François Cluzet : "On peut sortir d'une enfance douloureuse"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 5 février 2025 : le comédien, François Cluzet. Il est sur la scène du théâtre des Bouffes Parisiens jusqu’au 18 avril dans la pièce "Encore une journée divine".
François Cluzet est sans conteste l'un des acteurs français les plus aimés, demandés, sollicités et même respectés. Il est né rue des Martyrs à Paris, on aurait pu imaginer que c'était mal parti, un signe de la vie qui aurait pu donner envie de pleurer. Mais bien au contraire, au fil du temps, il s'est construit avec un sourire mêlé à une discrétion qui lui sont propres. Le point de départ a été un manque d'amour certain et Jacques Brel dans le film L'homme de la Mancha en larmes. De quoi lui permettre de découvrir sa vocation avec comme certitude que les émotions méritaient d'être vécues et transmises. En 2007, il a reçu le César du meilleur acteur pour son interprétation dans Ne le dis à personne de Guillaume Canet. Son rôle dans Intouchables d’Olivier Nakache et Éric Toledano a fini de sceller votre adoption par les Français. Aujourd'hui, François Cluzet est jusqu’au 18 avril au théâtre des Bouffes Parisiens avec la pièce Encore une journée divine, l’adaptation du roman de Denis Michelis paru en 2021. Il campe un psychanalyste en hôpital psychiatrique qui prône des méthodes radicales.
franceinfo : Est-ce l'écriture qui transpire Samuel Beckett, finalement, qui vous a donné envie de revenir 25 ans après ?
François Cluzet : Oui, ça fait 25 ans que je n'avais pas joué au théâtre. Pour donner un petit truc supplémentaire au fait que ça fait 50 ans cette année que j'ai commencé ce métier, j'avais envie de quelque chose, d'un challenge avec beaucoup de travail. Et quand j'ai lu cette pièce, je me suis : je ne suis pas sorti de l'auberge, mais finalement j'ai eu un coup de cœur. Tout comme pour le metteur en scène. Pendant un an, j'ai appris le texte et ensuite on a beaucoup travaillé. Je n'étais pas sûr de moi, il me fallait beaucoup de répétitions et tout ça, pour finalement arriver à ce truc-là, ce personnage qui est à moitié dingo. Il est médecin psychiatre, mais il a trouvé une nouvelle méthode pour soigner, c'est finalement de ne pas perdre de temps. Vous êtes en conflit avec quelqu'un ? Supprimer ce quelqu'un. Vous êtes en conflit avec vous-même ? Vous savez ce qu'il vous reste à faire. Peur des étrangers ? Restez chez vous. Cela l'amène à donner des conseils qui sont relativement impraticables, je dirais.
Dans ce monologue, ce thérapeute s'adresse à nous en tant que spectateur. On est tous impactés à un moment donné. Il parle de la famille. On a tous subi notre famille quand on était enfant, ce qui a été votre cas. Je me demandais si ce métier vous avait permis d'être comblé aujourd'hui.
Oui, largement. C'est peut-être l'instinct que j'ai eu et qu'ont beaucoup d'artistes qui veulent faire de la scène, c'est que j'étais en manque. Je me sentais très seul. Je ne m'entendais pas avec mon frère, mon père était dépressif, ma mère était partie. Mais surtout mon métier faisait appel à l'émotion. Donc pensez bien que quand vous faites appel à l'émotion, ce qui vous a ému, revient en tête de colonne, si j'ose dire.
"Force est de constater que j'avais besoin d'être aimé, mais je pensais par le plus grand nombre. D'où l'idée que si je me surpassais devant trois ou 400 personnes, j'allais avoir des applaudissements, tout bêtement. Et c'est ce qui s'est passé au-delà de mes rêves."
François Cluzetà franceinfo
C'est pour ça que ce que je préfère dire encore, c'est l'histoire de la résilience, vous savez, Boris Cyrulnik. Cela peut commencer très mal, mais il faut un peu de chance et des gens bienveillants et y mettre tout son cœur. On peut sortir d'une enfance douloureuse.
Longtemps, vous avez, limite, refusé le bonheur. Cela vous faisait peur justement ?
Non. Vous savez, si vous n'êtes jamais monté sur un bateau et qu'on vous le propose, si vous avez peur d'y aller, peur du mal de mer et quand vous ne connaissez pas le bonheur... Enfin l'absence de douleur, c'est ça le bonheur... Quand vous avez toujours été endolori, c'est très difficile d'un seul coup de se dire : "je ne le suis plus". C'est ça qui m'a amené à la psychanalyse parce que d'un seul coup je me dis : moi, j'ai toujours ce fond où j'ai envie de pleurer, j'ai envie de pleurer sur mon enfance, sur ce que j'ai vu de mon père, de ce que j'ai vu de ma mère. J'ai envie de chialer. Et là, un jour, une femme que j'ai aimé m'a dit : "Il faut que tu ailles voir quelqu'un". Je suis tombé de ma chaise, je me suis dit que je n’étais pas complètement dingue quand même ! Je ne m'en rendais pas compte parce qu’on n'avait pas la culture à la maison qu'un psychanalyste peut vous faire ressortir d'où vient un trauma.
Sur scène, vous êtes là, les yeux dans les yeux avec le public. Ça fait peur ou pas ?
Non, franchement, ça ne fait pas peur, c'est ça le bonheur, d'être en face. Et puis le public, je vais vous dire, dès lors qu'il veut venir, qu'il paye, qu'il s'assoit, il n'attend qu'une seule chose, c'est que vous lui donniez quoi que ce soit. Un peu d'amour aussi. C'est ça qu'il veut.
À un moment donné, effectivement, il y a ce moment qui est très fort où il dit : "Voilà, si vous avez un problème avec l'autre, supprimez-le, c'est très simple. Si vous avez un problème avec vous-même, vous savez ce qu'il vous reste à faire". Qu'est-ce qui vous fait rester en vie ?
"La chance que j'ai eu que ça ait bien tourné pour moi."
François Cluzetà franceinfo
Le fait, c'est qu'il me reste relativement peu de temps, donc ce serait ridicule d'abréger l'affaire ! Ensuite, je n'ai pas du tout envie de partir avant le terme. Évidemment, quand je regarde derrière, je me dis : mais non, ce n'est pas possible, pas 70 ans cette année ! C'est ridicule. En même temps, ce que j'aime bien dans l'idée de mourir, c'est que pendant ce temps-là, il y en a d'autres qui naissent. Et ça, j'aime bien le passage de relais. L'idée, c'est de mourir léger et pour mourir léger, il y a une philosophie qui consiste à s'approcher du bon et s'approcher du beau. Et ça, ça donne quelque chose comme une expérience incroyable d'être vivant. Ça ne dure pas donc essayons d'avoir cette expérience-là.
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