Xavier Dorison raconte le général de Gaulle à travers ses gorilles : "J'avais envie de regarder la grande histoire d'un angle particulier"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mardi 24 juin 2025, le scénariste de bande dessinée Xavier Dorison. Il publie "Les Gorilles du Général", aux éditions Casterman.
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Xavier Dorison est sans conteste l'un des scénaristes de bande dessinée les plus talentueux et réclamés de sa génération. Il a démarré avec la série Le troisième testament qui a obtenu une reconnaissance immédiate de la part du métier, de la critique et du public, avant de prêter son imagination et son écriture à Mathieu Lauffray pour la série Prophet. Son plus gros coup de projecteur s'est fait par le biais du scénario du film Les Brigades du Tigre, réalisé par Jérôme Cornuau avec entre autres Clovis Cornillac, Diane Kruger et Édouard Baer. Le 28 mai 2025, il a publié avec la complicité et le coup de crayon unique de Julien Telo, le premier tome de la bande dessinée Les Gorilles du Général, aux éditions Casterman. Cette bande dessinée raconte le général de Gaulle sous un aspect que peu connaissent. Nous sommes 11 ans avant sa mort et nous suivons une histoire de trahison et d'espoir, celle de ses quatre gardes du corps, surnommés les gorilles du général. Ils l'ont accompagné quand il est revenu au pouvoir en tant que sauveur pour résoudre la crise algérienne. À ce moment précis, il est devenu l'un des dirigeants les plus menacés de la planète.
franceinfo : Pourquoi avoir décidé d'explorer la vie du général de Gaulle à travers ces quatre hommes à la fidélité et au courage exemplaire ?
Xavier Dorison : J'avais envie d'écrire une histoire d'amitié et vous savez, souvent les histoires d'amitié, elles se construisent sur une passion commune. La passion commune de ces quatre personnages, c'est une idée de la France et cette idée de la France s'incarne dans le général de Gaulle. J'avais aussi envie de regarder la grande histoire par un angle un peu particulier, l'angle de gens comme vous et moi.
L'un des gorilles dit : "La mort est l'oubli". Pourtant, aujourd'hui encore, 55 ans plus tard, des hommes politiques s'accaparent toujours les phrases du général de Gaulle et se revendiquent du général de Gaulle.
Même certains qui ont quand même été ses ennemis mortels. C'est quand même drôle de voir des partis se réclamer du gaullisme alors que ceux qui ont fondé le même parti voulaient le tuer. Ce que je voulais montrer, c'est qu’effectivement, il avait vu juste. Tout le monde n'était pas pour De Gaulle, il a failli perdre les élections présidentielles, il est parti sur un référendum, mais ses idées, sa façon de voir la société étaient, je crois, d'actualité. Il avait vu la crise environnementale. Dans les années 60, il avait vu la nécessité d'équilibrer la consommation et la protection de l'environnement. Il avait vu le besoin d'indépendance, il avait vu comment l'économie ne pouvait pas tout gérer et que le social devait l'équilibrer. Je pense que plutôt que de reprendre des citations de De Gaulle, l'intérêt serait de reprendre son courage et sa vision du monde.
À un moment donné, on vit le fameux discours où le général de Gaulle va donner sa décision par rapport à cette Algérie. On se rend compte à quel point il était fort et puissant parce que juste avant de le prononcer, il a demandé aux personnes qui étaient dans son cercle, de rédiger par écrit ce qu'ils pensaient de cette situation et quel était leur positionnement.
C'est tout De Gaulle. On a à la fois quelqu'un qui est politiquement très fin et presque un roublard parfois. Il veut s'assurer que ses ministres ne vont pas changer d'avis une fois qu'il a pris sa décision et pourquoi est-ce qu'il prend cette décision d'annoncer que l'Algérie pourra s'autodéterminer ? Il a dit : "Il n'y a rien de plus idiot qu'une obstination qui ignore les faits". Donc c'est un homme politique pragmatique, quitte à dire aux Français ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre, ou plutôt que son petit milieu croyait qu'il n'avait pas envie d'entendre. Je pense que dans le fond, les gens étaient beaucoup plus matures que ce que le microcosme politique imaginait.
Cette BD est un travail différent de ce que vous avez fait. Là, il fallait quand même respecter une trame historique, il y a moins de place finalement pour l'imagination. L'imagination, elle se joue dans la structure qu'on donne, ce qui est très compliqué parce que ça ne vous appartient pas.
Oui, c'est-à-dire qu'en fait, je fais un récit historique proche de la réalité, mais je décale un peu les dates. Par exemple, pour les Gorilles du général qui ont vraiment existé, je prends la plupart des faits d'armes pour lesquels ils sont connus, mais je brode un peu sur leur vie privée, tout simplement parce que ce sont des gens très pudiques donc j'ai dû rajouter pour mettre une dimension romanesque. C'est vrai que dans mon travail, je suis allé faire de Goldorak, donc on est dans l'imagination complète jusqu'à 1629, qui est un récit historique de drame maritime. La méthode de travail, c'est toujours la même, on se documente, on essaie de comprendre de quoi on parle, d'en tirer un sens et puis derrière, on fait une histoire.
Quand est sorti le film Les Brigades du Tigre, ça a été un raz de marée, pour vous. Est-ce que ça change la vie ?
Oui et non. C’est-à-dire que je faisais déjà de la bande dessinée depuis dix ans, ça me permettait d'avoir une nouvelle corde à mon arc, de faire du scénario en audiovisuel. Dans la façon dont moi, je fais des histoires, c'est un métier qui n'est pas très différent. J'ai même envie de vous dire qu'en bande dessinée, le scénariste a presque plus de travail, contrairement à ce qu'on pourrait imaginer parce qu'on doit faire une bonne partie du travail que fait un réalisateur en audiovisuel. Moi, ça n'a pas vraiment changé ma vie, mais ça m'a permis de rencontrer plus de gens et de m'ouvrir, ce qui, bien entendu, était très intéressant.
Le général de Gaulle avait une droiture assez rare en politique. Il partait du postulat qu'il n'y avait de réussites qu'à partir de la vérité, c'est un peu ce que vous faites.
Vous savez, le travail d'un scénariste, c'est de mentir à partir de la vérité ou de parler lui en citant les autres. Ce qu'on cherche en tant que scénariste, c'est retrouver la vérité des gens, la vérité des situations, la vérité des systèmes, et de raconter une histoire pour amener les gens à ressentir cette vérité, non pas leur dire, mais leur faire ressentir. Ce serait un point commun très modeste avec lui.
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