Du Printemps noir en Algérie à la médaille d'or paralympique, Hakim Arezki raconte son histoire : "La France m'a sauvé"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 17 octobre 2025, le champion paralympique de cécifoot Hakim Arezki. Il publie son autobiographie, "Renaître dans la nuit", aux éditions XO.

Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Hakim Arezki, en décembre 2024, à Paris. (LP/ARNAUD DUMONTIER / MAXPPP)
Hakim Arezki, en décembre 2024, à Paris. (LP/ARNAUD DUMONTIER / MAXPPP)

Pour beaucoup, Hakim Areski est un survivant autant qu'un héros. Médaillé d'or de cécifoot aux Jeux paralympiques de Paris 2024, il a sans conteste été l'un de ceux qui ont marqué cette compétition à la saveur délicieuse. Au premier abord, si on ne connaît pas son histoire personnelle, on se dit qu'elle est belle, qu'elle ressemble à un conte de fées, sauf que, quand on prend connaissance du pourquoi, il a perdu la vue, on vacille. Nous sommes à Azazga, sur ses terres natales de Kabylie pendant les événements du Printemps Noir, donc le 27 avril 2001. Du haut de ses 18 ans, il participe à une marche pacifique pour lutter contre les discriminations envers la communauté berbère. C'est là qu'il va être blessé, échappant de peu à la mort : les gendarmes n'ont pas hésité à tirer à balles réelles. Deux balles vont l'atteindre, une dans les chevilles, l'autre en pleine tête. Les dégâts sont colossaux, le nerf optique est sectionné et il perd la vue. Ce qui aurait dû faire basculer sa vie en cauchemar lui a donné envie d'en faire une force. Il a demandé la naturalisation française et a ensuite intégré l'équipe de France de cécifoot depuis 2009 avec une première médaille d'argent aux Jeux de Londres en 2012 avant l'or, à Paris. Il a décidé de raconter cette histoire dans une autobiographie, Renaître dans la nuit, publiée aux éditions XO, le 25 septembre 2025.

franceinfo : Ce livre est-il une déclaration d'amour à la vie ?

Hakim Arezki : C'est un cri de justice, c'est un cri de mémoire. 2001, c'était censé être une manifestation pacifique. On revendiquait un certain nombre de causes identitaires, notre histoire, notre langue, nos origines, la justice, la liberté d'expression. On était étudiant et ils ont décidé que ça allait être dans l'horreur et le sang, ils ont tiré à balles réelles. C'est un livre d'Histoire.

Vous ouvrez cet ouvrage en remerciant vos filles, votre épouse, vos parents, l'Algérie de votre enfance et vous écrivez, "À ma France". Que représente ce maillot avec ses couleurs bleu blanc rouge ?

Plein de valeurs que je partage, que je porte en moi, que je portais en moi déjà bien avant mon arrivée en France. Et puis cette gratitude éternelle. Je suis arrivé quasiment mort à Orly et en fait la France m'a sauvé. Je l'ai dit, je le redis, ce bouquin aussi est un témoignage de reconnaissance envers cette nation qui m'a sauvé.

Votre récit s'ouvre sur l'émotion intense, vécue et partagée avec un stade rempli de 13 000 personnes au pied de la Tour Eiffel et des millions de téléspectateurs. Vous nous replongez dans ce tir au but en finale des Jeux de Paris de cécifoot le 7 septembre 2024. Il est 21h40 quand vous marquez le premier but pour la France face à l'Argentine. Ce jour-là est gravé dans votre mémoire ?

À jamais. C'est un instant de consécration, c'est un instant de joie, de bonheur, mais en même temps, ce n'est pas encore fait. À cet instant-là, tout était encore faisable et possible pour l'une ou l'autre équipe. Ok, je marque, j'étais très content, mais il y avait encore deux buts à marquer et il y avait éventuellement un arrêt à faire de Sandro, ou il fallait qu'un Argentin rate un tir. J'attendais vraiment la fin et au troisième tir, celui de Fred, quand il le met, là, c'est vraiment l'explosion de joie totale qu'on a partagée et qu'on a savourée avec le public sur place et les spectateurs. On sentait vraiment un engouement, une joie et un bonheur pour ce maillot.

Il y a un autre footballeur que vous aimez beaucoup, c'est Zinédine Zidane, kabyle comme vous. Vous l'avez soutenu pendant des années en tant qu'enfant. Qu'est-ce que vous avez ressenti quand vous avez, vous-même, descendu les Champs-Élysées en vainqueur des Jeux paralympiques de Paris 2024 en cécifoot ?

"C'est un mélange de sentiments, mais je pense que celui qui prime, c'est la fierté d'être arrivé là. La fierté de le faire comme Zizou pour ce maillot."

Hakim Arezki

à franceinfo

La fierté de le faire avec mes potes parce que sans eux, je n'aurais pas réussi. La fierté de venir de très loin aussi du fin fond de la Kabylie, d'un petit village dans les montagnes et de réussir à descendre cette avenue comme Zizou à l'époque en 1998, quand je le regardais depuis mes montagnes justement. C'est un mélange de sentiments, de joie, de bonheur, mais celui qui prime, je pense, c'est la fierté.

Je voudrais terminer sur ce voyage que vous avez fait, cet été 2025. L'idée, c'était de pouvoir présenter cette médaille dans le cimetière à votre grand-mère, à votre ami d'enfance, Youssef, qui, lui, est mort lors du Printemps noir. Vous avez commenté, auprès de ceux que vous aimez et qui ne sont plus là aujourd'hui, cette présentation de médailles avec cet adage, "On ne lâche rien et on continue".

Ça résume vraiment ma vie, mon parcours. Ça résume notre combat qui est celui de ne pas lâcher malgré les coups portés. On est encore debout, c'est le principal.

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