Le traitement éditorial des guerres au Proche-Orient
Franck Mathevon, Directeur de l’information internationale de Radio France répond à Emmanuelle Daviet.
/2023/07/07/64a7df4c5fe71_placeholder-36b69ec8.png)
/2025/06/20/gettyimages-2220300717-68554f0c3a781200348154.jpg)
Emmanuelle Daviet : Comment définissez vous la ligne éditoriale choisie pour couvrir le conflit entre Israël et l’Iran ?
Franck Mathevon : Je ne sais pas si il y a une ligne éditoriale, je dirais, qu'il y a en tout cas un credo. Et ce credo, c’est d’offrir la couverture la plus équilibrée possible en étant de chaque côté et dans chaque camp. Ça veut dire que, côté israélien, évidemment, on envoie des reporters sur le terrain, on a un correspondant à Jérusalem, on a plusieurs pigistes, c’est à dire des journalistes qui travaillent pour nous, mais aussi pour d’autres médias qui sont sur place. On envoie des reporters qui sont déployés avec des techniciens.
On est très présents côté israélien pour constater ce qui s’y passe, les attaques de missiles iraniens. Ça, ce n’est pas un problème d’une certaine manière. Ce qui peut en poser un, c’est d’être aussi présent aux côtés iraniens. Vous savez qu’on a de grandes difficultés à obtenir des visas pour travailler en Iran. Par ailleurs, l’espace aérien y est fermé aujourd’hui. Il l’est également en Israël, mais on parvient à accéder au territoire israélien par la Jordanie. Donc en Iran, c’est particulièrement compliqué. On a là aussi un pigiste, Siavosh Ghazi, qui travaille très régulièrement pour nous et qui peut nous rendre compte de la situation et des nombreuses victimes, des nombreux dégâts qui peuvent se produire côté iranien. Mais on a besoin aussi et c’est toute la difficulté de l’exercice depuis une bonne semaine maintenant, d’obtenir des témoignages, donc d’aller à la recherche de contacts qui peuvent nous raconter ce qu’ils vivent actuellement sur le territoire iranien via les réseaux sociaux.
C’est difficile parce qu’il y a des contraintes supplémentaires et notamment de grandes difficultés à obtenir un bon réseau Internet. Il y a des cyberattaques. Enfin, il y a plusieurs obstacles à surmonter de ce type, mais notre objectif est d’offrir à nos auditeurs une couverture équilibrée.
Alors, par rapport à ces obstacles, il y a des questions récurrentes dans les messages des auditeurs : comment gérez-vous l’équilibre entre la rigueur factuelle, la diversité des points de vue et les contraintes de terrain ?
Comme je vous l'ai exposé, pas facile d’être suffisamment équilibré entre le camp iranien et le camp israélien. Mais on s’y efforce. Après la diversité des points de vue peut parfois être difficile à obtenir dans un conflit entre l’Iran et Israël. Peut-être aussi parce qu’il y a une tendance naturelle à diaboliser le régime iranien. Les droits de l’homme, les droits des femmes y sont bafoués. C’est un régime qui applique la loi islamique. Il applique la peine de mort également. C’est assez loin de nos standards occidentaux. Mais il ne faut pas oublier d’abord qu’il est important d’entendre le point de vue du pouvoir iranien. Et puis il y a aussi tout un peuple, et notamment une partie de la population iranienne qui est opposée au régime. Donc il est indispensable de pouvoir entendre cela aussi, surtout à un moment où une forme de nationalisme iranien peut s’emparer de toutes les couches de la population, y compris des opposants.
Les journalistes ne sont pas autorisés à se rendre à Gaza pour couvrir ce qui s’y passe, mais continuent donc, vous l’avez dit, à réaliser des reportages en Israël et des auditeurs y voient, "une forme de complicité involontaire". Ils demandent que l’information sur Israël soit traitée avec la même retenue contrainte concernant Gaza. Comment recevez vous ce type de remarques ?
Alors j’ai un peu de mal à comprendre ce que veut dire cet auditeur. Donc l’idée serait que parce qu’on ne peut pas aller à Gaza, il faudrait finalement qu’on n’aille pas non plus en Israël.
En résumé c’est ça
Voilà, ça me semble totalement contraire en fait à nos principes journalistiques. Évidemment, on va continuer de raconter ce qui se passe en Israël parce qu’on y est présent et notre mission est de raconter ce qui se passe à Gaza à travers des témoignages, des sources. Qu’il est indispensable qu’on obtienne. Donc, il faut qu’on travaille sur le terrain à Gaza sans y être, évidemment. C’est une difficulté qui rejoint celle qu’on vient de décrire concernant l’Iran. Mais c’est une difficulté qu’on est obligé de surmonter. Il faut se battre pour raconter au quotidien ce qui se passe à Gaza et pouvoir offrir là aussi à nos auditeurs une couverture équilibrée du conflit.
On rappelle pourquoi les journalistes ne peuvent pas aller à Gaza ?
Ils ne peuvent pas aller à Gaza parce qu’Israël leur interdit de se rendre à Gaza. On essaie de se battre contre cet état de fait depuis le début du conflit. Depuis octobre 2023, c’est extrêmement difficile d’obtenir des passe-droits. Il y a eu quelques journalistes qui ont pu accéder à certaines zones de Gaza avec l’armée israélienne. Ça a été le cas de journalistes de Radio France, mais c’est extrêmement rare et ça rend très difficile la couverture de ce conflit.
À regarder
-
Retour de S. Lecornu : peut-il tenir ?
-
"Je ne l'ai pas tuée" : Cédric Jubillar réaffirme son innocence
-
Oeufs, à consommer sans modération ?
-
Ours : ils attaquent même dans les villes
-
Ce radar surveille le ciel français
-
On a enfin réussi à observer un électron !
-
"Manifestation des diplômés chômeurs, un concept marocain !"
-
Crise politique : "La dernière solution, c'est la démission du président de la République"
-
Le loup fait taire la Fête de la science
-
Les tentatives de suic*de en hausse chez les adolescentes
-
Défi chips : alerte dans un collège
-
Quand tu récupères ton tel à la fin des cours
-
Ukraine : le traumatisme dans la peau
-
Teddy Riner s'engage pour sensibiliser sur la santé mentale
-
Suspension de la réforme des retraites : les gagnants et les perdants
-
Ukraine : le traumatisme dans la peau
-
L'espoir renaît à Gaza après l'accord de cessez-le-feu
-
Une école pour se soigner et réussir
-
Taux immobiliers : est-ce le moment d'acheter ?
-
La panthéonisation de Robert Badinter
-
Cancer : des patientes de plus en plus jeunes
-
"Le Bétharram breton" : 3 établissements catholiques dénoncés par d'anciens élèves
-
Cessez-le-feu à Gaza : un premier pas vers la paix
-
Quand t'as cours au milieu des arbres
-
Il gravit la tour Eiffel en VTT et en 12 min
-
Pourquoi on parle de Robert Badinter aujourd'hui ?
-
Robert Badinter : une vie de combats
-
La tombe de Robert Badinter profanée à Bagneux
-
Accord Hamas-Israël, la joie et l’espoir
-
"Qu’on rende universelle l'abolition de la peine de mort !"
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter