Jean-Christophe Grangé raconte la relation d'emprise vécue par sa mère : "Mon père était le diable"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 22 octobre 2025, l'écrivain Jean-Christophe Grangé. Il publie "Je suis né du diable", aux éditions Albin Michel.
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Jean-Christophe Grangé rêvait, enfant, de devenir écrivain et force est de constater qu'aujourd'hui, il joue dans la cour des grands. La majorité de ses ouvrages sont des best-sellers avec à chaque fois des lecteurs conquis. Beaucoup sont sensibles, et parfois interpellés, par la précision presque chirurgicale, cinématographique, en tout cas étonnante, des scènes de crime et des procédures utilisées par ses différents personnages. Il sort, Je suis né du diable, aux éditions Albin Michel, une histoire d'autant plus terrifiante qu'il précise dans le bandeau apposé sur la couverture, que tout y est vrai.
franceinfo : Ce livre est né du besoin, de répondre à cette question que tout le monde vous pose, d'où vient cette imagination ?
Jean-Christophe Grangé : Absolument. Depuis que j'écris et depuis que j'ai publié mon premier roman, c'est la question qui revient le plus souvent. J'ai été obligé d'y réfléchir et de me creuser un peu le cerveau pour me dire, que oui, quand même, j'ai une imagination très noire. J'ai creusé du côté de mes origines parce que c'est quand même là que ça se passe, c'est là où votre personnalité se forge.
"J'ai commencé à poser des questions et j'ai découvert qu'en fait, ma naissance et mes premières années abritent un véritable cauchemar."
Jean-Christophe Grangéà franceinfo
Donc tout d'un coup, j'ai compris que ce cauchemar m'avait marqué au niveau inconscient et que c'est lui qui nourrit mon imaginaire. C'est ça que je ne cesse de raconter dans mes thrillers, c'est-à-dire l'histoire d'un père super maléfique, vraiment un super méchant jailli de je ne sais quelle bande dessinée et qui a donc persécuté ma mère et moi tout bébé.
En 1963, alors que vous n'aviez que deux ans, votre mère a été enlevée le 18 juillet 1963 par des hommes cagoulés. Elle a été emmenée dans un cimetière pour y être enterrée vivante, elle a réussi à s'échapper, mais ça fait froid dans le dos. C'est la lecture d'une lettre envoyée par votre tante qui vous a mis un peu la puce à l'oreille.
En réalité, toute mon enfance, toute mon adolescence, j'ai un peu repoussé toute cette histoire parce que j'avais un peu peur de la découvrir et j'ai été grandement aidé par ma mère qui refusait de dire un mot toute façon. Sauf qu’autour de 45 ans, j'ai fait une dépression et ma psychiatre m'a exhorté à demander à ma mère de me raconter toute cette histoire et encore une fois, ma mère a dit qu'elle ne pouvait toujours pas le raconter, 50 ans après.
Votre question était : "Est-ce que tu peux me raconter pourquoi je n'ai jamais connu mon père ?"
Mes parents ont divorcé et mon père a eu l'interdiction absolue de me voir à ce moment-là. Tout ce que ma mère m'a dit, c'est : "Je ne peux pas parler, mais je vais te donner le dossier du divorce". J'ai été abasourdie de ce que je lisais, les témoignages, et là j'ai compris que mon père, ce n'était pas un mauvais mari ou un compagnon violent, c'était le diable.
Vous êtes toujours positif, mais il y a quand même beaucoup de tristesse dans certains mots, ça heurte, vous dites que le noir vous habitait en permanence et vous n'avez à ce jour aucun souvenir de rêve serein, c'est terrible.
Je crois que cette nuit, je m'en suis farci encore un.
"C'est un soulagement de me réveiller à chaque fois parce que j'ai fait des tas de cauchemars."
Jean-Christophe Grangéà franceinfo
Si on parle de tristesse, il faut surtout parler de ma mère, parce que ces trois années qu'elle a partagées avec mon père, ont été un cauchemar absolu. C'est pour ça qu'elle a fait ce choix de ne plus jamais en parler. Quand je lui ai expliqué que j'allais écrire cette histoire, elle n'était pas d'accord. Elle m'a dit, "C'est un secret que j'ai gardé pendant 50 ans et tu vas le mettre sur la place publique ?" Alors j'ai fait ce pari, je lui ai dit : "J'écris le livre, tu le lis, tu me dis oui ou tu me dis non". Coup de chance, elle a apprécié, elle a surtout trouvé que j'avais bien réussi à m'identifier à elle et à ma grand-mère et à bien restituer l'ambiance de l'époque des sixties avec ce pur cauchemar qui jaillit comme ça.
Vous terminez ce livre en vous adressant à votre mère et votre grand-mère, vous leur dites : "Je m'en suis sorti grâce à vous". Ce livre est donc votre solde de tout compte ?
Absolument. J'ai eu une fêlure, j'ai eu une histoire dramatique et en même temps, j'ai pu me constituer en enfant équilibré vraiment grâce à l'amour. Tous les enfants malheureux ne deviennent pas des tueurs en série, mais tous les tueurs en série ont été des enfants malheureux, c'est une constante. Si vous n'avez pas l'amour qu'il faut pendant que vous êtes enfant, vous pouvez vraiment déraper et devenir très méchant. J'ai toujours la grande conviction que si vous donnez tout l'amour qu'il faut à vos enfants, normalement, ils suivront le bon chemin. C'est une métaphore de cette forteresse qu'on construit ma mère et ma grand-mère autour de moi et qui a fait que j'ai été un petit enfant finalement fort, bien qu’habité par la peur.
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