Tahar Rahim dans la peau d'un toxicomane dans "Alpha" : "J'ai besoin d'expériences et d'expérimentations"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 1er septembre 2025, l'acteur Tahar Rahim. Il joue dans le film "Alpha" de Julia Ducournau, au cinéma depuis le 20 août dernier.
Enfant, Tahar Rahim rêvait et vivait cinéma. Il définit d'ailleurs cette période comme une semi-hypnose et aujourd'hui, il représente le cinéma français dans le monde entier, un peu comme un ambassadeur. Son premier grand rôle dans le film Un Prophète de Jacques Audiard, en 2009, lui a permis de transformer l'essai et d'obtenir deux César, dans les catégories meilleur espoir et meilleur acteur. Cela a d'ailleurs obligé les membres de l'Académie des César à modifier le règlement pour éviter les cumuls de prix. Ce qui a enfoncé le clou de sa notoriété est son rôle du tueur en série Charles Sobhraj dans la série Le Serpent diffusé sur Netflix, qui a été un succès mondial, en 2021. Quand on regarde de plus près chacun de ses rôles, il y a toujours ce besoin de donner l'entièreté de ce qu'il est et on le ressent dans le film Alpha, sorti le 20 août 2025, de Julia Ducournau et présenté en avant-première au Festival de Cannes. Il s'agit de l'histoire d'Alpha, jeune adolescente de 13 ans, complètement en perte de repères. Elle vit avec sa maman, médecin et elle va rencontrer son oncle un toxicomane séropositif, incarné par Tahar Rahim.
franceinfo : Ce qui est assez fou, c'est votre transformation physique comment fait-on pour se préparer physiquement et psychologiquement ?
Tahar Rahim : Je savais qu'il fallait perdre beaucoup de poids pour cette apparence-là, ce qui n'a pas été chose aisée. Je crois avoir dépassé plus de 20 kilos et c'était nécessaire d'abord pour le personnage, pour que ça marche et pour qu'on y croie.
"Ça a été quatre mois de régime intense où j'ai été surveillée pour éviter de me blesser."
Tahar Rahimà franceinfo
Il faut se mettre dans un mental de sportif de haut niveau, mais pas pour la date ultime, parce que la date ultime va durer et se répéter pendant deux mois. Donc, en tout, c'est six mois, c'est très long et c'est vrai que c'est impressionnant quand on le voit. Le besoin de vérité et de véracité que j'aime à apporter, je pense que c'est nécessaire quand on emprunte l'histoire des gens et qu'on la raconte pour la donner au public. J'ai travaillé en tant que bénévole dans une association qui s'appelle Gaïa, qui vient en aide aux gens qui souffrent d'addiction et particulièrement les usagers de la seringue. Toute cette immersion m'a permis, de pouvoir absorber tout ce qu'ils étaient, aussi différents, les uns des autres. Mais je ne découvrais pas tout ça, parce que j'ai un ami que j'aime beaucoup, il se droguait à l'héroïne et il a décidé, très courageusement, de se sevrer de lui-même, sans substitut et sans aller en cure. Je l'ai vu pendant une dizaine de jours dans une souffrance impossible et ce que vous avez vu dans le film, c'est vrai que c'est terrible, mais ce que j'ai vu en vrai est encore plus violent. C'est toute cette expérience-là que j'essayais d'amener.
Votre personnage, chaque shoot, qu'il se fait, c'est pour s'alléger, pour s'évader de la vie qu'il a, de ses démons, de ses traumatismes d'enfance. Il y a tous les secrets de famille qui sont abordés et je voudrais savoir justement comment vous avez grandi dans votre propre famille, car il y a toujours des non-dits dans nos familles. Qu'est-ce que vous ont transmis vos parents ou qu'est-ce qu'ils, sciemment, ne vous ont pas transmis ?
Ils m'ont transmis des valeurs formidables comme l'amour, le respect des uns et des autres, l'entraide, et ça, je pense que c'est une valeur capitale parce que c'est quelque chose qu'on peut continuer à faire vivre, à transmettre et à étendre non seulement dans sa famille d'origine, mais aussi celle qu'on choisit, les amis. Je pense qu'ils ne m'ont pas transmis tout le trauma intergénérationnel qu'ils ont traversé avec la guerre en Algérie, ni même raconté, ce qui est dommage. Il y a une espèce d'amnésie, mais qui ne l'est pas ou un mutisme autour de ça, pour éviter de faire mal à ses enfants. Ça, on ne nous l'a jamais transmis et c'est bien dommage parce que j'aurais aimé pouvoir en discuter avec mes parents pour en savoir plus.
Peu importe les rôles que vous incarnez, il y a toujours ces yeux d'enfant que vous gardez. Il y a toujours ce regard sur le monde, cette espèce de curiosité, cette envie d'apprendre et cette envie de rester élève.
Je ne sais pas si je dirais rester élève, mais c'est une belle manière de le dire. En tout cas, je dirais plutôt de garder cet œil d'enfant qui a toujours cette étincelle. Les enfants sont toujours émerveillés à chaque fois qu'ils découvrent quelque chose. Ce goût-là, cette découverte-là, cet inconnu-là, j'essaie de les retrouver à chaque fois.
Vous vous émerveillez tout et on se rend compte, encore plus dans ce film, de votre capacité à passer d'un rôle à un autre. Il y a une soif permanente d'ailleurs de vous mettre en danger aussi.
Je ne sais pas trop d'où ça vient. Il y a quelque chose d'égoïste aussi là-dedans, c'est marrant, je m'en rends compte quand vous le dites. Peut-être que c'est en lien, pas avec une addiction, mais avec une sorte de besoin. Je crois que j'ai besoin d'expériences et d'expérimentations, de manière peut-être égoïste, mais je crois que j'ai besoin de ça.
"Pour ne pas m'ennuyer, pour tenter des choses, pour m'amuser, pour me risquer, peut-être, d'être à la limite de me brûler, je crois que je joue un peu avec ça, mais pour l'instant, je n'ai pas dépassé la limite."
Tahar Rahimà franceinfo
Dans le film, il y a une coccinelle qui est un peu un fil rouge, c'est le symbole du porte-bonheur parce que ce film aussi raconte le deuil qui a été provoqué, attendu, préparé, déclenché et subit. C'est une énorme gifle, un cri du cœur, mais il faut garder espoir.
Il faut garder espoir, c'est vrai que cette coccinelle est bien. Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais quand on était petit, on aimait bien porter les coccinelles et il y avait une phrase qui était un peu chantée, "Coccinelle va dire au bon Dieu qu'il fera beau demain". Je ne sais pas si vous vous souvenez de ça, mais je pense qu'elle est porteuse d'espoir et de foi, j'ai la sensation.
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