Le livre "Atypiques" de Paul et Sophie El Kharrat est "une manière de rendre un peu plus visible" l'autisme

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 10 avril 2025 : Paul et Sophie El Kharrat. Ils sortent ensemble l'ouvrage "Atypiques", aux éditions HarperCollins, pour témoigner sur l'autisme et le syndrome d'Asperger.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Paul et Sophie El Kharrat à Paris, en octobre 2024. (Mélania Avanzato / HarperCollins)
Paul et Sophie El Kharrat à Paris, en octobre 2024. (Mélania Avanzato / HarperCollins)

Sophie El Kharrat est la maman de Paul, ce jeune homme classé génie par beaucoup, qui a brillé et marqué par son passage l'émission Les 12 coups de midi avec 150 victoires dans l'émission. Pour la première fois, elle a accepté de se livrer à cœur ouvert et de nous plonger dans ce que ce terme, encore tabou, reflète, l'autisme. Paul El Kharrat a été diagnostiqué à l'âge de 16 ans, ce qui a été un énorme soulagement pour eux deux, parce qu'ils avaient enfin des mots et ils savaient de quoi il s'agissait. Ce témoignage bouleversant est à retrouver dans l'ouvrage Atypiques, publié chez HarperCollins.

franceinfo : C'est une façon de tendre la main à toutes celles et ceux qui sont concernés par le handicap et qui ont l'impression de ne pas s'en sortir d'une part, et de ne pas être entendues d'autre part ?

Sophie El Kharrat : C'est une façon de les rendre un peu plus visibles, d'autant plus que les syndromes autistiques sont invisibles à première vue. C'est une façon aussi de partager ce que j'ai capitalisé depuis toutes ces années avec Paul et de partager avec les parents, les personnels enseignants qui sont parfois impuissants parce qu'ils sont non formés, les personnels médicaux et tous ceux qui s'intéressent à la neuroatypie pour partager. J'ai été beaucoup sollicitée, donc c'est une façon d'essayer d'apporter ma pierre à l'édifice et d'aider.

Paul, quand vous avez appris que vous aviez ce syndrome d'Asperger, est-ce que ça a été un soulagement ?

Paul El Kharrat : Quand on a un diagnostic, quand on nous dit le mal qui nous ronge, je ne vais pas dire que c'est agréable. Me concernant, ça a plutôt été de l'ordre de : je suis porteur d'autisme, du syndrome d'Asperger et donc il va falloir entreprendre telle action pour éviter telle situation. Accepter de façon plus importante les différences, les délicatesses avec lesquelles on peut vivre dans cette société, dans ce monde-là, et aussi permettre justement de sensibiliser à cette cause-là en expliquant ce que c'est. Et de ce fait être en mesure de faire comprendre la manière que l'on a de fonctionner, de parler, de s'exprimer, d'interagir. Il y a une définition très importante à donner et pour qu'il y ait une définition, il faut qu'il y ait un mot au préalable, sinon, c'est compliqué.

Qu'est-ce qu'elle représente pour vous cette maman, Paul ?

Paul El Kharrat : On va déjà dire ce qui ne va pas avant de dire ce qui va, parce que je préfère terminer par la cerise. Ce qui ne va pas, comme avec beaucoup de choses, ce sont les incompréhensions multiples. Les autres voient qu'elle fait beaucoup, mais moi, j'ai l'impression qu'elle ne fait pas assez ou pas suffisamment. Il y a toujours encore plus à faire et donc ça attise ma colère parce que justement, je lui en demande beaucoup. Quand je vais mal, je lui en veux un peu et il y a aussi cette culpabilité que j'ai moi, mais que j'ai aussi envers ceux qui sont censés faire en sorte que je me rehausse au niveau de ma santé mentale. Évidemment que s'il n'y avait pas eu son concours, sa présence en permanence, sa combativité pour me faire retourner à l'école, pour me faire faire des activités, pour me sortir un peu de ce marasme ambiant dans lequel je m'enfonçais, qu'on appelle communément la dépression... Ma mère était là justement pour m'y arracher du mieux qu'elle pouvait et elle était quasiment l'unique personne qui était en mesure de le faire. Je pense qu'elle a une place primordiale, mais elle le sait. Quand elle est énervée contre moi parce que je fais des actions qu'elle juge complètement hors de propos, elle pense quand même à moi. Elle s'inquiète de ce que je peux faire, de ce que je peux devenir, des activités que je fais. Tout ce qui m'environne, elle y pense.

Est-ce que vous êtes touchée par ces mots, Sophie ?

Paul El Kharrat : J'ai fait un effort, là !

Sophie El Kharrat : Oui, tu as fait un effort. D'autant plus que je dis aussi que, dans le noyau dur de l'autisme, il y a aussi le rapport aux émotions où il y a une incapacité à détecter les émotions et donc une incapacité à répondre aux émotions. Pourquoi je n'embrasse pas ? Pourquoi je ne montre pas des signes d'affection ? Parce que je suis moi-même incapable de les détecter chez autrui. Donc le fait que Paul ici présent le fasse, c'est encore plus important que si c'était un jeune homme neurotypique.

Ce livre, c'est celui que vous auriez aimé avoir entre les mains, Sophie ?

Sophie El Kharrat : C'est exactement ça. C'est le livre dont j'aurais eu besoin il y a 25 ans et c'est le livre qui m'aurait permis d'être plus efficace et qui aurait peut-être évité un certain nombre de souffrances et de conduites inappropriées face à une personne porteuse d'un trouble du spectre autistique.

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