Michel Drucker et le temps qui passe : "Ce n'est pas normal, à 83 ans, d'être encore à l'antenne"

Le journaliste et animateur Michel Drucker est l'invité exceptionnel du Monde d'Élodie à l'occasion de la sortie de son livre "Avec le temps..." aux éditions Albin Michel. Dans ce cinquième épisode, il nous parle du temps qui passe et de son avenir.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Michel Drucker, le 6 octobre 2023, à Paris. (MIGUEL MEDINA / AFP)
Michel Drucker, le 6 octobre 2023, à Paris. (MIGUEL MEDINA / AFP)

En 2014, TV Magazine réalisait un sondage qui désignait Michel Drucker comme l'animateur le plus emblématique du PAF depuis 1950. Il connaît toute la carte politique, journalistique et artistique par cœur puisqu'il les a presque tous reçus dans cette carrière de 62 ans. Le titre de son ouvrage, Avec le temps..., sorti aux éditions Albin Michel, rappelle effectivement une chanson de Léo Ferré.

franceinfo : Comment vivez-vous le sablier qui s'écoule et le temps qui passe ?

Michel Drucker : Je le vis avec toujours cette inquiétude, mais vous avez raison de dire que j'ai connu tous ces gens-là et je suis un homme de la province. C'est vrai que beaucoup d'hommes politiques, je les ai connus sur leur terrain. Mes patrons à l'époque étaient Michèle Cotta et Christopher Baldelli et j'avais demandé si je pouvais prendre aussi des politiques et j'ai reçu une volée de bois vert de tous mes confrères, qui se demandaient de quoi je me mêlais. Je ne voulais pas faire une émission politique et ça n'a pas été le cas. Je voulais faire une émission qui aurait pu avoir pour titre qu'avez-vous fait de vos 20 ans ? C'est ça qui m'intéressait, donc je suis allé voir les politiques chez eux et je les ai reçus et j'ai découvert qu'ils n'étaient pas comme la presse spécialisée le dit. C'est vrai que la France, je la connais aussi à travers ça et à travers la PQR, car je ne suis pas un Parisien et je me méfie toujours de l'entre-soi.

Vous vous appelez nostalgique mais nostalgique de la lenteur. Comment vous sentez-vous dans ce monde qui va très vite ?

Je ne me sens pas bien, toujours.

"Je ne vais pas à la vitesse d'un clip, ce sont les longs-métrages qui m'intéressent."

Michel Drucker

à franceinfo

Maintenant, tout va trop vite, tellement vite qu'on n'a plus le temps de réfléchir. Donc c'est pour ça que sur mon canapé, je prends encore mon temps. On me laisse prendre mon temps. Il y a près d'un million de gens qui tournent à mon rythme encore parce que je m'adresse quand même à une majorité de seniors. Mais leurs petits enfants et leurs enfants me connaissent parce qu'il y a des gens qui me disent, "Ah bah, vous savez, mon grand-père, qui n'est plus là, vous aimait bien comme commentateur de foot. Et puis ma grande fille vous a découvert le dimanche après-midi." Ce qui fait que je suis le premier surpris et je crois qu'il fallait donner du temps au temps. Je vais dire quelque chose qui va vous paraître surréaliste et je vous assure que c'est la vérité, je ne vais jamais sur les réseaux sociaux. Je ne sais pas ce que c'est que tout ça et à chaque fois qu'on m'en parle, c'est toujours la même chose. Quand est-ce qu'il part, il est trop vieux ? Au moins, c'est clair.

Qu'est-ce que vous répondez à celles et ceux qui se disent qu'effectivement, il est temps de laisser la place ?

Je leur réponds que quand on a une addiction, ce n'est pas la cocaïne pour moi, mais la télé et le sport. Ce n'est pas dangereux. Ma grande fierté, c'est d'avoir fait 3 000 ou 4 000 kilomètres par an. J'ai appris beaucoup du vélo, j'ai appris beaucoup de la souffrance. Quand on fait du sport, qu'on roule en facteur, qu'on roule comme Pogacar, la souffrance, elle est là. On souffre beaucoup, quand on monte le Ventoux. On souffre à 12 à l'heure, mais lui, il souffre à 30 à l'heure, ce sont des extraterrestres. J'ai beaucoup appris du sport, vraiment, je regarde tout à la télé et je suis resté attaché au sport, comme Jean-Jacques Goldman. J'ai découvert la marche puisque depuis que je suis sorti de l'hôpital, je ne peux plus faire du vélo à outrance. La marche, c'est formidable parce que pendant qu'on marche, on a des idées.

Vous continuez à exercer ce métier à 83 ans. On pense à la chanson de Dalida Mourir sur scène et effectivement, c'est une idée qui vous plaît.

"Je ne sais pas comment je vais terminer parce que souvent, je me dis qu'il faut que je parte."

Michel Drucker

à franceinfo

Ce n'est pas normal, à 83 ans, d'être encore à l'antenne. Johnny m'a dit un jour, "Tu sais, présenter une émission de variétés à 75 ans, est-ce que ce n'est pas trop vieux alors que les chanteurs pourraient être tes enfants ?" C'était une bonne réflexion, voilà pourquoi je ne présente plus de 20h30, certains le font beaucoup mieux que moi maintenant. Je ne me pose pas de questions parce que je me dis que Claude Lelouch a 88 ans, c'est un de mes meilleurs amis et à 88 ans, il commence un nouveau film. Hugues Aufray, à 96 ans, il chante encore, Line Renaud est toujours là, Michel Bouquet était au théâtre jusqu'à 90 ans. Bon, je me dis que finalement, avoir 83 ans, finalement, c'est encore jeune.

Pour terminer, avec vos mots, quel serait donc le résumé du long-métrage de votre vie ?

J'emprunterai une phrase justement à Claude Lelouch, itinéraire d'un enfant de la télé gâté.

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