Vrai ou faux
Les énergies renouvelables sont-elles coûteuses et "totalement inutiles" ?

Le président de l'Union des droites pour la République, Éric Ciotti, propose de faire des économies en diminuant le financement de "certaines énergies renouvelables", sans donner de chiffres précis.

Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Un parc éolien du comté de Suichuan, dans la province centrale du Jiangxi en Chine, le 17 juillet 2025. (STR / AFP)
Un parc éolien du comté de Suichuan, dans la province centrale du Jiangxi en Chine, le 17 juillet 2025. (STR / AFP)

En ce mois de septembre et alors que le gouvernement se cherche encore un budget à proposer pour l'année 2026, chacun y va de sa proposition pour faire des économies. Le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti a notamment proposé sur France 2, mercredi 17 septembre, de faire des économies grâce à une "diminution sur les aides à certaines énergies renouvelables qui sont totalement inutiles", avant d'ajouter que "l'Allemagne [venait] d'ailleurs de diminuer considérablement ces aides". Cela pose plusieurs questions.

Les énergies renouvelables sont-elles vraiment "totalement inutiles" ?

C'est un argument assez récurrent du président de l'Union des droites pour la République (UDR) et même du Rassemblement national. Ils pensent que la France n'a pas besoin des énergies renouvelables tantôt, car il arrive que le pays produise plus d'électricité qu'il n'en consomme (et revend alors le surplus) et parce que l'électricité est déjà décarbonée en France, en grande partie grâce au nucléaire.

Mais, d'une part, les renouvelables ont en vérité aidé à décarboner l'électricité française. "Contrairement à une idée reçue, le charbon n’avait pas complètement disparu avec le parc nucléaire, explique Nicolas Goldberg, responsable énergie du cercle de réflexion Terra Nova, sur le site BonPote. Ce n’est que bien plus tard, quand l’éolien et le solaire se sont ajoutés au nucléaire français, que le charbon a pu quasiment disparaître de la production d’électricité."

De plus, les renouvelables seront nécessaires pour répondre aux futurs besoins d'électricité, selon l'expert. Que ce soit dans les projections du gestionnaire des réseaux de transport d'électricité en France, RTE, de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et de l'Agence internationale de l'énergie, partout la consommation d'électricité va augmenter ces prochaines années.

Pour tenir ses objectifs climatiques, la France va notamment devoir réduire sa consommation d'énergies fossiles, notamment en remplaçant le pétrole par l'électrique dans les transports. "Dans les scénarios proposés par RTE, la consommation électrique atteindra entre 560 TWh (dans un scénario complet de sobriété) et 750 TWh (en cas de forte réindustrialisation et sans sobriété), alors que le nucléaire actuel ne produit que 400 TWh, les meilleures années, et l’hydraulique environ 75 TWh. L’éolien et le solaire sont donc indispensables", analyse Nicolas Goldberg.

Il ajoute que le premier des six nouveaux EPR annoncés par Emmanuel Macron en 2022 ne sera mis en service qu'au plus tôt en 2038 – au lieu de 2035 – et qu'il faudra des renouvelables d'ici-là.

Peut-on vraiment faire des économies en diminuant ou en cessant de financer les énergies renouvelables ?

Selon les prévisions du gouvernement, contenu dans sa programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour les années 2025-2030 et 2031-2035, le soutien public aux renouvelables va coûter entre 38 et 63 milliards d'euros dans un scénario de prix médian sur 35 ans. Cela représente un coût entre un et deux milliards d'euros par an en moyenne pendant 35 ans. 

Point technique, ce soutien peut beaucoup varier, en fonction des fluctuations du prix de l'énergie. Il s'agit de contrats que l'État passe avec des producteurs de renouvelables. Si le prix de marché est inférieur au prix de référence du contrat, l'État paie la différence, alors que si le prix de marché est supérieur au prix de référence dans le contrat, les producteurs de renouvelables reversent des recettes à l'État. La PPE prévoit donc des scénarios très larges, allant d'un coût de 135 milliards d'euros à, au contraire, un gain de 34 milliards d'euros sur 35 ans. En 2023, le soutien public aux renouvelables a rapporté 14 milliards d'euros à l'État, en raison de la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine.

Selon la Cour des comptes, ce sont les contrats signés dans le passé qui coûtent le plus cher à l'État. Cela se constate d'ailleurs dans les projections du gouvernement. Or ces contrats vont bientôt arriver à échéance et les nouveaux coûteront moins cher, assure Nicolas Goldberg, car le prix des technologies a baissé par rapport à il y a 15 ou 20 ans. 

En comparaison, les importations d'énergies fossiles coûtent plusieurs dizaines de milliards d'euros chaque année. Selon RTE, l'importation d'énergies fossiles coûte habituellement entre 25 et 80 milliards d'euros à la France par année. C'est même monté à 116 milliards d'euros en 2022. 

Le RN et l'UDR ont dénoncé aussi en mars 2025 les investissements dans les renouvelables à venir de RTE et d'Enedis, qui gère le réseau public de distribution. Cela représente entre 40-45 milliards d'euros pour le premier, selon le ministre délégué à l'Énergie de l'époque Marc Ferracci et 10 milliards d'euros pour le second, selon Enedis, le tout sur au moins 15 ans, rapporte Le Monde, soit entre trois et quatre milliards d'euros par an, qui seront notamment financés par les consommateurs d'électricité.

Dans un rapport publié il y a seulement quelques jours, la Cour des comptes a souligné, comme le Giec et l'Ademe avant, que "le coût de la transition" énergétique était "bien inférieur à celui de l'inaction" climatique.

L'Allemagne vient-elle de "diminuer considérablement" les aides aux renouvelables ?

Si l'Allemagne n'a pas encore acté la diminution des aides aux renouvelables, c'est en effet le souhait de la ministre allemande de l'Économie, Katharina Reiche, ce qui est une rupture nette avec son prédécesseur écologiste. La ministre conservatrice de la CDU dit vouloir une politique énergétique "plus flexible" et reproche aux renouvelables leur production intermittente, parfois trop élevée, parfois pas assez.

Elle a tout de même assuré que l'Allemagne allait maintenir ses objectifs climatiques, et notamment d'augmenter la part des renouvelables dans la consommation électrique. Actuellement, 60% de l'électricité consommée Outre-Rhin a été produite par des énergies renouvelables, expliquent les missions allemandes en France. Demain, ce sera 80%.

En comparaison, la situation de la France est très différente : seule 30% de la consommation d'électricité ici est produite par des renouvelables, selon RTE. C'est donc moitié moins qu'en Allemagne.

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