Macha Méril : "La guerre n'a jamais raison et la censure n'est pas la réponse"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la comédienne d’origine russe Macha Méril. Elle est la marraine du Festival, écourté et remanié, du cinéma russe à Paris.
Actrice, révélée par son premier rôle, en 1964, dans le film Une femme mariée de Jean-Luc Godard, Macha Méril est rapidement devenue une des actrices de la Nouvelle Vague avec des interprétations incarnées et remarquées comme dans Belle de jour de Luis Buñuel en 1966, Nous ne vieillirons pas ensemble de Maurice Pialat (1972), Les uns les autres de Claude Lelouch en 1981 ou encore Le grand carnaval d'Alexandre Arcady (1983).
Elle défend le Festival de cinéma Quand les Russes... qui cette année, est une réponse à la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine, et qui se tiendra sur une seule date, le 23 mars 2022 à 19h30, au cinéma Max Linder Panorama à Paris.
franceinfo : Une date et un seul film, Maman, je suis à la maison de Vladimir Bitokov. Pourquoi vouloir maintenir ce festival ?
Macha Méril : Ma vie a été très mêlée au cinéma parce que le cinéma a pris une place considérable dans l'histoire contemporaine. Mai 68 est né sur les marches de la Cinémathèque. Les Américains ont arrêté la guerre au Vietnam après : Apocalypse Now de Francis Ford Coppola. Il y a une vertu dans le cinéma, très forte et c'est pour ça que nous avons fondé ce Festival du cinéma russe qui n'est presque pas vu en France.
"Il y a longtemps que les cinéastes nous alertent sur l'état de la société russe. Il fallait qu'on prenne parti, qu'on leur tende la main parce qu'ils attendent que nous montrions leurs films. Ils sont boycottés, ils ne trouvent pas les financements, ils sont muselés, ils sont emprisonnés quelquefois. Tout ça me bouleverse, je suis Russe."
Macha Mérilà franceinfo
Vous êtes le fruit de l'union d'une mère issue de la noblesse ukrainienne et du prince russe Vladimir Anatolievitch Gagarine.
Ils étaient russes tous les deux, grands propriétaires terriens et ils ont tout perdu à la Révolution d'Octobre (1917), en 24 heures. Ils sont partis, venus en France. Ils parlaient le français, l'anglais, l'allemand, c'était une aristocratie très éclairée. Les terres étaient en Ukraine. Évidemment, toute ma vie, j'ai entendu parler de l'Ukraine comme une espèce de pays de cocagne, un endroit où les fruits avaient plus de goût qu'ailleurs, où tout était beau. Il y avait des lacs, des rivières. Tout ça est, en ce moment, lacéré par la guerre. Moi, ça ne m'étonne pas tellement, je crois que les Russes de Poutine voulaient cette guerre.
Demain, il y aura la projection de ce film dans le cadre de ce festival russe totalement revisité, remanié à cause de cette guerre.
Oui, la formule va changer, mais on va continuer quand même pendant toutes les semaines qui suivent. Et ce film qui inaugure le festival, Maman je suis à la maison, est de Vladimir Bitokov, un élève du grand cinéaste, Alexandre Sokourov. C'est une mère à qui on annonce que son fils est mort. Il était dans une milice, engagé en Syrie, et elle n'y croit pas. Alors, elle fait du foin, commence à faire des recherches et un beau jour, quelqu'un frappe à sa porte. Il y a un beau jeune homme qui se présente et qui lui dit : "Je suis ton fils". C'est-à-dire que pour qu'elle ferme sa gueule, on lui envoie un substitut. Ça change quand même de notre cinéma français qui est dans le satin et dans le coton. Les Russes ont des sujets !
"Je crois dans la force de l'art. Je crois dans la culture, mais profondément. Ça traverse les frontières et c'est toujours un tout petit peu en avance. Pour moi, c'est ça la définition de la culture, il faut que ce soit prémonitoire. Et je crois qu'il n'y a que les cinéastes qui sont capables de faire ça."
Macha Mérilà franceinfo
Je veux vous lire un petit truc, ça m'a absolument bouleversée : "Nous, étudiants, doctorants, professeurs, personnels et diplômés de la plus ancienne université de Russie, dénonçons catégoriquement la guerre que notre pays a lancée contre l'Ukraine. Nous exigeons des dirigeants russes qu'ils cessent immédiatement les hostilités, qu'ils quittent le territoire d'un État souverain."
Ils risquent la taule d'avoir fait circuler cette pétition. Il y a dedans Pavel Lounguine, Zviaguintsev, Vladimir Spivakov, un grand violoniste et chef d'orchestre. La guerre n'a jamais raison et la censure n'est pas la réponse.
Cela dit, Vladimir Poutine contrôle tout. Qu'est-ce qui est le plus grave alors ? C'est la censure ou l'autocensure ?
C'est une douloureuse question parce qu'évidemment, beaucoup de cinéastes, pour pouvoir continuer à faire leurs films, ont un peu trempé dans le système. C'est exact, mais ça existait partout. Tout le monde n'est pas un héros. Il faut aussi vivre. Il faut aussi continuer à faire du cinéma. Moi, j'ai une certaine indulgence pour ceux qui ne sont pas tout à fait révolutionnaires. C'est un métier, la révolution.
Ce film est précédé par des interventions de nombreux artistes et cinéastes russes et français. C'était important de maintenir ce dialogue, de pouvoir ouvrir ce dialogue ?
On a beaucoup réfléchi et on s'est dit qu'on allait inviter que des artistes, des créateurs qui vont chacun dire quelque chose. Rien de mieux que les artistes eux-mêmes pour parler de leurs frères russes.
Avez-vous peur d'une escalade dans le conflit ?
On ne peut pas être insensible quand on voit sur les écrans toutes ces horreurs. C'est vraiment difficile. On est dans la logique de la guerre maintenant. Ce qu'il faut, c'est autre chose, il faut virer Poutine. Je ne crois pas à un grand soulèvement populaire, mais je crois que les élites et les forces vives du pays peuvent arriver à vaincre la dictature.
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