"C'est un travail qu'il avait commencé avec joie" : la veuve d'Herbert Léonard sort un album posthume du chanteur

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 15 octobre 2025, la veuve du chanteur Herbert Léonard, Cléo pour la sortie de l'album posthume "Je voudrais te parler de moi".

Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Herbert et Cléo Léonard, le 29 mars 2016. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)
Herbert et Cléo Léonard, le 29 mars 2016. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

Cléo Léonard  a été la seule et unique épouse d'Herbert. Elle a été son pilier pendant 57 années de vie commune. Jusqu'à son dernier souffle, son mari a écrit et chanté. Il travaillait sur un album quand il a tiré sa révérence, le 2 mars 2025. Un album écrit comme une lettre d'amour, que Cléo a décidé de sortir de façon posthume. Huit titres qui le ramènent un peu parmi nous. 

franceinfo : Cet album est-il le moyen de faire perdurer l'œuvre d'Herbert Léonard et de le maintenir parmi les vivants ?

Cléo Léonard : Oui, et puis c'est un travail qu'il avait commencé avec joie, avec plaisir. Et il a mis du temps à faire, parce qu'il tenait à un technicien plutôt qu'à un autre, parce qu'il y avait des périodes il était moins en forme... Ce n'est pas le genre d'album qu'on fait en deux mois ou en deux semaines, mais il ne faisait pas le forcing non plus. Il avait le temps de le faire, il était content. Il a fait un mix de chansons déjà enregistrées ou d'autres plus anciennes qui n'avaient pas été exploitées, et deux trois choses nouvelles, dont un ou deux titres qu'il aimait particulièrement.

En 1967, vous le rencontrez à 24 ans, il en avait 22, et vous étiez tous les deux chanteurs. Ça a été un coup de foudre ?

Ça a été un coup de foudre. Quand on m'a fait écouter le premier disque Des Mots, qui n'était pas terminé, j'ai pris en pleine tête la qualité, la puissance, la force, le son de la voix. Et quand on m'a dit que c'était un des musiciens qui avait fait des séances chez moi, j'ai été vraiment surprise. Mauvaise langue comme je suis, j'ai pensé que c'était du studio, parce que sur scène, ça va être dur de balancer comme ça. Et puis, quand je l'ai vu quelques semaines plus tard, dans les ruines de Provins, Michel Arnaud faisait une émission annuelle, je l'ai vu répéter, et j'en ai pris vraiment plein la tête. Parce que c'était parfait, c'était une voix, un rythme décalé, un chanteur de blues.

Quand vous le rencontrez, vous n'avez pas du tout l'intention de vivre avec lui, et Mai 68 arrive.

Il n'y avait plus de train, plus de bus, les taxis refusaient de sortir de Paris, et j'allais à Maison-Lafitte. J'étais comme une imbécile, j'ai fait demi-tour. Je lui ai dit : "Je reste dormir parce que je ne peux pas rentrer." J'étais admirative du son de la voix, mais ça ne suffit pas. J’étais assez attirée par un caractère un peu introverti, moi qui suis plus extravertie. C'est le garçon que j'ai trouvé intéressant.

Vous avez mis 37 ans pour vous marier. Après vous être rencontrés en 1967, vous vous êtes mariée en 2004. C'est vous qui aviez du mal à accepter la bague aux doigts ou c'est lui qui a eu du mal à se déclarer ?

Pas du tout. Ça ne nous est pas venu à l'esprit, ni à l'un, ni à l'autre. On était des soixante-huitards. On a été bercés avant 68 par la libération sexuelle, par la libération des mœurs, et 68 qui arrive par-dessus. Est-ce que le ménage se fait plus facilement si vous avez un anneau aux doigts ? Non, alors quel intérêt. Au bout de 37 ans, il m'a mis un petit mot : "Et si on se mariait ?". Et on s'est mariés.

Sur le papier, tout est rose mais vous avez avoué qu'il y a eu des moments très difficiles. Vous avez accepté ses infidélités ?

J'ai ignoré. Je ne sais pas oublier, je ne sais pas pardonner. On part du principe que, quand il passe la porte, le reste demeure dehors.

Il a toujours dit que vous lui avez énormément apporté...

J'ai apporté une fille déjà. Il faut voir la bête ! J'ai apporté une fille formidable, merveilleuse.

Et si vous deviez définir Herbert Léonard ? 

C'est un Alsacien pure souche, vraiment "pure laine", comme on dit là-bas, c'est-à-dire assez introverti, assez timide, jamais exubérant. Mais en même temps, il y a de la rigueur, du sérieux, quand il travaille, ça le rend heureux, quand il chante sur scène, ça peut le rendre heureux aussi. Mais je crois que ce qu'il aimait encore plus, c'était la création en studio, parce que là, il y a une osmose véritable avec l'auteur, le compositeur, le technicien, l'arrangeur, les musiciens. C'est un garçon qui aurait aimé toute sa vie je crois être dans un groupe.

Un titre va faire basculer sa vie, en 68, c'est Quelque chose tient mon cœur.

Ça a été la clé de voûte de son premier album, qui était un vraiment un chouette album de chansons rhythm and blues. Pour moi, il y a trois grands albums dans la vie d'Herbert, et celui-là est le premier dans le temps. Et il est très attachant.

Il y a eu une parenthèse, cet accident de voiture en 70 qui va marquer son visage pendant longtemps. Est-ce que ça a changé son regard sur la vie ?

Oui, parce que ça démarrait très bien pour lui et tout d'un coup, quand vous avez la gueule à l'envers, parce qu'il y avait des coutures partout sous la paupière etc. - c'était un peu Frankenstein - vous perdez quasiment un an et après, il faut revenir.

En 1980, il va rencontrer un jeune compositeur, Julien Lepers. De cette collaboration va naître Pour le plaisir, 1 400 000 copies vendues. Ça va être un raz-de-marée. Aujourd'hui on est à plus de 3 millions.

On est passé de 500 par jour à 4 500 ou 5 000 par jour, pendant des semaines et des semaines. On était sidérés, puis tellement contents. Herbert avait décidé de ne pas rechanter mais comme il n'aurait rien refusé à Vline Buggy, il est allé et j'ai cru qu'il n'allait pas revenir. Il était tellement scotché par les musiques que Julien avait apportées, qu'il avait oublié toutes les dispositions qu'il avait prises dans sa tête pour ne pas recommencer.

Personne ne voulait la sortir à cette chanson au début ?

Personne ! Ils ont fait des maquettes sérieuses. Elle a fait le tour de tous les producteurs, de toutes les maisons de disques, tous les distributeurs, elle s'est fait rembarrer poliment. Au bout d'un moment, elle a dit : "Je vais casser ma tirelire, je vais produire". Et ça a été un énorme carton, c'est l'un des plus grands tubes encore aujourd'hui.

L'album se termine par le titre On n'oubliera jamais. Herbert chante "On n'oubliera jamais ses moments partagés et nous, on y croyait", c'est une promesse que vous lui faites ?

C'est la chanson en trio, avec Barzotti et Lafon. Je pense qu'on oublie forcément les gens, une fois que ceux qui les aimaient meurent. Les générations nouvelles ne savent pas qui est Herbert Léonard. Mes petits-enfants qui ont 25 ans connaissent, mais c'est leur grand-père. Ils savent très bien que leurs copains de classe ne connaissent pas.

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