Le traitement éditorial de l’assassinat de Charlie Kirk sur franceinfo

Anne Soetemondt, directrice de l’information internationale de Radio France et Richard Place, directeur de la rédaction de franceinfo répondent à Emmanuelle Daviet et aux questions des auditeurs.

Article rédigé par Emmanuelle Daviet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Des Américains se recueillent devant l'entreprise fondée par Charlie Kirk, à Phoenix, en Arizona. (JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA AFP)
Des Américains se recueillent devant l'entreprise fondée par Charlie Kirk, à Phoenix, en Arizona. (JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA AFP)

Des auditeurs estiment que la mort de Charlie Kirk, star des réseaux sociaux aux États-Unis et proche de Donal Trump, a été traitée de façon disproportionnée par rapport à son importance en France. La plupart d'entre eux n’avait jamais entendu parler de lui avant son assassinat.

Emmanuelle Daviet : Pourquoi avez-vous jugé nécessaire de traiter aussi largement cette affaire ?

Anne Soetemondt : Aux États-Unis, Charlie Kirk est très connu, très influent. Il avait l’oreille du Président, il était consulté par plusieurs personnalités, y compris au sein du gouvernement pour que certaines décisions soient prises par l’administration Trump. Donc, on savait, grâce à notre correspondant sur place (qu’on consulte beaucoup), que cette personne était absolument centrale dans l’histoire contemporaine américaine. Et on a aussi très vite vu que des mots-clés, des scènes clés, des images fortes émergeaient après cet assassinat. Donald Trump a érigé Charlie Kirk en martyr. Des gens ont perdu leur emploi parce qu’ils ne lui avaient pas assez rendu hommage sur les réseaux sociaux. On sait aussi qu'un hommage national est en préparation pour dimanche, à Phoenix. C’est un tournant dans l’histoire américaine. Il fallait qu’on raconte tout cela.

Des auditeurs reprochent à franceinfo d’avoir "adouci la réalité de Charlie Kirk en parlant de conservateur pro Trump plutôt que d’extrême droite ou de suprémacisme". Est-ce une volonté de neutralité au risque d’apparaître comme un manque de clarté ?

Richard Place : C’est surtout une volonté de trouver les bons termes, et ce n’est pas simple. C'est même très compliqué au quotidien – et Charlie Kirk est un très bon exemple pour montrer la difficulté de caractériser quelqu’un en deux mots ou en une phrase. Voilà pourquoi, le jour de sa mort où nous avons beaucoup parlé de cet assassinat, nous avons eu le souci d’expliquer qui était Charlie Kirk. Nous avons choisi d'aller dans le détail, de rappeler les propos qu’il tenait, les positions qu’il avait prises. Et nous l’avons fait, notamment grâce à la rédaction internationale de franceinfo, par exemple avec Claude Guibal : "Nationaliste chrétien pour la peine de mort, pour le port d’armes, pour le mariage ; obsédé par le déclassement de l’homme blanc, par l’avortement qu’il compare à l’Holocauste." Voilà ce qu’on a pu entendre sur franceinfo. Par la suite, effectivement, on a pu utiliser des raccourcis comme "conservateur pro Trump" ou "nationaliste trumpiste".

Anne Soetemondt : On se questionne toujours sur la qualification des personnes et on sait que c’est difficile. D’ailleurs, quand on a des invités ou quand on passe des coups de fil pour préparer nos interventions à l’antenne, on interroge des spécialistes. Même eux expliquent que ce n'est pas évident, en particulier pour Charlie Kirk, car nous n'avons pas en France les mêmes typologies, les mêmes qualificatifs. Un conservateur américain, ce n’est pas forcément très clair du point de vue français. On a donc décidé de le désigner comme "trumpiste", car c'est une réalité, il soutenait Trump. On a aussi dit qu'il était un "nationaliste chrétien" parce que, là aussi, c'est une réalité. Par contre "suprémaciste" semble ne pas être adapté, d'après des spécialistes de ces questions, sur place.

Certains auditeurs vont plus loin et disent percevoir une complaisance de franceinfo envers l’extrême droite en donnant plus de place à cette mouvance qu’aux autres. Comment éviter que le traitement d’une actualité soit interprété comme une banalisation ou une normalisation d’idées radicales ?

Richard Place : Les idées radicales, ce n’est pas franceinfo qui les crée et les fait circuler dans la société, elles existent. Et franceinfo rend compte de la société, de ce qui se passe en France et dans le monde. Je pense que nos auditeurs ont très bien compris qu’actuellement en Europe, en France, aux États-Unis, les idées radicales se propagent et qu’elles trouvent un public large. Nous devons en rendre compte, nous devons en parler. Nous avons expliqué, là, à quel point l’assassinat de Charlie Kirk est un tournant, sans doute, dans l’histoire moderne américaine. Et nous allons raconter encore le grand hommage national qui lui sera rendu dans le stade de Phoenix, en Arizona.

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