"Ils étaient tous libres d'écrire et de publier" : la "Revue des deux mondes" se penche sur la liberté et les valeurs avec Luc Ferry et un dossier sur les écrivains collabos

Le nouveau numéro de la Revue des deux mondes présente en couverture Luc Ferry : "La liberté fait peur parce qu’elle implique la responsabilité". "Le talent et la culture n'ont jamais empêché la barbarie ou l'extrémisme, y déclare Luc Ferry. Ce n'est pas une affaire d'intelligence, mais de valeurs. (...) Elles ne sont ni vraies, ni fausses, elles sont seulement bonnes ou mauvaises."

Aurélie Julia : Oui, ce serait un peu le fil rouge de tout le numéro avec Luc Ferry. Nous avons mis cette citation en couverture parce que Luc Ferry, c'est un philosophe qui aime son époque, qui est très intéressé par les évolutions sociétales, humaines, scientifiques. Mais il n'est pas aveugle non plus sur les dérives de notre société. Il sait nos libertés fragiles et il nous met en garde contre ce qu'on peut un peu perdre de vue avec notre quête effrénée du bonheur et notre nombrilisme.

"Luc Ferry n'est pas du tout un "décliniste". Il trouve que notre époque est beaucoup plus respirable aujourd'hui que celle de nos aïeux."

Aurélie Julia

à franceinfo

Il y a aussi un autre point dans cet entretien qui est assez intéressant, c'est son approche de l'intelligence artificielle - il y a consacré un livre. Beaucoup de gens autour de nous sont très effrayés par l'apparition de l'intelligence artificielle. Lui, ne l'est pas. Il dit bien que la machine aura plus de connaissances que nous. Mais ce qui nous rend supérieurs à la machine, c'est notre libre arbitre et nos valeurs.

franceinfo : Ce qui agace le plus, c'est le manque de compétence de nos politiques en matière de sciences, d'économie. Et s'il s'inquiète d'une société de défiance généralisée qui pourrait basculer dans la haine, il se réjouit de vivre malgré tout dans une nation libre qui pourrait retrouver une voie vers le progrès.

Oui, Luc Ferry aime notre époque et l'avenir ne lui fait absolument pas peur. 

On trouve aussi dans ce numéro une lettre de Robert Desnos, ce poète qui a déclaré "haïr la guerre, mais aimer la faire" lorsqu'il a fallu combattre contre Hitler. Ainsi qu'un dossier sur les écrivains collabos, mené par Pierre Assouline, Jérôme Garcin et beaucoup d'autres personnalités. Un contraste qui illustre bien le nom même de la Revue des deux mondes.

Ce qu'on a voulu faire dans ce dossier, c'est essayer de comprendre le choix et les attitudes de certains écrivains qui ont publié pendant la collaboration. Il faut dire qu'il n'existe pas d'écrivain-collabo type, mais qu'il n'existe que des cas. Le trait qui peut les réunir, c'est qu'ils étaient tous libres d'écrire et de publier. Personne ne les a obligés à écrire avec un pistolet sur la tempe.

Il n'est bien sûr pas question de juger ces écrivains dans la Revue des deux mondes, l'histoire s'en charge bien. Et il n'est pas non plus question de dissimuler leur idéologie mortifère. On a voulu rentrer en fait dans la complexité de l'humain. Rien n'est blanc, rien n'est noir. Et que fait-on justement quand, notamment à propos de Céline, quand l'odieux rencontre le génie ? Faut-il censurer ces écrivains-là ?