Vrai ou faux
La charge de la dette va-t-elle devenir le budget le plus important de l'État, comme l'affirme François Bayrou ?

Le Premier ministre François Bayrou a appelé les députés à un vote de confiance et alerté sur le poids de la dette dans le budget de la France, lors d'une prise de parole lundi 25 août.

Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le Premier ministre français François Bayrou assiste à une conférence de presse, à Paris, le 25 août 2025 (DIMITAR DILKOFF / AFP)
Le Premier ministre français François Bayrou assiste à une conférence de presse, à Paris, le 25 août 2025 (DIMITAR DILKOFF / AFP)

"Le France est au bord du surendettement." Cette phrase, François Bayrou l'a martelée lors de sa prise de parole lundi 25 août pour demander un vote de confiance à l'Assemblée nationale le 8 septembre prochain. Le Premier ministre a répété son alerte sur la situation économique du pays, la nécessité de faire des économies, lui qui cherche 44 milliards d'euros, et l'augmentation alarmante du coût de la dette.

"La charge de la dette va devenir cette année le budget le plus important de la Nation. Les annuités que nous devons rembourser vont être plus lourdes que le budget de l'Éducation nationale et que le budget des Armées", a-t-il déclaré. Ce qui a fait s'étrangler l'économiste François Geerolf sur X : "Encore une fois, écrit-il, regarder la charge de la dette n'a pas de sens." Le Vrai ou Faux fait le point sur ce sujet qui fait débat, même entre économistes.

Une logique contredite par des économistes

La logique de François Bayrou est assez simple. Le Premier ministre estime que la France va devoir rembourser 66 milliards d'euros en 2025 à ceux qui lui ont prêté de l'argent pour qu'elle puisse fonctionner, c'est ce qu'il appelle la charge de la dette.

François Bayrou prend ensuite les lignes du budget, regarde les montants qui sont alloués aux différents ministères, et il constate que l'Éducation nationale, qui est traditionnellement le premier poste de dépenses de l'État, aura reçu 64 milliards d'euros pour fonctionner cette année. Soixante-quatre étant moins que soixante-six, le Premier ministre en conclut que la charge de la dette va devenir dépasser l'Éducation nationale et devenir le premier poste de dépenses budgétaires du pays en 2025.

Mais, pour certains économistes, comparaison n'est pas raison. "Ce cri d’alarme, martelé par ministres et technocrates, est devenu un classique du débat public. On nous présente cette dépense comme "la plus stupide qui soit", un gouffre financier amputant l’avenir, des milliards qui pourraient servir à l’éducation, la santé ou l’écologie. Pourtant, cette rhétorique, usée jusqu’à la corde, repose sur un raisonnement biaisé", écrit l'économiste François Geerolf, membre de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) dans une tribune sur Marianne.

François Geerolf, ainsi que d'autres économistes de l'OFCE, estiment que le Premier ministre oublie de prendre en compte l'inflation. Contacté par franceinfo, Éric Heyer explique que le coût de la dette est en partie amorti par l'inflation, voire totalement absorbé quand l'inflation est supérieure aux taux auxquels la France a emprunté de l'argent. 

Pour bien comprendre leur logique : si quelqu'un prête 100 euros à quelqu'un d'autre avec un taux d'intérêt à 1%, l'emprunteur doit rendre 101 euros au bout d'un an, s'il n'y a pas d'inflation, car la valeur des 100 euros de départ n'aura pas changé. Mais, en cas d'inflation, les choses sont différentes. Pour que le prêteur ne perde pas d'argent, l'emprunteur doit lui rendre la valeur de ce qu'il a emprunté.

Avec une inflation à 2%, la valeur de 100 euros a augmenté et est passée à 102 euros. L'emprunteur va donc devoir rendre 102 euros au lieu de 101. À première vue, on dirait que l'emprunteur a rendu encore plus d'argent, puisqu'il a rendu un euro de plus que ce qui était prévu s'il n'y avait pas eu d'inflation. Mais, en vérité, il a gagné un euro, puisque le taux d'intérêt a été absorbé par l'inflation. Si cela n'avait pas été le cas, l'emprunteur aurait dû rembourser 103 euros et quelques centimes.

Selon l'OFCE, la charge de la dette a rapporté de l'argent en 2024

Ainsi, selon cette logique, et en prenant des indicateurs réels – ceux de 2024 – et non des prévisions – les indicateurs de 2025 étant encore appelés à bouger – non seulement la charge de la dette n'a rien coûté à l'État en 2024, mais elle lui a même rapporté de l'argent. François Geerolf explique que le taux d'intérêt moyen réel de la France était inférieur à l'inflation qui se situait à 2% en 2024. "Oui, vous avez bien lu : la charge réelle de la dette publique est en fait négative. Autrement dit, l’État gagne de l’argent en empruntant", conclut-il. C'est ce que les économistes appellent la "taxe inflationniste".

Quant à savoir si la charge de la dette coûtera quelque chose à la France en 2025 et si elle sera le premier poste de dépense, pour ces économistes, il faudra attendre que l'année soit terminée et que les indicateurs soient stabilisés. En attendant, François Geerolf affirme que le coût de la dette, régulièrement brandi comme un argument pour davantage de rigueur voire d'austérité budgétaire, est un "mythe".

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