"J'ai pris cette règle de ne jamais parler d'un pays sans y être allé" : l'auteur Jean-Christophe Rufin emmène son consul, Aurel, en Albanie
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 7 avril 2025 : le médecin, diplomate et auteur Jean-Christophe Rufin. Il publie "Le revenant d'Albanie", aux éditions Calmann-Levy.
Jean-Christophe Rufin est médecin et l'un des pionniers du mouvement humanitaire. Il a parcouru dans ce cadre-là de nombreux pays en crise et a longtemps occupé des fonctions diplomatiques. Il a été attaché de coopération au Brésil, ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie. Cependant, sa passion reste l'écriture et le besoin de faire vivre Aurel le protagoniste de ses histoires. Il a reçu le prix Goncourt pour son roman Rouge Brésil en 2001. Ses expériences nourrissent ses romans et les aventures d'Aurel. Le 6 mars 2025 est paru, en livre de poche, Notre otage à Acapulco et le 2 avril, sortait Le revenant d'Albanie chez Calmann-Lévy.
franceinfo : Au travers d'Aurel, on vous découvre toujours un peu plus avec ce besoin de remettre sur le devant de la scène les événements et l'histoire des pays traversés par le consul. Est-ce que recontextualiser, c'est essentiel ?
Jean-Christophe Rufin : J'ai pris cette règle depuis très longtemps de ne jamais parler d'un pays sans y être allé. Par exemple, Acapulco au Mexique, j'y suis allé, bien que ce soit assez dangereux, c'est une ville des gangs et une ville du crime. L'Albanie, c'est pareil, j'y suis allé aussi plusieurs fois et à chaque fois je mets le consul au milieu. Je voyage avec lui en quelque sorte. Quand je suis rentré du Sénégal, j'avais des tas d'histoires à raconter, mais je ne pouvais pas le faire à la première personne parce que j'avais ce devoir de réserve des diplomates. J'ai pris ce personnage et au fond, c'est un peu mon double. À chaque fois, je le place dans des situations qui permettent de révéler un pays dans ce qu'il a d'intense.
Aurel est promu dans cet ouvrage entre la Grèce et l'Italie, en Albanie. Il y a un travail aussi pour essayer de comprendre, géopolitiquement parlant, l'histoire d'un pays et l'histoire des personnages que vous incarnez.
L'histoire de l'Albanie est absolument incroyable. La première fois que j'y suis allé, c'était juste à la fin du communisme, quand le pays venait d'ouvrir, qu'il y avait eu cette dictature épouvantable d'Enver Hoxha qui avait duré 50 ans. Là, des choses extraordinaires sont arrivées, c'est-à-dire que le capitalisme, ils ne savaient pas ce que c'était, donc des choses dingues se sont produites, avec des banques qui promettaient 50% par mois de rendements, par exemple.
"C'est une histoire qu'on découvre, mais au lieu de faire un cours magistral, on la découvre avec Aurel, c’est-à-dire en tirant ce fils humain du premier plan."
Jean-Christophe Rufinà franceinfo
Le plus important en tout cas, c'est qu'Aurel est une énorme partie de vous, de plus en plus. On a l'impression de voir vos yeux, en fait.
C'est très agréable d'avoir cette possibilité de jouer sur deux claviers. J'aime bien conserver la possibilité d'écrire des livres qui n'ont rien à voir. Mais cette petite série était un peu une plaisanterie. D'ailleurs, l'éditeur au début m'a regardé en me disant : "Qu'est-ce que c'est que ça ?" Et finalement, elle a trouvé son public. Aurel accompagne ma vie, c'est-à-dire que maintenant, quand je m'en vais quelque part, ce personnage est avec moi et donc évidemment, je le remplis de mes propres émotions. C'est une expérience assez étonnante d'avoir ce double registre. Je sais qu'il en ressortira un livre.
Le point de départ, ce sont ces grands-parents qui vous ont élevé. Votre grand-père avait soigné les combattants pendant la Première Guerre mondiale et pendant la Seconde, il a été déporté parce qu'il avait caché des résistants. Il a aussi vécu la première transplantation cardiaque. C'est de là que vous avez souhaité devenir médecin ?
Quand on a quinze ans et qu'on choisit effectivement sa voie, on ne sait pas très bien ce qu'on va trouver. Mais très tôt, j'avais envie de pouvoir faire de ma vie quelque chose qui soit un support pour l'écriture. D'abord, parce que je lisais beaucoup quand j'étais gamin.
"Le fait de pouvoir, peut-être, nourrir avec ma vie des romans, c'était un rêve finalement, et c'est toujours un rêve de pouvoir le réaliser, aujourd'hui."
Jean-Christophe Rufinà franceinfo
Est-ce que vous avez des regrets ?
Oui, peut-être le regret au fond de ne pas avoir eu une vie médicale plus raisonnable. Ça aurait été plus calme parce que ce métier de funambule, est à la fois merveilleux et en même temps un peu stressant. C'est Bernanos qui disait "Quand j'étais petit, on me disait il faut que tu apprennes des choses sérieuses, et puis finalement, ce sont mes rêves qui me font vivre". Ce sont mes rêves qui me font vivre, alors c'est merveilleux, mais bon, c'est stressant. On se dit que 8h-18h dans un bureau, c'est peut-être plus calme.
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