence. Je me souviens que le père Carricart fut mis en examen dans des délais très rapides. Il a été remis en liberté par la Cour d'appel qui estimait que les faits étaient anciens et qu'il n'y avait qu'une seule victime. Aujourd'hui, il y a 112 plaintes sur le bureau du procureur de Pau, nous dit-on, 112 plaintes. À l'époque, j'ai été l'avocat de la première victime et il a fallu deux années pour que les gendarmes de la section de recherches de Pau, qui n'étaient pas des débutants, trouvent une seconde victime. Faisons attention à ne pas juger la période des années 1995-1998 à travers ce que l'on sait aujourd'hui.
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