"Résistances affectives" de Chowra Makaremi, aux éditions La Découverte

Cette semaine, une anthropologue explique comment l'émotion née de morts violentes a fait naître des mouvements de protestation massifs un peu partout dans le monde ces dernières années.

Article rédigé par Rémi Bostsarron
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'anthropologue Chowra Makaremi analyse les formes de résistances provoquées par ce qu'elle appelle "les politiques de la cruauté". (LA DECOUVERTE)
L'anthropologue Chowra Makaremi analyse les formes de résistances provoquées par ce qu'elle appelle "les politiques de la cruauté". (LA DECOUVERTE)

Vous avez tous entendu parler de ces mouvements de colère, de révolte, des mouvements révolutionnaires même parfois, qui ont éclaté ces dernières années : aux États-Unis avec le slogan "Black Lives Matter", en Iran avec le slogan "Femme, vie, liberté", mais aussi en Tunisie ou en Argentine.

L'émotion comme force politique

À chaque fois, des manifestations monstres et des foules souvent jeunes ont été soulevées par la mort d’une personne : un automobiliste noir tué par un policier aux États-Unis, un vendeur ambulant qui s’immole par le feu en Tunisie, une jeune femme tuée par la police des mœurs en Iran ou une adolescente assassinée par son copain en Argentine.

Tous ces mouvements illustrent ce que Chowra Makaremi appelle les "résistances affectives". C’est-à-dire un moment où, face à la violence qui vise à faire disparaître, à réprimer, à étouffer, on voit apparaître au contraire une émotion et une affirmation collective qui deviennent force politique et qui débordent les frontières du pays.

Le rôle essentiel des femmes

Les réseaux sociaux jouent un rôle important dans ce phénomène : l’émotion se diffuse souvent sur la base d’une photo ou d’une vidéo, qui est commentée, relayée.

Mais cette diffusion ne suffirait pas si la révolte n’était pas, aussi, structurée le plus souvent par des femmes, comme le souligne Chowra Makaremi. Des femmes qui, à cette occasion, investissent l’espace public. Ce fut le cas aussi en Égypte, au Soudan, au Liban ou en Inde.

Ces femmes fixent le ton et la forme de la révolte, avec notamment l’importance des chants, qui sont repris par la foule. Elles créent du lien face à ce que l’autrice appelle "les politiques de la cruauté", c’est-à-dire justement des politiques qui visent à défaire les liens entre les individus par l’usage de la force. Politiques incarnées aujourd’hui, selon elle, par Donald Trump ou Vladimir Poutine.

Au-delà de l'analyse, un témoignage émouvant

Ce livre n’est pas qu’un essai ou une étude, il est aussi un témoignage.

Chowra Makaremi est en effet directement concernée par le sujet. Elle est originaire d’Iran et sa mère, opposante au régime des mollahs, a été assassinée en prison en 1988. L'autrice s’est donc très tôt interrogée sur la façon dont on peut résister face à ces politiques de la cruauté.

Cette résistance peut simplement prendre la forme d’une chanson. Elle le raconte, et c'est, en l’occurrence, une berceuse murmurée par sa grand-mère. Une chanson peut apparaître comme rien, mais – et c’est très touchant – elle explique comment la cruauté d’un régime peut être mise en échec par la voix d’une femme.

Résistances affectives, aux éditions La Découverte.

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