"La chambre d'à côté" : Almodovar, en douceur face à la mort

Thierry Fiorile et Matteu Maestracci évoquent deux films sortis cette semaine : "La Chambre d'à côté" de Pedro Almodovar et "Hiver à Sokcho" de Koya Kamura.

Article rédigé par Thierry Fiorile, Matteu Maestracci
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Tilda Swinton et Julianne Moore dans "La chambre d'à côté", de Pedro Almodovar. (PATHE FILMS / EL DESEO)
Tilda Swinton et Julianne Moore dans "La chambre d'à côté", de Pedro Almodovar. (PATHE FILMS / EL DESEO)

Voici les deux films choisis cette semaine par nos experts cinéma.

La chambre d'à côté de Pedro Almodovar

La chambre d'à côté est le premier film en langue étrangère du maître espagnol, après deux courts métrages, histoire de se faire la main sans doute. Almodovar, c'est une longue histoire d'actrices et, ici, Tilda Swinton et Julianne Moore entrent avec majesté dans la très sélect catégorie des chicas almodovariennes.

A New York, Martha (Tilda Swinton), correspondante de guerre, sait que son cancer est sans rémission possible. Elle se procure un poison létal et demande à sa vieille amie, Ingrid (Julianne Moore), écrivaine à succès, de l'accompagner vers la mort qu'elle a choisie. Dans une maison sublime, à la campagne, réchauffées par les couleurs chères au maestro espagnol, elles font, non sans accrocs ni douleur, ce chemin que seule leur amitié peut ouvrir.

Ce qui va surprendre les fans du cinéaste, c'est la tonalité presque austère du film, loin des femmes au bord de la crise de nerfs chères au réalisateur. Il fallait cela pour éviter l'excès de mélo lié au sujet, et à ce jeu-là Juliane Moore et Tilda Swinton excellent. Elles sont lumineuses pour dire, avec Almodovar, qu'il n'y a rien de glauque à choisir sa propre fin de vie. Alors bien sûr, comme François Truffaut, Almodovar pense que le cinéma doit être plus beau que la vie et, ici, son esthétique si reconnaissable est volontairement saturée. Cela fait du bien et, pour tous ceux qui ont grandi avec ses films, cette familiarité avec son cinéma est réconfortante.

Hiver à Sokcho de Koya Kamura

Une histoire de déracinement, de distance et de double culture. Yan Kerrand (interprété par un Roschdy Zem toujours taiseux, charismatique et minéral) est un auteur de BD français en visite à Sokcho, ville balnéaire de Corée du Sud, sous la neige. Il rencontre Soo-Ha, 23 ans, qui jongle entre son petit ami et sa mère qui vend du poisson. Deux êtres que tout oppose mais qui vont se croiser et s'apprivoiser, magie du cinéma et de sa narration, avec un vrai questionnement sur la double culture puisque Soo-Ha parle français, le pays de son père qui l'a abandonnée. Un déchirement, un vide qu'elle tente de combler avec la présence de ce mystérieux visiteur français.

Il y a quelque chose d'indéniablement tendre et personnel dans Hiver à Sokcho, un peu de l'histoire du narrateur et de son actrice eux-mêmes, et quelque chose d'universel dans le message et ce vécu. Les images sont charmantes, les comédiens aussi. Peut-être un petit souci de rythme : c'est parfois trop contemplatif. Quelques phrases à la limite du programme de développement personnel ne doivent cependant pas vous empêcher de voir et d'apprécier ce film.

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