Philippe Delerm nous livre les dernières années sur scène de Charles Dickens : "Tout petit, déjà, il rêvait de devenir acteur"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 12 septembre 2025, l'auteur, Philippe Delerm. Son dernier ouvrage, "Le suicide exalté de Charles Dickens" est sorti aux éditions du Seuil.
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L'écrivain Philippe Delerm a su nous faire boire notre Première gorgée de bière. Ses mots nous ont rafraîchis, désaltérés et offerts l'un de ces petits plaisirs minuscules, mais finalement essentiels. Ses ouvrages, ses recueils courts, évoquant certains poèmes, ont tous touché les lecteurs. Son écriture nous embarque immédiatement. Le 5 septembre 2025, il a publié Le Suicide exalté de Charles Dickens aux éditions du Seuil. Il s'est intéressé aux dix dernières années du papa d'Oliver Twist, David Copperfield ou encore de Pickwick. Charles Dickens est toujours et encore aujourd'hui l'un des plus repris au théâtre, au cinéma, à la radio, à la télévision, son humour, sa satire et son œuvre occupent neuf volumes dans l'édition de la Pléiade. Ils ont pour autant toujours été classés dans la catégorie des œuvres pour enfants.
franceinfo : Vous dites, qu'il est sans conteste l'auteur le plus mal lu. Qu'est-ce que ça signifie ?
Philippe Delerm : On a l'impression que les mots de Charles Dickens sont entrés dans la langue, qu'il est entré dans la peau du public parce que c'est vrai qu'il avait un vrai public populaire, notamment grâce à la parution de ses livres sous forme de feuilletons dans les journaux. Surtout à la fin de sa vie, une chose qu'on sait en fait assez peu, c'est qu'il a passé dix ans de sa vie, à une espèce de long suicide, en faisant des spectacles à partir de lectures publiques de ses œuvres. Tout petit, déjà, il rêvait de devenir acteur et donc, il a toujours été non pas un acteur raté, mais quelqu'un qui avait besoin d'un rapport presque physique avec le public. C'est un rapport qui était jubilatoire, mais qui l'a épuisé et qui a constitué une espèce de long suicide.
Vous expliquez d'ailleurs qu'à 50 ans, il a compris effectivement que l'amour du théâtre qui était en lui était la fièvre de l'écriture de ses romans.
"Il avait envie d'être un peu comme Barbara, de pouvoir dire, 'Ma plus belle histoire d'amour, c'est vous', à son public."
Philippe Delermà franceinfo
Tout de suite, il a eu un succès faramineux, les salles ont été bondées et ce qui est assez curieux, c'est que ce spectacle était constitué d'écrits qui étaient de ses premiers écrits, notamment Pickwick et Oliver Twist. C'étaient deux aspects opposés et qui reproduisaient bien en fait un peu la condition humaine dans son ensemble.
Ce qui est évident par contre, c'est que quand on dit, Charles Dickens, le premier mot qui nous vient en tête, c'est le mot nostalgie, mais on a un sourire aux lèvres. Vous dites, "Il est tellement à tous qu'il est davantage à moi".
C'est vrai que quand on aime un auteur, on aime bien qu'il vous appartienne. Dans le cas de Dickens, on a un peu l'impression que c'est un ami particulier en même temps que quelqu'un qui touche tout le monde, mais qui finalement n'est pas tellement lui. C'est quelqu'un qui a eu un destin incroyable, qui a connu le peuple anglais dans sa misère, souvent dans Londres, mais en la pratiquant. Ça, c'est une chose qu'un autre écrivain n'a pu connaître.
Quand on regarde bien, il s'est beaucoup attardé sur les déshérités et les oubliés. Il a défendu les victimes du vice et de la corruption avec une incarnation très forte au travers de sa voix et de son corps. Cette incarnation, il a eu besoin de la vivre sur scène pendant une dizaine d'années dans des salles combles. En même temps, c'est un peu ce qui l' a détruit, c'est-à-dire qu'il s'est rendu compte très vite que l'amour qu'on portait à ces personnages n'était pas l'amour qu'il hériterait, lui, de la part des gens.
Oui, c'est vrai et il se consumait littéralement. Les dernières années, quand il faisait ses tournées de rockstar, il était incapable de faire autre chose dans la journée. Il restait allongé sur son lit et prenait du laudanum, de la drogue pour pouvoir monter sur scène le soir. Ça paraît incroyable de voir qu'en fait, il ressentait une espèce de grand bonheur du fait de se sacrifier et de recevoir un amour qu il ne recevait pas réellement dans la vraie vie.
Est-ce que vous avez le sentiment que le fait d'interpréter ses textes sur scène, a dénaturé le plaisir qu'on peut avoir à découvrir les textes quand on lit avec les silences qui vont avec ?
Je ne pense pas. Je suis plus fasciné a priori par l'écriture et c'est vrai que j'ai eu l'occasion d'être prof de lettres pendant 37 ans et j'adorais lire en mettant le ton comme on dit, les textes des auteurs. Par contre, quand il s'agit des miens, je n'aime pas ça du tout.
"Je n'aime pas du tout souligner les effets d'écriture quand c'est dans mon propre cas."
Philippe Delermà franceinfo
Dans le cas de Dickens, c'est autre chose, il faisait vivre des personnages et c'était un peu extérieur à lui, dans ce rapport qu'il avait avec les autres et qui touchait tellement les autres.
Il a cette chaleur et en même temps, on a jamais eu l'occasion d'entendre sa voix et vous dites que vous êtes heureux de ça.
Je suis heureux parce que je pense que peut-être, on la trouverait, à la manière des grands comédiens, un peu emphatique, mais ça procurerait une émotion et c'est ça qui m'intéresse. Cette émotion, elle est perceptible simplement dans ce qu'il écrit et aussi dans le fait d'imaginer ce spectacle, les émotions qu'il pouvait communiquer.
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