Vrai ou faux
Rachida Dati renvoyée en correctionnelle : y a-t-il eu une règle qui obligeait les ministres mis en examen à démissionner ?

Le Parti socialiste demande la démission de la ministre de la Culture après son renvoi devant le tribunal correctionnel. Selon le secrétaire général du parti, le gouvernement s'émancipe des "règles".

Article rédigé par Valentine Joubin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Rachida Dati, la ministre de la Culture, à Paris, le 20 juin 2025. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS)
Rachida Dati, la ministre de la Culture, à Paris, le 20 juin 2025. (AMAURY CORNU / HANS LUCAS)

Après l'annonce, mardi 22 juillet, de son renvoi devant le tribunal correctionnel pour corruption et trafic d'influence dans l'affaire Carlos Ghosn, plusieurs responsables politiques de gauche appellent Rachida Dati à démissionner. C'est notamment le cas du secrétaire général du Parti socialiste, Pierre Jouvet, qui a qualifié, mercredi, la ministre de la Culture de "voyou".

"Il y avait des règles dans ce pays qui étaient de dire que; quand un homme ou une femme politique étaient mis en examen, il ou elle démissionnait de ses fonctions ministérielles", a ajouté l'eurodéputé sur Sud Radio. Vrai ou faux ? Existait-il une loi liant mise en examen et exercice de la fonction de ministre ?

Pas de loi mais une coutume politique

Tout dépend de ce qu'on entend par "règles". Si l'on pense à une règle écrite, à une loi, la réponse est non. Il n'y a pas et il n'y a jamais eu de disposition juridique qui stipule qu'un ministre mis en examen doit démissionner. En revanche, il y a bien eu une forme de coutume politique. Cela a commencé sous le gouvernement socialiste de Pierre Bérégovoy. En 1992, son ministre de la Ville, Bernard Tapie est contraint de démissionner après avoir été mis en examen pour abus de biens sociaux.

Ce principe moral sera réaffirmé, systématisé sous le gouvernement d'Édouard Balladur. Ainsi en 1994, trois ministres démissionneront avant même d'être mis en examen. C'est à cette époque que naît l'expression "jurisprudence Bérégovoy-Balladur", même si le terme de jurisprudence n'est pas adapté car ces démissions n'ont jamais été prononcées par la justice.

Cette règle non écrite vole en éclat sous la présidence de Nicolas Sarkozy. En 2010, malgré sa condamnation pour injures raciales, Brice Hortefeux est maintenu à son poste au ministère de l'Intérieur. Des faits pour lesquels il sera finalement relaxé.

Une règle à géométrie variable sous Emmanuel Macron

Le principe de la mise en examen incompatible avec la fonction de ministre est de nouveau revendiqué et appliqué sous la présidence de François Hollande. Le ministre du budget Jérôme Cahuzac est l'exemple le plus emblématique de ce cadre moral.

Avant même son élection, Emmanuel Macron, promet lui aussi de s'y tenir. "Un ministre doit quitter le gouvernement lorsqu'il est mis en examen", affirme-t-il, le 2 mars 2017, sur France 2 alors que son rival François Fillon est empêtré dans l'affaire des emplois fictifs. Dont acte, le mois suivant son élection, François Bayrou, Marielle de Sarnez ou encore Sylvie Goulard sont poussés vers la sortie.

Mais au fil du temps, le principe n'est plus respecté. Des ministres continuent d'exercer leurs fonctions en dépit de leur mise en examen, et même durant leur procès. C'est le cas de l'ancien garde des Sceaux Éric Dupond Moretti, relaxé par la Cour de justice de la République en décembre 2023. Quelques mois plus tôt, la porte-parole du gouvernement, Olivia Grégoire, avait déclaré que la règle devrait s'adapter à la "spécificité" de chaque cas.

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