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Vrai ou faux
Un maire peut-il interdire le drapeau palestinien dans sa commune ?
Le maire de Chalon-sur-Saône a décidé d'interdire le port du drapeau palestinien dans sa commune pendant trois mois, car il serait, selon lui, devenu un symbole et un signe de ralliement pour les auteurs des violences après la victoire du PSG en Ligue des Champions.
Deux cents personnes se sont réunies devant l'hôtel de ville de Chalon-sur-Saône lundi 2 juin pour défendre le drapeau palestinien, selon le Journal de Saône-et-Loire. La veille, le maire de la ville avait annoncé son intention d'interdire le port du drapeau palestinien dans sa commune car il est devenu, selon lui, l'étendard des violences qui ont eu lieu pendant le week-end, après la victoire du PSG en finale de la Ligue des Champions. Interrogé sur l'efficacité d'une telle mesure, Gilles Platret, ex-Les Républicains, assure qu'interdire ce drapeau pendant trois mois permettra un retour au calme.
À Chalon, "ce sont 200 à 300 éléments qui arrivent à pied, qui très rapidement vont sortir des mortiers d'artifice, vont brandir des drapeaux palestiniens et vont commencer à jeter sur les forces de l'ordre du verre, des cailloux, des pavés, tout ce qu'ils trouvent sous leur main. Donc là, on n'est plus dans le cadre sportif, on est dans une stratégie qui consiste à saisir l'occasion de cette liesse populaire pour arriver et jeter la violence", explique l'élu sur BFM TV. "À mes yeux, le drapeau palestinien a une importance dans cette stratégie. Il a été vu à Chalon, il a été vu sur le pont de l'Alma, il a été vu sur les Champs Élysées, partout où il y avait de l'émeute."
Le maire peut limiter la liberté d'expression, sous condition
Mais a-t-il le droit de faire ça ? Plusieurs militants de la France insoumise l'ont alpagué sur le réseau social X pour lui dire que sa mesure n'était pas légale. "Cet arrêté est illégal et relève du racisme anti-palestinien", dénonce la députée de Seine-et-Marne Ersilia Soudais. "La justice a tranché, c'est parfaitement illégal d'interdire les drapeaux palestiniens. Ce maire le sait, mais il préfère encombrer la justice avec ses conneries", commente le militant Ilan Gabet, aux plus de 100 000 abonnés.
Le sujet est complexe. Aucune loi ne définit dans quelle mesure il est possible de brandir un drapeau étranger en France, malgré les tentatives de plusieurs propositions de loi notamment en 2009 puis en 2011 qui n’ont jamais abouti. Il est entendu que brandir un drapeau étranger fait partie de notre liberté d'expression et donc, en parallèle, aucune loi ne dit si un maire a le droit ou non de l'interdire.
Selon le Code général des collectivités territoriales, le maire a un pouvoir de police municipale, ce qui lui donne le droit de limiter certaines libertés à condition que cela soit nécessaire et proportionné afin de faire régner l'ordre public. Cependant, même si cela ne présage rien de ce qui arrivera à l'arrêté municipal de Chalon-sur-Saône que certains opposants entendent contester, la justice administrative s'est déjà prononcée plusieurs fois sur le sujet : non, pour la justice, l'interdiction d'un drapeau n'est ni nécessaire ni proportionnée.
Une mesure "ni nécessaire ni proportionnée"
Ilan Gabet partage une capture d'écran d'une décision de justice, déjà partagée quelques jours auparavant par Nicolas Hervieu, enseignant en droit public et droit européens des droits de l'homme. Il s'agit d'une décision du tribunal administratif de Nice datant de 2015.
Un an auparavant, le maire de Nice a pris un arrêté municipal pour interdire tous les drapeaux étrangers pendant la Coupe du monde de football dans le but de prévenir un trouble à l'ordre public. Son arrêté avait été aussitôt suspendu avant d'être annulé un an après.
"Si l'autorité de police est fondée à prendre les dispositions permettant de prévenir de tels débordements, elle ne peut, toutefois, prendre une mesure comme l'interdiction de drapeaux étrangers qui n'est pas, en elle-même, nécessaire ni proportionnée à la sauvegarde de l'ordre public et de la tranquillité publique", écrivait alors le tribunal.
Plus récemment, ce même tribunal a suspendu un arrêté du maire de Mandelieu-la-Napoule qui voulait interdire "tous les drapeaux en lien avec le conflit israélo-palestinien sur la voie publique" – mais qui visait expressément les drapeaux palestiniens, selon Ici Azur (ex-France Bleu) – aux alentours du 7 octobre 2024, pour le premier anniversaire de l'attaque perpétrée par le Hamas sur le sol israélien.
"La portée de l'interdiction litigieuse, qui ne se limite pas aux manifestations éventuelles en lien avec le conflit israélo-palestinien, lesquelles peuvent au demeurant faire l'objet de mesures restrictives le cas échéant, a en tout état de cause une portée générale et absolue pendant la période en cause, et n'apparaît ainsi pas comme étant adaptée, nécessaire et proportionnée aux circonstances locales", expliquait le tribunal.
Un habitué des décisions polémiques
En prenant cette décision, Gilles Platret, qui a un temps été tenté par Reconquête!, le parti d'Éric Zemmour, poursuit sa stratégie politique habituée des décisions polémiques, ciblant parfois la communauté musulmane, parfois les étrangers. L'AFP rappelle que l'élu s'est à plusieurs reprises positionné comme défenseur du "peuple français" contre "l'épuration ethnique" que pratiqueraient des "blocs musulmans".
Il a déjà voulu interdire les menus sans porc dans les cantines scolaires en 2015, a essayé de rendre obligatoire l'usage du français sur les chantiers de sa ville et a refusé de célébrer un mariage franco turc car il estimait qu'il s'agissait d'un mariage blanc, avant d'y être contraint par la justice.
Edit du 5 juin 2025 : l'arrêté municipal du maire de Chalon-sur-Saône a été suspendu par le tribunal administratif de Dijon le 4 juin dans l'après-midi, rapporte Ici Bourgogne (ex-France Bleu).
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