France et Algérie, "des feux mal éteints" pour la "Revue des Deux Mondes"

Le président français Emmanuel Macron s'est dit "confiant" vendredi 11 avril dans la libération à venir de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné à cinq ans de prison ferme en Algérie. L'écrivain est à la Une de l'édition d'avril de la Revue des Deux Mondes. franceinfo a interrogé la rédactrice en chef de la revue, Aurélie Julia, samedi

franceinfo : pourquoi ce numéro consacré à l'Algérie avec Boualem Sansal en couverture ?

Aurélie Julia : À la base du numéro d'avril de la Revue des Deux Mondes consacré à l'Algérie, il y a l'emprisonnement de Boualem Sansal, cet écrivain franco-algérien qui croupit dans une prison depuis le 16 novembre 2024. Et cet emprisonnement a réveillé des feux un peu mal éteints entre l'Algérie et la France. Nous avons voulu revenir sur cette histoire passionnelle, cette histoire affective qui est longue et qui ne commence pas évidemment avec la guerre d'indépendance. 

Une histoire commencée vers la régence d'Alger en 1516 jusqu'à 1830, et après le royaume arabe de Napoléon III.

On connaît mal cette histoire et notre ignorance, et les autorités algériennes, en tout cas, jouent de cette ignorance. Rabelais disait bien que "l'ignorance est la mère de tous les maux" et c'est pour cela que nous avons une grosse partie historique dans ce dossier. Il faut absolument connaître l'histoire de ce pays, avec aussi des articles géopolitiques.

Comme le poison lent de la rente pétrolière et gazière ?

Nous avons aussi dans ce numéro un article de David Camus qui est le petit-fils d'Albert Camus, qui est revenu un peu sur les relations ambiguës que l'Algérie a avec Albert Camus. Ambiguës parce que c'est un mélange d'admiration et de rejet. Admiration, Albert Camus est né en Algérie. C'est l'enfant du pays à qui il a avoué un amour fou et déclaré son amour toute sa vie.

Le sucre et l'aigreur ?

C'est un peu ça. Et il était très lucide aussi. Il a dénoncé très régulièrement les conditions de la population colonisée, les conditions de pauvreté dans lesquelles vivait cette population-là. Et rejet, parce que Camus avait toujours cette image de colonisateur blanc et était contre l'indépendance totale de l'Algérie. 

Il y a aussi un article de Renaud Girard sur la politique étrangère américaine de Donald Trump et l'Algérie ? 

Donald Trump, lors de son discours d'investiture à la Maison Blanche le 20 janvier, a déclaré que l'Algérie allait rentrer dans une nouvelle ère, un nouvel âge d'or sur le plan intérieur, sur le plan extérieur. Renaud Girard s'est demandé quel aspect allait avoir cet âge d'or au niveau de la diplomatie américaine. Il a relevé plusieurs aspects, notamment que Trump n'aimait pas les schémas préconçus, ni le multilatéralisme, et qu'il renouait avec une politique de protectionnisme aussi.

La méthode trumpienne, c'est : on crée des chocs en annonçant des décisions brutales, on attend que ce temps de sidération passe et, on travaille sur la nouvelle situation créée. Pour les Européens, c'est une diplomatie qui est dure, mais qui a le mérite, si on peut en trouver un, d'être très claire. 

Pour l'instant, nous sommes dans les affaires des droits de douane. Et on peut dire, pour l'Union européenne, que la Belle au bois dormant n'a pas été réveillée par le baiser du prince, mais par une claque russe et une claque américaine... 

Il faut se réveiller, en effet, il faut se mettre debout. Et pour revenir à Camus, il y avait cette très belle citation qui disait : "Vivre, c'est ne pas se résigner". 

Il y a aussi un article de Jean-Michel Djian de France Culture, "L'âme de la nation, un héritage de Renan". 

Ernest Renan était un grand et célèbre contributeur de la Revue des Deux Mondes, et il a prononcé une conférence à la Sorbonne en 1882 sur "Qu'est-ce qu'une nation ?".  Et Renan était extrêmement visionnaire et toutes les questions et les problèmes qu'il soulève résonnent avec notre actualité aujourd'hui, notamment avec la situation actuelle entre la Russie et l'Ukraine.