Olivier Mazerolle affronte les préjugés dans son nouveau roman : "La colère peut exister, mais pas la vengeance"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 30 mai 2025 : le journaliste et écrivain Olivier Mazerolle. Il publie le roman "Crime et abandon" aux éditions Balland.
L'information accompagne Olivier Mazerolle depuis plus de 63 ans. Il a effectué ses premiers pas de journaliste en 1959, à l'âge de 17 ans, avant de devenir tour à tour reporter, intervieweur ou encore directeur de rédaction. Il a officié plus de 20 ans sur RTL et a participé en 2005 au lancement de la chaîne BFM TV sur la TNT. Il est désormais écrivain et le 24 avril 2025, il a publié le roman Crime et abandon, aux éditions Balland. Il raconte l'histoire de Pierre, vigneron dans le sud de la France avec Delphine, son épouse et leur fille Anaïs de 22 ans. A priori, cette famille va très bien dans le meilleur des mondes, jusqu'à ce que Pierre découvre, à la suite d'une gaffe d'un de ses amis, que sa fille sort avec un Maghrébin, ce qui pour lui est un cauchemar insurmontable.
franceinfo : Ce roman est là pour inviter le lecteur à réfléchir sur nos préjugés ?
Olivier Mazerolle : Oui, et c'est très angoissant et inquiétant parce qu'en réalité, nous sommes en train de jeter à la poubelle tout ce qui fait la force de notre pays. Ce bagage culturel, intellectuel, moral qui est là pour nous permettre justement d'être confrontés à ce genre de situation et de résoudre les problèmes. Nous ne sommes plus capables de réfléchir, peut-être d'ailleurs parce que nous avons perdu l'ensemble de nos valeurs.
"Aujourd'hui, la société ne propose plus de valeurs, sauf la consommation."
Olivier Mazerolleà franceinfo
Vous citez l'humaniste et philosophe italien Machiavel, "un acte de justice et de douceur a souvent plus de pouvoir sur le cœur des hommes que la violence et la barbarie". On sent que la vindicte populaire vous effraie.
Oui, parce qu'elle est totalement irréfléchie. La colère peut exister, bien entendu, mais pas la vengeance. Aujourd'hui, la vindicte est animée par cette vengeance permanente qui ne solutionne rien. Tout le passé nous le démontre, on pourrait citer des tas d'exemples.
Samir, le fiancé, est un être à part, il est dévoué. Est-ce que ce roman combat les idées reçues ?
Oui, mais parce que les idées reçues s'imposent. Regardez, vous étiez avec Bruce Springsteen récemment. Il vous a expliqué qu'il n'aurait jamais écrit la chanson Streets of Philadelphia, si le réalisateur du film ne lui avait pas demandé. Elle sort des idées reçues, elle vous invite à accepter les personnes homosexuelles qui sont contaminées par le sida et à compatir et à dire, il faut lutter contre. C'est la même chose.
"Il faut lutter contre ce sentiment de haine et de vengeance qui nous anime constamment et qui ne résout rien."
Olivier Mazerolleà franceinfo
Ces prêcheurs de haine condamnent, mais ils ne proposent aucune solution.
Il y a toujours eu un côté très moral dans tout ce parcours. Vous êtes d'ailleurs un adepte du "off". Les hommes politiques, qu'ils soient de droite ou de gauche, vous ont confié des informations et vous les avez souvent gardées pour vous d'ailleurs, même si vous en avez délivré énormément.
J'en ai eu une terrible de Jacques Delors qui, à ce moment-là, apparaissait comme étant le favori de l'élection présidentielle qui allait suivre. Je le vois en août 1994, il était président de la Commission européenne, j'allais le quitter, lorsqu'il me dit : "Je vous dirais bien quelque chose, mais vous me promettez de ne pas en faire état ? Avec ma curiosité, je dis, "oui, bien sûr". "Je ne me présenterai pas à l'élection présidentielle. Vous pouvez considérer que je suis un lâche, mais je ne suis pas de la trempe des Chirac, Giscard, Mitterrand. Je ne suis pas né pour être président de la République, pour être confronté à une majorité qui ne me suivra pas. Je ne veux pas emmener le pays là-dedans". Je dirigeais la rédaction de RTL à l'époque et j'ai respecté tout en disant aux journalistes qui suivaient la vie politique : "Quand vous parlez de Jacques Delors, mettez le conditionnel. Ah bon, pourquoi ? Parce qu'il n'a jamais dit qu'il serait candidat, donc ce n'est pas la peine d'être pris en défaut". Ça a duré plus de deux mois comme ça, avant qu'il ne vienne à l'émission d'Anne Sinclair pour dire qu'il ne se présentait pas.
En 60 ans de métier, vous avez connu les huit présidents de la Ve République, vous avez rencontré les plus grands de ce monde, notamment Lech Wałęsa, le président polonais, Prix Nobel de la paix en 1983 ou encore Anouar el-Sadate, le président égyptien assassiné au Caire en 1980. Vous avez été heurté par le terrorisme. Quels sont les plus beaux souvenirs que vous gardez en mémoire dans ce parcours hors du commun ?
Écoutez le terrorisme ou la guerre, ce sera toujours pour moi ce Libanais, à Beyrouth. Je vais dans un quartier qui venait d'être bombardé par l'artillerie de marine israélienne et je vois cet homme au bord d'un cratère immense en train de hurler, et il avait à la main un porte-clé. J'ai dit : "Mais qu'est ce qui vous arrive ? Il m'a répondu, C'est tout ce qui reste de mon beau-frère, il venait chercher sa voiture". Il y avait, éparpillé dans le cratère, un corps humain. Je suis encore ému quand je raconte ça, c'était l'horreur absolue. Et puis les belles images, ce sont les deux hommes que vous avez cités, Anouar el-Sadate et puis Lech Wałęsa, un formidable personnage. Lorsqu'il rencontrait certains de ses partisans qui disaient : "Pourquoi on ne prend pas les armes ?", il retournait la salle, en disant : "Les armes ? Tu veux faire comme ton père ou ton grand-père qui chargeaient les chars allemands à cheval ? Et c'est ça ta victoire, que ton fils vienne pleurer sur ton cercueil ?". Autant vous dire que dans la salle, il n'y avait plus de protestations.
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