"L'Orthodoxie est la seconde confession chrétienne, c'est à peu près 250 millions de fidèles", souligne un historien
Loin d’être un bloc monolithique, l’Orthodoxie se décline en une mosaïque d’Églises, de langues et d’influences. Dans son ouvrage "Géopolitique de l’Orthodoxie", l'historien Jean-Arnault Dérens explore cette complexité.
L'historien Jean-Arnault Dérens, auteur de Géopolitique de l'Orthodoxie : de Byzance à la guerre en Ukraine, explique la diversité et les enjeux géopolitiques de l'orthodoxie, seconde religion chrétienne après le catholicisme, souvent réduite à tort au seul univers slave ou russe. Il met en lumière, dimanche 15 juin, les multiples visages de cette branche du christianisme présente sur "plusieurs continents, voire à l'échelle de la planète entière, avec les diasporas" et notamment en Europe et au Proche-Orient. À travers l’histoire, la culture, les conflits, il se penche sur le rôle géopolitique de cette branche religieuse, notamment en Ukraine où "deux pays orthodoxes s'opposent".
Franceinfo : Replaçons géographiquement l'Orthodoxie en Europe.
Jean-Arnault Dérens : L'Orthodoxie, c'est tout d'abord la seconde confession chrétienne après le catholicisme, c'est 250 millions à peu près de fidèles. Et puis c'est une réalité. Je dirais qu'il y a trois grands piliers. D'une part, il y a historiquement une Orthodoxie grecque qui dérive de Byzance, bien évidemment, présente en Grèce, en Turquie et au Proche-Orient. Il y a une Orthodoxie de langue arabe qui est un pilier très important. Et une partie de ce que l'on appelle les chrétiens d'Orient qui sont des orthodoxes. Il y a bien sûr le troisième grand pilier qui est l'Orthodoxie slave, notamment russe, qui fournit aujourd'hui les contingents les plus importants. Mais il ne faut surtout pas réduire l'Orthodoxie au monde slave ou encore moins au monde russe. Il y a donc des visages pluriels de l'Orthodoxie. C'est une réalité sur au moins plusieurs continents, voire à l'échelle de la planète entière, avec les diasporas.
Les catholiques ont un pape, les orthodoxes ont des patriarches.
Ce sont des primats par église. Parfois, pas toujours, mais le plus souvent ils ont le titre de patriarche. Il y a le patriarche œcuménique de Constantinople, Istanbul aujourd'hui en Turquie, qui a une primauté d'honneur, c'est-à-dire qu'il a une prescience qui lui est reconnue. Mais il ne peut en aucun cas imposer une décision à une église nationale, ce patriarche a des moyens très limités, notamment face à la plus importante des églises qui est l'église russe, forte de 110 à 120 millions de fidèles.
Pourquoi parlez-vous de géopolitique de l'Orthodoxie aujourd'hui ?
Parce que l'on parle beaucoup de l'Orthodoxie, notamment dans le contexte du conflit à l'heure de la guerre des Balkans, où lui aussi était un des éléments.
Ça, c'étaient les Serbes…
C'était en l'occurrence des Serbes qui sont un peuple majoritairement orthodoxe, et puis aujourd'hui, il y a cette situation où, en Ukraine, deux pays orthodoxes s'opposent, la Russie, qui est un pays majoritairement orthodoxe et un autre pays majoritairement orthodoxe qui est l'Ukraine, et il y a une complexité confessionnelle à l'origine de l'Ukraine avec plusieurs églises chrétiennes. Et il y a aujourd'hui deux églises orthodoxes rivales, l'une qui se prétend autocéphale et l'autre qui est la branche autonome d'une église ukrainienne toujours spirituellement rattachée à Moscou. Ce sont des clés importantes de compréhension de cette identité de frontière qui, en réalité, est celle de l'Ukraine. La grande question, c'est, est-ce que ces différences religieuses sont un facteur causal de la guerre ou pas.
Y a-t-il un lien entre les orthodoxes, on va dire globalement européens, donc l'Europe orientale, l'Europe de l'Est et ceux du Moyen-Orient ?
Ceux du Moyen-Orient sont très assurément, un petit peu ceux qu'on n'évoque que dans des grands moments d'émotion, mais qu'on oublie un peu au quotidien parce que ces églises orthodoxes orientales sont numériquement beaucoup plus faibles, elles ont énormément souffert des bouleversements du XXe et même du début du XXIe siècle. Mais il faut rappeler qu’il y a, par exemple, un patriarche à Constantinople, il y a aussi un Patriarcat d'Antioche, de Jérusalem et un Patriarcat d'Alexandrie, qui sont les églises fondatrices de l'Orthodoxie. Et le Patriarcat d'Alexandrie, par exemple, a toujours un rayonnement important dans beaucoup de pays africains aujourd'hui.
Mais, y a-t-il quelque part une idée de se dire, après tout, ça serait peut-être pas mal de s'allier à nouveau avec les catholiques, on serait plus nombreux, plus forts ?
Le dialogue œcuménique était une priorité, assurément, du pape François et du patriarche œcuménique Bartholomée, je pense que le nouveau pape Léon a aussi ce souci-là. On peut imaginer que le processus de réconciliation qui avait été entamé il y a déjà plus de 50 ans par le pape Paul VI, et puis celui qui était à l'époque le patriarche Athénagoras, qui s'est beaucoup accéléré depuis, va se poursuivre. C'est un dialogue bien sûr théologique, mais qui porte aussi sur des enjeux très concrets, par exemple les orthodoxes ont été les premiers, sous l'impulsion du patriarcat œcuménique, à se saisir des enjeux environnementaux en disant que la défense de la création est un devoir pour quiconque se prétend chrétien. Parce que, si a priori, pour un chrétien, un don de Dieu que les hommes n'ont pas le droit de gâcher comme ils sont en train de le faire. Donc il y a des convergences objectives qui existent, même si bien évidemment, il y a beaucoup de ressentiments, notamment du côté orthodoxe, du fait des événements qui se sont succédé depuis plus d'un millénaire.
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