Diane Kurys raconte l'idylle entre Simone Signoret et Yves Montand : "C'est passionnant d'écrire sur la vie des autres"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 1er octobre 2025, la réalisatrice Diane Kurys. Son nouveau film, "Moi qui t'aimais", sort aujourd'hui au cinéma.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La réalisatrice Diane Kurys, le 26 juin 2025, à La Baule. (LOIC VENANCE / AFP)
La réalisatrice Diane Kurys, le 26 juin 2025, à La Baule. (LOIC VENANCE / AFP)

C'est d'abord en prenant la lumière sous le feu des projecteurs sur scène et en tant que comédienne, que Diane Kurys a débuté au théâtre et au cinéma avec un petit rôle dans le film Casanova de Federico Fellini en 1976, mais ça ne l'a pas amusé très longtemps et elle a été rattrapée par l'écriture ce qui lui a permis de raconter ses histoires, et même la sienne avec Diabolo menthe. Suivront Coup de foudre ou encore La Baule-les-Pins avec une famille qui se déchire pendant ses vacances. Le 1er octobre 2025 sort son dernier long-métrage, Moi qui t'aimais, avec Roschdy Zem et Marina Foïs, un gros plan sur la relation et l'idylle devenue désillusion, et même déchéance entre Yves Montand et Simone Signoret, un couple aussi différent qu'amoureux pendant 30 ans. L'histoire d'amour a débuté par un coup de foudre survenu en 1949 à Saint-Paul-de-Vence et puis Marilyn Monroe s'est invitée dans cette histoire, ce qui l'a marqué à vie.

franceinfo : Ce qui est incroyable dans ce film, c'est que vous mettez vraiment le doigt sur une autre époque, sur une époque où la femme était totalement soumise, malgré une histoire d'amour fulgurante, malgré une histoire d'amour partagée.

Diane Kurys : Oui, bien sûr que c'est une autre époque. C'est une époque où on autorisait les hommes à être des machos. Aujourd'hui, on ne lui pardonnerait pas, elle ne lui pardonnerait pas ses infidélités. Je pense qu'elle se révolterait plus tôt et plus fort. On savait que Montand était volage, mais on n'imaginait pas qu'il était aussi volage que ça et qu'il l'a quand même bafouée, souvent bafouée avec Marilyn, c'est terrible. C'est le pire qu'on peut faire à une femme et à une actrice, le monde entier est au courant. Il n'y avait même pas les réseaux sociaux, mais la presse internationale en faisait sa une partout dans le monde et c'était une femme très forte.

"Quand j'ai eu l'idée de faire le film, c'était beaucoup pour Simone Signoret, c'était beaucoup pour l'image qu'elle dégageait."

Diane Kurys

à franceinfo

J'avais l'impression effectivement que c'était une femme très forte qui prenait la parole, ce qu'on appelait une grande gueule. Elle était intelligente et ce couple-là était très emblématique et on leur demandait de signer des pétitions. Ils étaient extrêmement connus et extrêmement aimés du public, alors l'idée était aussi d'aller un peu regarder derrière l'image quelle était la réalité.

Ils ont vécu 30 ans ensemble. C'est une énorme histoire d'amour, il le dit d'ailleurs même quand il y a une histoire avec Marilyn Monroe, qu'il ne quittera pas Simone Signoret parce qu'il ne peut pas vivre sans elle. C'est très étonnant ce qu'on découvre.

C'est une histoire d'amour, dans la plupart de mes films, je me questionne sur l'amour. J'en fais des portraits différents, soit, c'est moi, soit, c'est ma famille, soit c'est des personnages connus, Sagan, George Sand. Je fais des portraits de femmes très souvent et je pense que c'est la grande question, l'amour. Pourquoi on se rencontre ? Pourquoi on s'aime ? Pourquoi on ne s'aime plus ? Pourquoi on se sépare ? Pourquoi, au contraire, on reste ensemble ? Tout ça, je pense que ça fait tourner le monde et ça questionne autant que la politique. Et eux, ils sont politiques et l'amour.

Vous n'avez jamais cessé d'aimer le cinéma. Pourtant, vous avez commencé comme comédienne, mais rapidement, ça ne vous amusait plus d'être comédienne. Qu'est-ce qui fait que ça bascule ?

La frustration, je pense. J'étais une petite comédienne, je n'avais pas le talent peut-être que j'imaginais que j'avais. J'ai travaillé beaucoup, j'ai fait beaucoup de télévision, beaucoup de théâtre, un peu de cinéma. Au bout d'un moment, je me suis dit, ce que j'ai envie d'exprimer ne viendra pas par là, je ne serai pas cette personne. Donc je me suis dit, il faut que je m'échappe de ce métier, il faut que je m'en sorte. C'est passé par l'écriture et j'ai écrit sous forme d'un petit roman, ce qui est devenu Diabolo menthe et ça m'a permis de devenir cinéaste. Je ne l'ai pas vraiment voulu, mais j'avais goûté à cette excitation, à ce plaisir, de découvrir qu'il y avait un métier qui me plaisait et qui était probablement un des plus beaux du monde. Comme le film a eu beaucoup de succès, j'ai continué et après, je n'ai plus lâché. Je ne suis jamais retourné de l'autre côté de la caméra.

Dans les portraits de femmes que vous dressez, j'ai l'impression qu'elles ont toujours un petit truc à vous qui vous correspond ?

Je pense que j'ai pris modèle sur ma mère. J'avais une mère très indépendante. Elle a quitté mon père quand j'avais cinq ans, elle a pris ses deux enfants sous le bras et elle est montée à Paris, comme on disait. Elle n'avait pas d'argent, pas de métier et elle a pensé que sa liberté, son indépendance, son émancipation étaient plus importantes que tout, y compris le petit bonheur familial qu'au fond, elle ne vivait pas. Je pense que je suis dans cette lignée-là, j'ai toujours été très indépendante, je ne me suis jamais mariée, par exemple. C'est une espèce d'idée que quand on se marie, on divorce, mais ça ne m'a pas empêché d'aimer, de vivre ma vie, d'avoir un enfant.

"Peut-être que les portraits de femmes que je fais, je les fais aussi pour m'identifier un peu et pour que le public les connaisse comme je les connais quand je prépare le film."

Diane Kurys

à franceinfo

C'est passionnant d'écrire sur la vie des autres, pas seulement sur la sienne.

Est-ce que Simone Signoret aurait été Simone Signoret sans Yves Montand et inversement ?

Leurs vies prouvent qu'ils se sont aimés vraiment, profondément. À la fin du film, ils se disent alors que c'est la fin pour elle, sans doute, "Je ne te quitterai jamais". Et en fait, c'est ça le film, ce sont deux personnes qui sont fortes, qui s'opposent, qui se battent, qui se déchirent et qui s'aiment et qui s'aiment et qui s'aiment. C'est pour ça que ça s'appelle Moi qui t'aimais.

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